Quel statut pour les travailleurs 2.0 ?

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 - Même les métiers intellectuels sont touchés par l'uberisation/free lance à cause du manque d'activité pour un job à temps plein.

- Le salariat sera remplacé par un régime indépendant bidon surtaxé en charges sociales et fiscales et, où dans les faits, il fonctionne avec les mêmes conditions de travail qu'un salarié, un seul employeur, même subordination, même dépendance financière.

- Sans aucune garantie, remercié à tout moment, pas d'indemnités, pas d'Assedic, pas de retraites, etc., bref une société en contrat zéro heure ou mini job pour tous.


Maître Confucius

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Travailleurs indépendants recrutés par l’intermédiaire de la plate-forme Internet TaskRabbit pour remplir les
colis d’une start-up de Portland (Oregon). - Photo Peter Bohler/REDUX-REA

L’essor des plates-formes pour indépendants, sur le modèle d’Uber, préfigure un monde où le salariat ne sera plus la norme. Cela va nécessiter la création de nouveaux filets de sécurité.

Depuis mardi dernier, tout habitant des Etats-Unis âgé de plus de 21 ans disposant d’une voiture et d’un smartphone Android peut devenir livreur occasionnel pour Amazon. Avec son nouveau service, appelé Flex, le géant de l’e-commerce fait un pas de plus vers les offres de travail « à la demande » pour les particuliers – un domaine dont il a été un des pionniers il y a dix ans avec Amazon Mechanical Turk, qui fait effectuer aux internautes, moyennant rémunération, des tâches plus ou moins complexes (analyse d’images, modération de forums, réalisation de sondages, etc.)

Si ce nouveau mode de travail a été popularisé par Uber et ses chauffeurs de VTC, il va désormais bien au-delà du transport de passagers ou de colis. Outre-Atlantique, les travailleurs indépendants ont accès à des plates-formes pour garder des animaux (DogVacay), jouer les déménageurs (Lugg) ou effectuer toutes sortes de petits travaux (TaskRabbit). En France, ils peuvent offrir leurs services sur Youpijob (travaux divers) ou Hassle (tâches ménagères), mais la place de marché la plus utilisée pour ces tâches n’est autre que Leboncoin, dont la rubrique « prestations de services » propose plus de 100.000 offres émanant de particuliers.

Un actif américain sur trois

Et le phénomène ne se limite pas aux emplois peu qualifiés : aux Etats-Unis, la plate-forme Upwork revendique 2,5 millions de prestataires en free-lance, exerçant des professions intellectuelles (développeurs, avocats, graphistes, assistantes, etc.). Selon une étude commanditée par la Freelancers Union (lire ci-dessous), le statut d’indépendant concernerait 53 millions de personnes, soit un actif américain sur trois. Porté par les plates-formes Internet, il pourrait concerner un salarié américain sur deux à l’horizon 2020.

Aux Etats-Unis, un syndicat pour les « freelancers »

En France, les travailleurs indépendants sont encore peu, voire pas du tout, pris en compte par les syndicats traditionnels. Mais les choses commencent à bouger à l’étranger. En Italie, les grandes centrales ont commencé à défendre les droits des salariés dits « atypiques » à la fin des années 1990. En Allemagne, au Royaume-Uni ou au Danemark, des autoentrepreneurs « économiquement dépendants » ont pu bénéficier, dans certains cas, de négociations collectives.

Mais le cas le plus innovant provient des Etats-Unis, où une avocate de New York, Sarah Horowitz, a lancé en 2003 la Freelancers Union. A la différence des syndicats classiques, cette organisation à but non lucratif n’a pas de pouvoir de négociation collective. Elle s’est spécialisée dans la fourniture de services (offres d’emploi, guides juridiques...) et dans les offres de protection sociale (assurance santé, chômage, etc.), via des contrats négociés auprès d’assureurs privés. La Freelancers Union mène aussi des actions de lobbying : sa fondatrice a récemment interpellé les candidats à la présidentielle américaine dans les colonnes du « New York Times ».

De là à en déduire que le salariat tel que nous le connaissons est condamné à plus ou moins brève échéance, il n’y a qu’un pas que plusieurs analystes n’hésitent plus à franchir. « En France, nous avons la perception d’être face à une crise de l’emploi – ce qui n’est pas faux quand on regarde les chiffres du chômage. Mais cette crise de l’emploi cache une révolution du travail, et un changement structurel de la façon de travailler, estime Denis Pennel, qui dirige la Confédération mondiale des services privés pour l’emploi (Ciett) et vient de rédiger pour le think tank Génération libre un rapport prônant la création d’un « statut de l’actif ». « Je suis convaincu que l’on a atteint le point culminant du salariat dans nos économies développées. » Une perspective qui, jusqu’à présent, intéressait peu le monde politique, trop occupé à débattre des 35 heures ou du statut de la fonction publique. Mais la situation évolue un peu, comme en témoigne le lancement par Nathalie Kosciusko-Morizet (Les Républicains) d’un cycle de réflexion sur la fin du salariat (« Les Echos » du 5 octobre 2015).

L’ère des indépendants

David Ménascé, auteur d’une étude intitulée « La France du Bon Coin », que vient de publier l’Institut de l’entreprise, fait le même constat : «  Le salariat est grignoté par le bas parce que les gens ne trouvent pas de boulot, ou des boulots trop précaires. Il est aussi grignoté par le haut, parce que les professions intellectuelles ont une aspiration au travail qui est différente de celle des générations précédentes. » Confrontés à un marché du travail bien plus fermé que celui de leurs aînés, mais aspirant aussi à plus de liberté et d’autonomie, les moins de 35 ans formeraient aujourd’hui le principal bataillon de ces « travailleurs 2.0 ».

Les conditions de vie d’un consultant en stratégie travaillant à son compte, d’un designer free-lance, d’un chauffeur Uber ou d’un « prestataire de services » sur Leboncoin n’ont bien sûr pas grand-chose à voir. Mais tous sont confrontés au même problème : le droit du travail, en France comme aux Etats-Unis, n’est pas encore adapté à leur situation. Qu’il s’agisse de protection sociale, de dialogue social ou d’accès au crédit et au logement, le modèle dominant repose avant tout sur le salariat – au détriment de ceux qui sont en dehors. Certes, des outils ont été mis en place (statut d’autoentrepreneur, portage salarial…), mais « le Code du travail ne couvre à 99 % que le travail salarié, à l’exception de certains articles portant sur des professions par nature indépendantes (journalistes pigistes, professionnels du spectacle, travailleurs à domicile…), note Denis Pennel. Il est devenu à la fois trop complexe et incapable de défendre les nouvelles formes d’emploi. »

Subordination et dépendance

D’où la nécessité de créer un nouveau statut pour le travailleur post-salarié, qui prenne en compte les réalités du travailleur indépendant. La principale question porte sur les notions de subordination et de dépendance. « Ces nouvelles formes de travail se caractérisent à la fois par une indépendance juridique et une dépendance économique », explique David Ménascé, qui appelle « microfranchisés » les indépendants travaillant principalement pour des plates-formes telles qu’Uber. Dans son entretien aux « Echos », NKM proposait en réponse la « création d’un “seuil de dépendance économique”, à partir duquel une entreprise qui fait travailler régulièrement un indépendant doit lui octroyer des droits, par exemple, à des congés payés ou des RTT ».

Pour Denis Pennel, la question de la subordination n’est de toute façon plus pertinente : « Il faut regarder qui supporte le risque économique. Ce risque repose beaucoup plus sur les épaules des individus, il va donc falloir travailler à leur proposer des filets de sécurité. » Il propose pour cela la création d’un compte social unique intégrant toutes les assurances sociales (chômage, formation, retraite…), version étendue du futur compte personnel d’activité, dont le gouvernement a annoncé la création au 1er janvier 2017. Et va même jusqu’à reprendre l’idée d’un filet de sécurité ultime, évoqué dès les années 1960 par le très libéral économiste américain Milton Friedman : un revenu universel, versé de manière inconditionnelle à tout individu, « sous la forme d’un crédit d’impôt permettant à chacun de subvenir à ses besoins de base », écrit Denis Pennel. De quoi esquisser un monde où chacun pourrait travailler librement à son compte, mais sans risquer de tout perdre en cas de fin de contrat.

 

 

Source(s) : Lesechos.fr via Maître Confucius

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