Régimes spéciaux, décote, pension de réversion : ce qui se prépare pour la réforme des retraites (Marianne)

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Le haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, a présenté son rapport. - IP3 PRESS/MAXPPP

Le haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, a présenté ce jeudi 18 juillet ses recommandations, servant de base au texte en préparation. En attendant de connaître les mesures d'économies souhaitées par le gouvernement, pour l'instant laissées de côté, voici les principales propositions mises sur la table.

Le plus dur reste à venir. Ce jeudi 18 juillet, la réforme des retraites version 2019 a certes franchi un cap, le haut-commissaire chargé du chantier, Jean-Paul Delevoye, ayant présenté son rapport après 18 mois de concertations, parfois tendues. Mais le gouvernement a soigneusement mis de côté les mesures d'économies, écartées du projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2020. Ces coupes sont pourtant bien au programme : le haut-commissaire a indiqué qu'une "règle d’or d’équilibre" serait instaurée pour "garantir la pérennité de la trajectoire financière" du système des retraites, sachant que le conseil d’orientation anticipe un déficit de 10 milliards d'euros en 2022.

Avant de savoir comment le gouvernement compte serrer la vis, voici donc les principales recommandations du haut-commissariat, qui doivent servir de base à un texte de loi dont la présentation en conseil des ministres est prévue d'ici à la fin de l'année. La réforme doit être débattue au Parlement après les élections municipales de 2020, pour une entrée en vigueur progressive à partir de 2025.

La retraite par points

C'est l'un des points cardinaux du projet de réforme, promis par Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle : l'instauration d'une retraite par points. Si le système envisagé marche encore par répartition - les cotisations des travailleurs finançant les pensions des personnes aujourd’hui à la retraite, par opposition à un système par "capitalisation" dans lequel chacun épargne pour soi -, il ne fonctionne plus par annuités mais par cumul de points acquis tout au long de la carrière en fonction des cotisations versées par un salarié.

Actuellement, le calcul des droits à la retraite se fait sur les 25 meilleures années pour les salariés du privé ou sur les 6 derniers mois pour un fonctionnaire. Dans le nouveau système proposé, les points accumulés au cours de la carrière sont convertis en pension au moment de la liquidation.

Un euro cotisé permet d’acquérir le même nombre de points, quel que soit le statut professionnel et le moment où il a été cotisé, promet le haut-commissaire. Par ailleurs, des points de solidarité sont accordés pour les périodes de chômage indemnisé, maternité, invalidité et maladie. Enfin, le projet propose une augmentation du minimum retraite, à 85% du Smic net, contre 81% pour les salariés et 75% pour les agriculteurs actuellement.

Tous les droits acquis avant l'entrée en vigueur du nouveau système au 1er janvier 2025 seront "transformés en points à l'euro près", a insisté Jean-Paul Delevoye. Concernant la valeur du point de retraite, qui cristallise les inquiétudes, le haut-commissaire s'est voulu rassurant. Celle-ci "ne pourra pas baisser dans le temps" et sa revalorisation prendrait en considération l’évolution des "revenus moyens en France", a-t-il expliqué. Le niveau des pensions, lui, serait revu selon l’inflation "pour [préserver] le maintien du pouvoir d’achat des retraités, comme c’est le cas aujourd’hui". Qui déciderait de ces révisions ? Une caisse nationale de retraite universelle, dont le conseil d'administration "pourra être composé de treize représentants des assurés et de treize représentants des employeurs et des indépendants", serait créée pour piloter le système, sous la houlette du Parlement et de l’exécutif.

Retraite à taux plein à 64 ans

Alors que le gouvernement est contraint, promesse de campagne oblige, de ne pas toucher à l'âge légal de la retraite à 62 ans, Jean-Paul Delevoye propose d'introduire un "âge d'équilibre" à 64 ans, appelé ainsi parce qu'il est censé permettre d'assurer le financement des retraites. Suivant cette règle, la pension fait l'objet d'une décote de 5% par année d'écart en-dessous de 64 ans, limite légèrement supérieure à l'âge moyen de départ à la retraite (63,4 ans en 2018). Au-dessus de 64 ans, elle fait l'objet d'une surcote de 5% par année d'écart. Autrement dit, l'âge d'équilibre est en fait un âge de départ à la retraite à taux plein, conçu pour inciter à travailler plus longtemps. Ce système entrerait en vigueur à partir de la génération 1963. En outre, les dispositifs de cumul emploi-retraite permettraient désormais de se constituer de nouveaux droits à la retraite en travaillant après l'âge du taux plein.

Le haut-commissariat présente ainsi l'exemple fictif de Paolo, un travailleur qui a acquis 30.000 points au cours de sa carrière et qui a cotisé sur la base d'un salaire égal à 1,5 smic. Le montant de la pension sera de 1375 euros par mois à 64 ans. Il sera en revanche plus faible auparavant : 1237 euros à 62 ans et 1306 euros à 63 ans. Il sera plus élevé après : 1444 euros à 65 ans et 1512 euros à 66 ans.

La fin des régimes spéciaux

Les 42 régimes spéciaux de retraite sont fusionnés en un seul dans le rapport de Jean-Paul Delevoye. De sorte que les départs anticipés prévus par les régimes spéciaux sont "progressivement fermés". L'âge légal de 62 ans s'applique pour tout le monde. Sont cependant maintenus la possibilité de partir en retraite à 60 ans pour les carrières longues et le compte professionnel de prévention, qui permet de prendre sa retraite jusqu'à deux années plus tôt en cas "d'exposition à un risque professionnel". Ce compte devrait être élargi aux fonctionnaires et aux anciens bénéficiaires des régimes spéciaux. Les militaires, policiers, douaniers, pompiers, surveillants pénitentiaires et autres professions à risque pourront toujours faire valoir leurs droits à la retraite de manière anticipée. La pénibilité doit également être prise en compte.

Le système universel de retraite signifie également que le taux de cotisation sera identique pour tous : 28,14%, partagé entre l’employeur (60%) et le salarié (40%). Seule exception : les indépendants, qui cotiseront à hauteur de 28,12% sur les 40.000 premiers euros gagnés puis à hauteur de 12,94% sur les 80.000 euros suivants. Une cotisation exceptionnelle de solidarité, n'ouvrant pas de droit, est également prévue pour tous les salariés payés plus de 10.000 euros par mois : elle serait de 2,81% de la totalité des revenus.

Pension de réversion et majoration familles

Actuellement, il existe 13 régimes différents pour les pensions de réversion, qui représentent 11% du budget total des retraites. Le régime général prévoit que le ou la conjoint.e survivant.e a droit, à partir de 55 ans, à 54% de la retraite de base dont bénéficiait ou aurait pu bénéficier l’assuré décédé (sans tenir compte des majorations pour enfants et/ou conjoint à charge), avec un minimum de 3433 euros par an et un maximum de 10.941 pour 15 ans d'assurance retraite au régime général du conjoint disparu. Ce régime est en outre soumis à un plafond de revenu annuel brut de 20.862 euros pour une personne seule.

La réforme propose de tous les fusionner pour garantir au conjoint survivant un revenu à hauteur de 70% du total des retraites perçues par le couple. Le haut-commissariat présente l'exemple d'un couple affilé au régime général, dont le premier conjoint touche 2000 euros de pension, et le second 850 euros de pension. Après le décès du premier des conjoints, le second toucherait 1995 euros de pension (70% de 2850 euros), contre 1965 euros dans le système actuel. Jean-Paul Delevoye assure que les retraités actuels ne seront pas concernés par cette "harmonisation". Si cette mesure améliore donc le régime général, elle fera cependant des perdants parmi les bénéficiaires des 12 autres régimes de réversion en vigueur.

Enfin, le haut-commissariat prévoit une majoration des droits à la retraite de 5% à se répartir entre les deux parents dès le premier enfant et pour chacun des suivants (10% pour deux enfants, 15 % pour trois enfants), contre 10% de majoration à partir du troisième enfant pour chacun des parents aujourd'hui. A défaut de répartition, la majoration irait à la mère. L'intérêt de pouvoir répartir le pourcentage entre les deux parents est d'assigner un fort pourcentage à la pension la plus élevée, 15% de 1500 euros rapportant davantage que 15% de 1000 euros.

 

Source : Marianne.net

 

Information complémentaire :

Crashdebug.fr : C'EST CASH ! - Retraites : un système à bout de souffle ? (RT)

 

 

 


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