René Dosière : Un ministre coûte « 17 millions d'euros tout compris »

Alors que dans son 17e rapport sur le mal logement, la Fondation Abbé Pierre est alarmiste. Il est intéressant de se pencher sur l'autre extrémité de la pyramide...

René Dosière n’est pas un député comme les autres. C’est un parlementaire d’investigation. Depuis dix ans, obstinément, l’élu (apparenté PS) de Laon bombarde les ministères de questions écrites, précises, pointilleuses, répétés, puis patiemment recoupe les bribes de réponses, ré-insiste, croise les sources officielles et peu à peu lève un coin du voile sur l’argent de l’Etat.

Sa spécialité ? La dissection du train de vie de l’Elysée, un triangle des Bermudes de la République, avant qu’il ne décide d’y mettre son nez. L’enquêteur de l’Assemblée, qui avait révélé les tours de passe-passe comptable du Château sous Chirac, refait les comptes de l’Elysée sous Sarkozy et s’attaque maintenant au train de vie de toute la machine gouvernementale.

Nicolas Sarkozy a-t-il fait la lumière sur les dépenses de l’Elysée ?

Il y a clairement un avant et un après Sarkozy. Il a permis par exemple pour la première fois à la Cour des Comptes de contrôler son budget. C’est est un progrès indéniable et je lui en sais gré. Mais beaucoup reste encore à faire.

Par exemple ?

J’ai dû poser des questions pendant quatre ans sur la garden-party du 14 juillet pour en connaitre le coût total. J’ai fini par avoir le vrai chiffre : 100 euros par tête. Mais au départ, on ne me donnait que le prix du traiteur ! Autre exemple : le ministère de l’Intérieur refuse toujours de me donner des chiffres précis sur le nombre des forces de l’ordre mobilisés lors des déplacements en province du président. Je ne peux que procéder par recoupement. J’arrive à un total de 450 000 euros de frais de sécurité par déplacement. Cela fait cher la poignée de main aux Français.

Les chiffres que l’on finit quand même par vous communiquer, sont-ils fiables ?

Pas toujours. Il est aberrant par exemple que le ministère de la Défense ait affirmé aux représentants de la Nation que le nouvel avion du chef de l’Etat, le fameux Air Sarko One, avait coûté 176 millions d’euros, alors que le vrai montant de la facture se chiffre à 259 millions d’euros.

Vous enquêtez sur l’Elysée mais ne vous aventurez pas sur le terrain sensible du patrimoine du chef de l’Etat.

Parce qu’il est invérifiable ! Chaque président de la République déclare ce qu’il veut en début et fin de mandat. Il n’y a aucun contrôle. Juste des interrogations : comment se fait-il par exemple que les déclarations de patrimoine de Jacques Chirac à l’entrée et à la sortie de l’Elysée soit pratiquement identiques ? Pendant douze ans, toutes ses dépenses étaient prises en charge et il touchait dans le même temps diverses rémunérations que j’évalue au total à trois millions d’euros. Cette somme aurait dû logiquement arrondir coquettement ses économies. Pourtant, elle n’y figure pas. Et personne ne trouve rien à y redire.

Nicolas Sarkozy sera peut-être plus sincère ?

On ne le saura jamais ! En entrant à l’Elysée, il a fait une déclaration conjointe avec son épouse Cécilia. Or, entre temps, il s’est remarié. Sa situation financière a donc évolué. Il sera alors impossible de savoir s’il s’est enrichi ou appauvri du fait de ses fonctions. C’est dommage car cela ouvre la voie aux soupçons.

Après l’Elysée vous vous attaquez pour la première fois aux dépenses du gouvernement. Combien "coûte" un ministre ?

Selon mes calculs, 17 millions d’euros tout compris, avec son personnel et ses locaux. Ce chiffre n’avait jamais été calculé. Pourtant il n’est pas idiot de l’avoir en tête quand on forme un nouveau gouvernement, non ? Si l’on entre dans les détails, on s’aperçoit également qu’un tiers de la somme est consacrée à la communication politique personnelle du ministre, hors campagne institutionnelle de son ministère. N’y a-t-il pas quelques économies à faire sur ce poste ?

Et sur les conseillers de cabinet ?

Aussi. J’avais déjà fait une étude sur le gouvernement Fillon II qui montrait que la moyenne des trois plus hautes rémunérations de cabinet culminait à 11 235 euros mensuels. Mes premières constations sur le gouvernement Fillon III, en fonction depuis novembre 2010, montrent encore une augmentation substantielle de 20 à 30 % des rémunérations. Peut-être que certains membres des cabinets ministériels ont profité de ma première enquête, qui montrait des disparités entre les ministères, pour se faire augmenter. Si cette hypothèse se confirmait, j’en serais profondément désolé.

La palme du conseiller le mieux payé revient-elle toujours à Henri Guaino, à l’Elysée avec plus de 19 000 euros par mois, soit presque l’équivalent du salaire du Premier ministre ?

Je ne peux pas l’affirmer car je n’ai eu accès qu’aux rémunérations des conseillers de l’Elysée classées par administration d’origine. J’ai pu calculer par déduction le salaire individuel d’Henri Guaino car il était le seul originaire de la Cour des Comptes. En me transmettant ces tableaux, la bureaucratie élyséenne a fait un effort de transparence sans le vouloir !

Interview de René Dosière, député PS de l'Aisne par Olivier Toscer.

L’argent de l’Etat, Le Seuil, 289 pages, 19,50 euros

 Article à paraître dans le Nouvel Observateur du jeudi 2 février 2012

Source : nouvelobs.com

 


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