PREMIERE MONDIALE. Des Chinois modifient le génome d'embryons humains

Des chercheurs chinois ont annoncé avoir procédé à des modifications génétiques d'embryons humains. Une première mondiale qui ne va pas manquer de faire couler beaucoup d'encre dans les prochains jours.

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Embryon humain ©ZEP / SCIENCE PHOTO LIBRARY

GATTACA. Coup de tonnerre dans le monde de la génétique. Un groupe de chercheurs chinois a annoncé mercredi 22 avril 2015 avoir procédé à des modifications génétiques sur des embryons humains. Une première mondiale qui réalise le fantasme - ou la crainte - d'une intrusion dans le code du vivant humain. Une expérience qui constitue le franchissement d'une ligne jaune. 

L'équipe de Junjiu Huang, généticien de l'université Sun Yat-sen dans la province a en effet publié dans la revue Protein & Cell les résultats de cette première tentative de manipulation génétique appliquée à des embryons humains. Difficile de ne pas considérer l'annonce comme historique étant donné que ce geste est le premier pas concret fait en direction d'une intervention génétique de l'homme sur l'homme, et ce avant la naissance. L'horizon d'une telle démarche ? Difficile à dire pour le moment. Les tenants d'un certain catastrophisme parlerons des problèmes éthiques qui se posent face à la possibilité d'un eugénisme contrôlé "à la source" du type de celui porté au grand écran par le film Bienvenue à Gattaca. Les plus optimistes penseront de leur côté à la possible éradication de nombreuses maladies génétiques avant la naissance des bébés.

Des embryons non-viables

C'est de ce côté que disent se positionner les scientifiques chinois. Pour tenter d’éviter de trop enflammer ce débat, ils précisent que leurs expériences ont été menées sur des embryons humains non-viables obtenus auprès de centres de fertilité qui réalisent des fécondations in vitro. Le but de l'expérience a consisté à tenter de modifier un gène responsable d'une très rare maladie génétique du sang, la bêta-thalassémie ou anémie de Cooley. Une pathologie qui se traduit par un ensemble typique de symptômes tels qu'une modification des os du crâne conférant un faciès mongoloïde, qui apparaît dans l'enfance, un retard de croissance, une splénomégalie (rate de grande taille), une anémie microcytaire (globules rouges de petite taille) importante. 

C'est par le biais d'une technique d'ingénierie du génome mise au point en 2012, la CRISPR/Cas9, et dont le principe a été découvert par une chercheuse française, Emmanuelle Charpentier, que les scientifiques ont pu intervenir sur ces embryons. Le principe de la CRISPR/Cas9 consiste à programmer une protéine capable de "couper" l'ADN (Cas9) pour permettre de modifier de façon spécifique et à un endroit très précis le génome. Grâce à cet outil génétique, il devient possible - et même assez facile - de cibler n'importe quel gène dans une cellule pour le modifier. Eteindre ou allumer l’expression d’un gène, le modifier, le réparer, l’enlever... Tout est aujourd’hui possible.

13926916.jpgEn janvier 2014, la revue Cell avait publié la toute première application de cette technique chez des singes. Les auteurs montraient ainsi son efficacité pour inactiver in vivo simultanément deux gènes précis (Ppar-γ and Rag1). Il leur avait suffit pour cela d'injecter un kit moléculaire dans des embryons au stade d’une seule cellule. La photo des deux singes issus de cette manipulation avait fait le tour du monde (voir ci-contre).

Les chercheurs chinois précisent que leurs résultats révèlent de sérieux obstacles qui se dressent contre l’utilisation de cette méthode à des fins médicales. Ainsi sur les 86 embryons inclus dans les essais, 71 ont survécu et seulement 28 ont pu être génétiquement manipulés. Mais ce n'est que chez une fraction d'entre eux que la suppression du gène a été en partie réussie. Il s'agit donc d'un demi échec. Néanmoins, au moins quatre autres groupes de recherche en Chine procéderaient en ce moment à des expériences similaires. "C’est la première fois que la méthode CRISPR/Cas9 est appliquée à des embryons humains. Et une telle étude est à la fois un point de repère, aussi bien qu'un récit édifiant", explique à la revue Nature George Daley, biologiste spécialisé dans les cellules souches de l’Ecole de médecine de Harvard à Boston. "Leur étude devrait être un avertissement sévère lancé à n'importe quel praticien qui pense que la technologie est prête pour tester la suppression de gènes de maladie", prévient-il.

 

Source(s) : Sciencesetavenir.fr via Maître Confucius

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