Vivre plus longtemps en tuant les vieilles cellules...

Je vous rassure tout de suite, ce genre d'avancée scientifique ne concerne pas la population « lambda ». Du reste, on avait déjà passé une partie de l'info, alors va-t-on voir bientôt de vrais vampires ? (ou y en aurait-il déjà ; ))) ?  Plus loin que ça, ce qui est étonnant, c'est à quel point tout converge... (informations complémentaires).

Jouvence 05 02 2016
Une équipe américaine a prolongé de 30 % l’espérance de vie moyenne de souris qui avaient été
génétiquement modifiées pour favoriser l’élimination de cellules sénescentes. ROSLAN RAHMAN / AFP

Le monde, c’est bien connu, est séparé en deux. Il y a les optimistes, qui ne manquent jamais une occasion de rappeler les progrès presque incessants de l’espérance de vie. Et les pessimistes, prompts à rétorquer que, si le temps passé en bonne santé augmente, la durée de vie malade également ; et qu’en tout état de cause, progrès ou pas, chaque jour qui passe… nous rapproche de la mort. Pourtant, même ceux-là devraient s’incliner devant les résultats spectaculaires publiés mercredi 3 février dans la revue Nature.

Une équipe américaine, menée par Jan Van Deursen, est en effet parvenue à prolonger de 30 % l’espérance de vie moyenne de souris en nettoyant leur organisme des cellules sénescentes. Mieux : avec cette opération, ils sont également parvenus à éliminer de nombreuses pathologies liées à l’âge et à augmenter donc leur espérance de vie en bonne santé.

Voilà des années que la sénescence titille les chercheurs. En 1961, Leonard Hayflick mettait en évidence cet état qui veut qu’à partir d’un certain temps les cellules cessent de se diviser. Elles ne sont pas encore mortes, mais ne vont déjà plus très bien. Pourquoi ce passage presque obligé ? Parce que ces cellules sénescentes favorisent la cicatrisation, montreront les uns ; parce qu’elles préviennent certains cancers et jouent même un rôle dans le développement embryonnaire, assureront d’autres.

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Souris génétiquement modifiées

Mais ces vertus cachent un terrible vice. La sénescence nous fait… vieillir. En 2008, l’équipe de Jan Van Deursen, à l’université de Rochester (New York), démontrait un lien entre les cellules sénescentes et certains effets du vieillissement. En 2011, ils allaient nettement plus loin et parvenaient à retarder l’apparition de ces mêmes pathologies en supprimant les fameuses cellules. Mais, pour ce faire, ils avaient utilisé un modèle de souris génétiquement modifié à vieillissement accéléré, bouleversant au passage la physiologie de l’animal. Qu’adviendrait-il avec des rongeurs « normaux » ?

Cette fois, l’équipe américaine balaie cette dernière objection. Leurs souris sont certes génétiquement modifiées. Mais c’est uniquement pour permettre d’éliminer les cellules que l’on souhaite, au moment où on le souhaite. Ces rongeurs ont en effet la particularité de produire un enzyme dans les cellules sénescentes que l’on peut activer par l’injection d’un produit catalyseur. Avec pour effet de provoquer l’apoptose desdites cellules, autrement dit leur mort. En revanche, ces souris vivent, sans intervention, comme toutes leurs congénères, environ deux ans.

Mais, si à mi-vie on commence à leur injecter l’enzyme, deux fois par semaine, jusqu’à ce que mort s’ensuive, leur espérance de vie moyenne est prolongée de presque un tiers par rapport à un échantillon témoin. Un résultat spectaculaire. Mais ce n’est pas seulement la vie qui est allongée, c’est aussi la jeunesse. A 22 mois, les souris traitées apparaissent en meilleure santé, leur activité comme leur capacité exploratoire sont mieux préservées et elles souffrent moins de cataractes. Elles sont également moins touchées par les pathologies cardiaques, rénales ou graisseuses, typiques du vieillissement. Enfin, le déclenchement des cancers est retardé.

Ce dernier fait est notable, car les cellules sénescentes sont réputées jouer un rôle important dans la prévention de certains cancers. « Or, nous n’avons observé aucun dommage collatéral », assure Jan Van Deursen. Pas de tumeurs supplémentaires, donc, ni à l’observation ni à l’autopsie. Seule la capacité de cicatrisation apparaît clairement ralentie.

L’étude présente toutefois quelques résultats contrastés. Ainsi, les cellules sénescentes n’ont pas été éliminées de certains organes essentiels comme le foie ou le côlon. Les lymphocytes (cellules immunitaires) sont également restés sourds aux injections. Ailleurs, la disparition des cibles n’a eu aucun effet : la dégradation des capacités motrices, de la force musculaire ou encore de la mémoire reste inchangée. « Est-ce parce que le modèle de souris était mauvais, parce que d’autres types de cellules sénescentes étaient à l’œuvre ou parce que la sénescence ne joue aucun rôle dans ces fonctions, l’étude ne permet pas de le dire », affirme Dominic Withers, professeur de médecine et chercheur à l’Imperial College de Londres.

« Cela invite à poursuivre le travail, comprendre les mécanismes fondamentaux qui sont ici en jeu, plutôt que de se ruer sur la recherche d’une application pour l’homme », souligne Miroslav Radman, figure de la recherche sur le vieillissement, professeur émérite à l’université René-Descartes et membre de l’Académie des sciences. Car là résident les deux voies qui se présentent aux chercheurs.

Pouvoir de la restriction calorique sur la longévité

Du côté des sciences fondamentales, la recherche avance tous azimuts. Le rôle des gènes dans les processus de vieillissement a été ainsi largement exploré. La seule modification d’une séquence dans un seul gène peut ainsi multiplier par deux la durée de vie du ver C. elegans. De plus en plus de chercheurs étudient, de leur côté, le pouvoir de la restriction calorique sur la longévité. Le même ver, mais aussi la mouche du vinaigre ou la souris ont vu leur durée de vie augmenter de… 30 %, là aussi, sous l’effet de régimes alimentaires moins riches.

D’autres encore étudient les phénomènes d’oxydation ou le rôle des télomères, qui protègent l’extrémité des chromosomes au fil des divisions cellulaires. « Une véritable révolution conceptuelle est en cours, insiste Jean-Claude Ameisen, président du Comité consultatif national d’éthique. La jeunesse, le vieillissement et la durée de vie ne dépendent pas uniquement du passage du temps, mais de processus actifs, dans le corps et dans son environnement. »

Mais la quête de l’éternelle jeunesse ne va-t-elle pas faire passer au second plan cet appétit de compréhension fondamentale ? Au-delà de l’engouement récent pour le jeûne, chercheurs et industriels sont lancés dans la course au remède miracle. « Plusieurs laboratoires cherchent à trouver des médicaments susceptibles d’éliminer les cellules sénescentes, le potentiel est immense », se félicite Jan Van Deursen. « Le problème majeur serait de conduire des essais pendant trente ans sur des personnes jeunes en bonne santé avec le risque d’effets secondaires importants », souligne toutefois Jean-Claude Ameisen.

Plus facile d’offrir une cure de jouvence aux malades âgés ? Peut-être. Des chercheurs ont en effet montré qu’en mêlant la circulation sanguine de deux souris, une vieille et une jeune, la vieille « rajeunissait », autrement dit perdait les dégradations dues à l’âge. Seul problème : la jeune vieillit. Les scientifiques vont devoir être imaginatifs.


Nathaniel Herzberg
Journaliste au Monde

Source(s) : Lemonde.fr via la Revue de presse de notre contributeur anonyme

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