Fukushima : quelle est la situation de la centrale ?

Je ferai un point plus précis avec le billet de Dominique Guillet de Kokopelli. Mais le point de vu plus général de Sciences et Avenir, par l'intermédiaire de Mme Dumas, n'est pas inintéressant loin s'en faut, enfin à mon goût, aussi je vous le relaie.

4 mois et demi après l’accident, provoqué par le séisme et le tsunami du 11 mars, que se passe-t-il à la centrale de Fukushima-Daiichi ? Le point sur une situation toujours très critique.

Update 26.02.2016 : Fukushima : 5 ans après, Tepco avoue avoir menti sur la gravité de l'état des réacteurs...

2242263.jpg
Intallation d'une partie d'un toit sur le réacteur numéro 3 de la centrale de Fukushima. L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a salué vendredi "les progrès significatifs" réalisés à Fukushima pour contenir et stabiliser les fuites radioactives de la centrale nucléaire japonaise. /Photo prise le 18 juillet 2011/REUTERS/Tokyo Electric Power Co (c) Reuters

Rappel : le 11 mars 2011 un séisme de magnitude 9 sur l’échelle de Richter frappe la côte est  de l’île d’Honshu. C’est le tremblement de terre le plus fort enregistré par des instruments au Japon. Un tsunami (plusieurs vagues en réalité) s’abat ensuite sur la côte, en particulier sur la partie nord, faisant plus de 25.000 morts et disparus.

Plusieurs centrales nucléaires se situent sur cette côte. C’est celle de Fukushima-Daiichi qui subit les plus gros dégâts. Trois réacteurs sont alors en fonction, trois sont arrêtés pour maintenance. Les systèmes de sécurité fonctionnent au moment du séisme : les réacteurs 1, 2 et 3 sont stoppés. Mais la centrale perd l’alimentation électrique et ses moyens de refroidissements. Or, même si la réaction de fusion est stoppée, le combustible doit être refroidi en permanence. Sinon la température monte très vite dans le cœur du réacteur. C’est ce qui s’est passé à Fukushima-Daiichi (en savoir plus).

Réacteurs : refroidir et éviter une nouvelle explosion

Les cœurs des réacteurs 1, 2 et 3 sont endommagés. Une grande partie du combustible a fondu (il se forme alors un corium) et est tombé au fond de la cuve. Ces cuves ne sont plus totalement étanches, permettant à de l’eau contaminée par des radioéléments de fuir hors de cette enceinte. Jusqu’où est allé le corium ? Que se passe-t-il sous les cuves ? Selon le point de situation publié le 6 juillet par l’Institut français de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), il pourrait y avoir un écoulement de combustible fondu sur le réacteur 1 à cause de brèches sur la partie basse de la cuve. Le béton radié qui isole la cuve de l’environnement est-il étanche ? Difficile de le savoir pour l’instant.

Les trois réacteurs accidentés doivent toujours être refroidis pour éviter une remontée en température du combustible. L’opérateur, Tepco, ne dispose toujours pas d’un circuit de refroidissement fermé. Il faut donc poursuivre les arrosages.

Autre point crucial : éviter une nouvelle explosion hydrogène. Ce phénomène, qui a provoqué les explosions en mars (le 13 mars pour le réacteur 1, le 15 mars pour le n° 2, le 21 mars pour le n° 3), est en grande partie responsable des rejets radioactifs dans l’atmosphère à Fukushima-Daiichi. Cet hydrogène se forme lorsque les gaines qui entourent le combustible se dégradent : le zirconium qu’elles contiennent réagit avec la vapeur d’eau pour former de l’hydrogène. Relâché dans le bâtiment pour faire baisser la pression dans la cuve, l’hydrogène peut exploser au contact de l’oxygène.
Le risque existe toujours : Tepco continue donc d’injecter de l’azote dans l’enceinte de confinement des réacteurs 1 et 2 et devrait le mettre en place pour le 3.

Consolider la piscine n° 4

Les piscines d’entreposage du combustible sont placées en haut des bâtiments réacteurs à Fukushima-Daiichi. C’est la piscine du réacteur 4 qui suscite le plus d’inquiétude, là où le combustible a le plus chauffé et provoqué une explosion le 15 mars, endommageant le bâtiment. Un bras (habituellement utilisé dans la construction pour l’injection de béton) continue d’arroser la piscine n° 4, les autres sont refroidies par les systèmes déjà existants. Tepco est en train de faire construire une armature de piliers d’acier pour renforcer le bâtiment - le risque sismique continuant de planer au-dessus de la centrale.

L’eau contaminée : le traitement prend du retard

La mise en route du dispositif de décontamination de l’eau hautement radioactive est difficile. Cette unité a démarré mi-juin mais n’a pas encore atteint le rendement attendu de 1000 à 1200 m3 traités par jour. Le 20 juillet le taux de fonctionnement était à 53 % selon Tepco, soit 37 m3/h, le plus bas en trois semaines. Les problèmes viennent de fuites d’eau sur l’installation mais surtout de la difficulté à débarrasser l’eau de ses radionucléides. L’eau, mélange d’eau de mer apportée par le tsunami et d’eau salée et douce déversée sur les réacteurs, a été contaminée par des produits de fission, puisque les cuves ne sont plus étanches. Elle est donc très radioactive.

Tepco a fait appel à plusieurs prestataires, dont le consortium français Areva ou l’entreprise américaine Kurion, pour monter cette unité de décontamination de l’eau (lire Plan d’attaque contre l’eau contaminée). Un nouvel élément, SARRY, fourni par Toshiba, doit être ajouté début août. Il s’agit, comme les filtres fournis par Kurion, de piéger du césium avant d’envoyer l’eau dans le dispositif fourni par Areva, qui utilise notamment la co-précipitation pour séparer les radionucléides de l’eau.

Une fois décontaminée, l’eau est dessalée afin d’être réutilisée pour refroidir les réacteurs. En bout de chaîne, il restera des boues très radioactives, déchets qu’il faudra stocker pour une très longue durée.

Émissions radioactives et contamination du milieu marin

L’essentiel des rejets radioactifs liés à l’accident de Fukushima-Daiichi ont été émis dans les semaines qui ont suivi l’accident, en mars et en avril. La contamination de la paille de riz, utilisée pour nourrir le bétail, est une illustration des conséquences de ces rejets atmosphériques, rabattus au sol par la pluie et la neige. Des centaines de bœufs contaminés par ce fourrage ont été abattus et commercialisés au Japon.
Même si elles sont faibles aujourd’hui, ces émissions n’ont pas totalement cessé, de la fumée s’échappe encore des bâtiments réacteurs. La construction d’une couverture pour le réacteur 1 dans un premier temps, prévue pour septembre, doit éviter cette pollution.

L’autre voie importante de contamination a été les rejets d’eau contaminée dans l’océan, principalement en mars et en avril. Le stockage de l’eau contaminée sur le site – avec l’arrivée en juin d’une énorme barge flottante - et le traitement de cette eau doivent permettre de stopper ces rejets.

Crise sans précédent

La gestion post-accidentelle du site de Fukushima-Daiichi durera plus de 15 ans. Cette crise sans précédent du nucléaire civil japonais a conduit l’actuel premier ministre à remettre en cause le choix de l’atome pour l’archipel. Même s’il n’a pas annoncé de feuille de route précise, Naoto Kan a déclaré que le Japon «devrait construire une société qui n’est pas dépendante de l’énergie nucléaire».

A l’heure actuelle, 37 réacteurs sur 54 sont arrêtés au Japon. Pour 11 de ces 37 réacteurs, les inspections seront terminées en août. Cependant le gouvernement souhaitant de nouveaux tests de résistance (stress tests), il n’est pas certain qu’ils redémarrent. Les 17 réacteurs en fonctionnement devront être stoppés à leur tour pour les inspections régulières dans les mois qui viennent. Si le calendrier de ces inspections était respecté et que les réacteurs en arrêt ne redémarraient pas, il n’y aurait plus de réacteur en fonction au printemps prochain au Japon.

PLUS D'INFORMATIONS DANS NOTRE EDITION SPECIALE FUKUSHIMA.

Cécile Dumas
Sciences et Avenir.fr

 

Source : Sciences & Avenir