À Kharaij, dans la région de Deir ez-Zor, près de la frontière irakienne, une poignée de volontaires français vivent en ce moment, en première ligne, les derniers jours de Daech. franceinfo les a rencontrés.
Ils sont partis prendre les armes en Syrie, dans le camp opposé à l’État islamique : une poignée de volontaires français vivent en ce moment en première ligne, les derniers jours de Daech en tant qu’entité territoriale. Ils font partie des près de 200 combattants étrangers engagés au sein des forces kurdes. franceinfo a pu rencontrer deux d’entre eux à Kharaij, dans la région de Deir ez-Zor, près de la frontière irakienne, dans une des toutes dernières poches de résistance de l’État islamique.
L'unité "tabura enternasyonal"
Dans la cour de la grande maison qui sert de poste de commandement, une dizaine d’hommes en uniforme chargent leur paquetage dans deux gros pick-up. On parle ici anglais, mais pas seulement. Le "tabura enternasyonal", petite unité composée d’Américains, de Canadiens, d’Allemands est commandée par un Français. "Je m’appelle Hogir. C’est mon nom kurde : cela veut dire 'l'ami', 'le camarade'", lâche-t-il. Le commandant Hogir préfère ne pas dire grand-chose de sa vie d’avant à Paris : ni son nom, ni son métier. Le trentenaire a rejoint les combattant kurdes YPG, il y a un peu plus de deux ans.
Cela fait six mois pour cet autre volontaire, Kendal Breizh. Cet ex-ouvrier par intérim breton confie avec un sourire que si ses outils ne sont "pas tout à fait les même", sa mission ressemble, étant donné le "comportement de Daech", à une mission humanitaire. Kendal Breizh est opérateur lance-roquette au RPG7. Hogir, lui, est sniper et plutôt doué à en croire les soldats kurdes, dont il assure la couverture. "Nous faisons, explique-t-il, des contrôles avec la caméra thermique la nuit et avec des fusils de précison le jour. Et si Daech est dans la zone, on la nettoie."
À quatre kilomètres, la ligne de front
La zone ce sont ces maisons et ces champs aux abords de la ville de Kharaij. Depuis le toit du poste de commandement, on distingue la ligne de front à environ 4 km. Le matin même au petit-déjeuner, Hogir et ses hommes y ont été visés par des tirs de mortiers. Les combats sont âpres dans cette ultime bande d’une trentaine de kilomètres à reconquérir sur les rives de l’Euphrate. "C’est une petite zone, très réduite, décrit Hogir, mais où plusieurs centaines, voire milliers de combattants sont concentrés, qui vont être contraints de se battre : on est très proches de la fin de l’Etat islamique…"
Dans ces combats, un danger guette : celui d’avancer trop vite. "Parfois, explique le combattant, les YPG avancent la nuit et poussent la ligne de 800 mètres. Puis on s’aperçoit que Daech est derrière nous. C’est arrivé il y a quelques jours. Un commandant YPG est entré dans une mosquée située derrière les lignes. Il a pris trois balles : cinq combattants de Daech étaient toujours là…"
Des idéalistes loin de l'image de "Rambo"
Réunis autour d’un petit feu de bois pour une pause, Hogir et ses hommes ne renvoient pas l’image de "Rambo" en manque d’adrénaline. Moustache et lunettes rectangulaires, le commandant français se décrit comme un militant de gauche, séduit par l’idéal d’inspiration marxiste des Kurdes YPG.
"On a les forces d’Assad d’un côté, al-Nosra de l’autre, Daech, indique Hogir. Et, au milieu de toutes ces forces plus ou moins réactionnaires, on a un projet politique novateur, ouvertement de gauche, ouvertement progressiste, qui met au centre de sa politique l’émancipation des femmes et la démocratie directe."
« Moi, j’avais envie de venir sur place, de faire l’expérience d’une révolution. »
Hogir
franceinfo
Un idéal révolutionnaire qui n’empêche pas Hogir d’exhiber, comme un trophée de guerre, des objets et documents émanant de Français engagés dans le camp d’en face. D’abord deux disques métalliques ornées de calligraphies arabes : des pièces de monnaie frappées par l’État islamique, retrouvées dans une maison civile. Il y a, aussi, une lettre d’amour d’un jihadiste, rédigée en français, ainsi que le règlement intérieur d’une communauté de veuves, lui aussi rédigé en français, consigne de ménage en sus.
Hogir souhaite que ces Français-là, ceux d’en-face, soient jugés ici en Syrie, là où se trouvent leurs victimes. De retour dans leur pays, certains combattants anti-Daech pourraient eux aussi être inquiétés par la justice, considérés comme des mercenaires. "Nous ne sommes pas payés", plaide Kendal Breizh, visiblement peu inquiet. "Il y a peu de conséquences, explique-t-il, pour les gens qui ont eu l’occasion de revenir, puisqu’il serait hypocrite pour la France de poursuivre ceux qui combattent avec les YPG alors qu’à quelques kilomètres d’ici, les forces spéciales françaises font la même chose…", estime-t-il avant de lâcher en riant : "Je vous en dirai davantage à mon retour, si je suis toujours en liberté."
Kendal Breizh envisage de revenir en France dans six mois. Le quadragénaire ne nie pas avoir laissé une famille en Bretagne. Le jeune commandant Hogir, lui, n’imagine pas de retour pour le moment et se projette sur son prochain adversaire : l’armée turque. Cette dernière a lancé, il y a deux semaines, une offensive contre l’enclave kurde d’Afrine, au nord de la Syrie.
"Ce sera beaucoup plus difficile, estime-t-il. Contrairement à Daech, l’armée turque a des avions. Nous n’aurons plus de frappes aériennes avec nous, mais contre nous. Les combattants internationalistes sont venus défendre la révolution en cours : nous n’allons pas dire à nos camarades kurdes que comme cela devient chaud ici, nous rentrons en Europe. Ce n’est pas une option." Les hommes d’Hogir n’ont d’ailleurs pas le temps de traîner. Les deux pick-up sont prêts à filer vers le nord, une partie de l’unité vient d’être mobilisée sur le front d’Afrine. L’autre reste ici pour terminer la guerre contre l’État islamique.
Source : FranceTvInfo.fr
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