Sida : un vaccin révolutionnaire en panne de financements

On savait déjà dans le cas du cancer jusqu'où pouvait aller la mesquinerie des sociétés pharmaceutiques. Ce qui est dingue, c’est qu’ils sont capables de sortir un vaccin innovant contre la bronchiolite, en se basant sur ce nouveau procédé, mais ils occultent toute la partie Sida, car cela ne représente pas assez de cas. Où se situe l’éthique dans tout ça ? Les populations d’Afrique et les personnes désireuses de se faire vacciner contre le Sida en Europe ou aux USA, ne semblent pas être une priorité pour ces sociétés... Peut-être parce qu’ils leur vendent aussi très chèrement des médicaments pour les tri-thérapies… Inutile du reste de souligner l’avancée biotechnologique que comporterait ce nouveau vaccin de par son procédé sans adjuvant. Il est absolument affolant que l’État ne s’en préoccupe pas et ne le finance pas… Et pourtant cela se passe en France, pas au Sahel...

Vaccin_sida_fr.jpg
Le Dr Morgane Bomsel et Christian Rochet poursuivent leur rêve de trouver un vaccin contre le sida.
© Abaca

Morgane Bomsel, une chercheuse française, est tout près d'un vaccin. Mais, faute d'argent, la découverte pourrait voir le jour à l'étranger.

Encore une fois dans le domaine du sida, la France est en avance. L'équipe du Dr Morgane Bomsel, directrice de recherche au CNRS et patronne de sa propre équipe au sein de l'institut Cochin à Paris, est sur la piste d'un vaccin contre le sida en utilisant une toute nouvelle méthode de vaccination. Les premiers résultats, chez la femelle singe et chez la femme, semblent très encourageants. Pourtant, faute de moyens, la suite de l'aventure pourrait bien se passer à l'étranger.

Tout commence au début des années 2000 : le professeur Mario Clerici, de l'université de Milan, publie une étude constatant que 1 % de la population mondiale ne peut être infectée par le virus du sida. Il découvre que cette protection naturelle réside dans la présence d'anticorps dans les sécrétions muqueuses sexuelles. Ceux-ci sont émis dès que le virus se présente lors d'un rapport sexuel. Le Dr Bomsel, qui étudie les muqueuses depuis 25 ans, a une lumineuse idée : imiter la nature et bloquer le virus dès qu'il entre en contact avec les muqueuses sexuelles, la première porte d'entrée. En septembre 2003, à New York, elle rencontre Christian Rochet, qui vient de reprendre une société de biotechnologie suisse en liquidation, Mymetics, spécialisée dans l'élaboration de vaccins, et décide de s'associer avec lui.

"Lumière au bout du tunnel"

Le Dr Bomsel propose alors à la société de Christian Rochet de créer un vaccin induisant des anticorps dits "muqueux" (par opposition aux anticorps libérés dans le sang), qui empêchent le virus de pénétrer dans les muqueuses sexuelles. Du coup, ces premières barrières n'abritent plus de réservoirs de virus, ces derniers ne peuvent plus investir les vaisseaux capillaires sanguins et, par conséquent, se répandre dans tout le corps. Il s'agit d'une révolution dans l'approche vaccinale, car tous les vaccins actuellement en vente induisent la formation d'anticorps dans le sang. Or cette méthode ne fonctionne pas avec le sida. Pourquoi ? Parce qu'à chaque fois qu'il se multiplie, il change d'apparence, rendant inefficaces les dizaines de vaccins basés sur cette approche classique, notamment celui de Merck, testé sur 3 000 volontaires en 2008, dont les essais cliniques ont même été arrêtés en cours de route. Seul le vaccin de Sanofi-Pasteur, testé à grande échelle en Thaïlande sur 16 000 personnes, présente un résultat positif à 32 %. Insuffisant, mais compte tenu des échecs essuyés depuis 30 ans, la communauté scientifique l'a qualifié de "lumière au bout du tunnel".

En 2009, Christian Rochet abandonne son siège de P-DG à l'arrivée d'investisseurs américains dans le capital de Mymetics. Il en reste toutefois un des principaux actionnaires et se lance dans une chasse aux fonds pour financer l'ensemble des travaux de recherche du vaccin sur lequel planche l'équipe de Morgane Bomsel. Il récolte plus de 45 millions d'euros qui permettent à la chercheuse d'obtenir une première preuve de l'efficacité sur des singes femelles : 100 % des animaux testés sont protégés au niveau vaginal.

Puis une première étude sur des femmes montre que le vaccin provoque l'apparition d'anticorps dans les muqueuses, qui bloquent le virus sans produire d'effets secondaires. Les résultats sont très encourageants puisque les huit échantillons de muqueuses testées ex vivo sont tous résistants au virus. "C'est la première fois au monde que nous réussissons à offrir une protection totale contre le virus du sida, grâce à une approche vaccinale particulièrement innovante... Il faut valider à grande échelle ces premiers résultats, mais pour cela, nous avons besoin de financements !" explique le Dr Morgane Bomsel. Et c'est bien là le problème.

Subventions

Mymetics se retrouve aujourd'hui propriétaire des brevets qui ont permis à l'équipe de Morgane Bomsel de réaliser cette performance scientifique. Au sein de Mymetics, le directeur scientifique, le Dr Sylvain Fleury, est à l'origine de l'utilisation du virosome, qui sert de véhicule pour transporter le principe actif évitant l'utilisation d'adjuvants, source de nombreux effets secondaires. Le développement de ce virosome adapté au vaccin du sida a été réalisé en moins d'un an pour moins d'un million d'euros.

L'intérêt pour ce type de vaccin ne fait que monter dans la communauté scientifique. Sanofi-Pasteur, leader mondial des vaccins, a réussi à obtenir une subvention européenne de presque 12 millions d'euros pour lancer Euronet 41, un projet similaire à celui de Mymetics qu'il coordonne. La première étude a débuté au printemps 2012, au moment où Mymetics a rendu publics les résultats des essais cliniques sur l'homme. Sanofi mise sur un vaccin sida ciblé sur les muqueuses, mais part avec trois ans de retard.

Aux États-Unis, le plus grand centre de recherche, le NIH (National Institutes of Health) a décidé à son tour de se lancer sur cette piste en subventionnant l'équipe du Pr Barton Haynes, de l'université de Duke, avec un budget de 46 millions de dollars issu de la fondation Gates. Mais l'équipe américaine démarre à peine. Enfin, le Prix Nobel de médecine David Baltimore, patron du Caltech à Los Angeles, le MIT californien, vient de publier dans la prestigieuse revue scientifique Blood sa première étude sur des souris humanisées, vaccinées avec la même approche de neutralisation du virus au niveau des muqueuses.

Une cinquantaine de nouveaux vaccins ?

Avec l'aide de Morgane Bomsel, Christian Rochet envisage de créer une nouvelle structure juridique française afin de poursuivre les travaux sur le vaccin du sida dès que possible. Mais les investisseurs professionnels de la biotech jugent cette aventure très risquée. De même que les conseillers rencontrés à l'Élysée, qui, d'après Christian Rochet, n'ont pas donné suite à l'idée de "franciser" le projet. Pourtant, la France est pionnière dans le domaine du sida avec un prix Nobel français concernant la découverte du virus et, tout récemment encore, les travaux menés par le professeur Jacques Leibowitch sur la réduction du nombre de traitements.

Dans son livre, Leibowitch (1) écrit d'ailleurs à propos de cette nouvelle stratégie vaccinale de Morgane Bomsel testée chez les singes femelles et offrant une protection antivirale de près de 100 % : "On est là à distance, chacun peut l'entendre, des chicanes comptables autour des vaccins d'inspiration immunocellularienne, dont un vaccin testé en Thaïlande sur 16 000 personnes séronégatives. Taux de protection du vaccin thaïlandais : 26 %... ? Non, après recalculs, 32 %... Ah bon ?"

Il n'empêche, Mymetics ne parvient pas à trouver de nouveaux investisseurs. À l'exception d'un trio de fonds américains intéressé par la technologie développée par Mymetics non pour en faire un vaccin sida, mais pour l'appliquer à un nouveau vaccin contre la bronchiolite chez l'enfant, un vaccin qui serait donc orienté vers le marché des pays riches. Les investisseurs américains ne s'y trompent pas. Mymetics pourrait engendrer une cinquantaine de nouveaux vaccins !

En effet, dans 95 % des maladies virales les plus répandues sur la planète, l'entrée du virus se fait par les muqueuses, qu'elles soient respiratoires, buccales, sexuelles... Or seulement une trentaine de vaccins sont actuellement commercialisés, et tous sont basés sur l'approche classique de la vaccination. Christian Rochet, qui poursuit son rêve de vaccin sida, a déjà levé auprès d'investisseurs privés suisses plus de 60 millions d'euros pour développer cette nouvelle approche vaccinale, et toujours rien du côté français... "Je vais poursuivre, à l'étranger, la recherche de fonds, partout où je trouverai des investisseurs à la fois intuitifs et humanistes. Un tel projet ne peut s'arrêter !" rage Christian Rochet. Et tant pis pour la France ?

(1) "Pour en finir avec le sida de Jacques Leibowitch, éditions Plon, 15,30 euros.

Click here to find out more!

Par

 

Source : Lepoint.fr

Information complémentaire :

Crashdebug.fr : Les laboratoires pharmaceutiques ont ignoré un possible traitement du cancer parce qu'il ne leur permettait pas de réaliser de gros bénéfices