Trump offre le Golan sur un plateau à Nétanyahou

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De quoi il se mêle Trump ? Ces territoires appartiennent à la Syrie...

La ville de Qatzrin, principale colonie du plateau du Golan syrien occupée, en juin 2017. Photo Jalaa Marey. AFP
 
Jeudi soir, le président américain a appelé à reconnaître la souveraineté israélienne sur ce territoire capturé par l'Etat hébreu à la Syrie en 1967. Une déclaration rompant à nouveau avec le consensus international et visant à soutenir la campagne du Premier ministre israélien, à trois semaines des législatives.

«Nous n’avons pas de meilleur ami !» Jeudi soir, le Premier ministre israélien exultait, postant sur Twitter une photo de lui, combiné téléphonique à l’oreille et sourire jusqu’aux oreilles, une carte du Proche-Orient s’étalant dans son dos. À l’autre bout du fil : Donald Trump. D’un tweet, conclu comme à son habitude par un point d’exclamation, le président américain a bousculé des décennies d’orthodoxie diplomatique en se prononçant en faveur de la reconnaissance de la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan, pris à la Syrie en 1967. 

 

Un «miracle de Pourim [fête juive correspondant à ce moment du calendrier, ndlr]» selon Nétanyahou. Plutôt un énorme coup de pouce électoral flirtant avec l’ingérence étrangère, à moins de trois semaines des législatives anticipées en Israël, alors que «Bibi», cerné par les affaires et bousculé dans les sondages par le général Benny Gantz, a fait de son extrême proximité avec Trump un argument majeur de sa campagne pour arracher un cinquième mandat.

Comme lors du déménagement de l’ambassade américaine à Jérusalem, Trump rompt avec la position de tous ses prédécesseurs depuis un demi-siècle, en violation avec les résolutions prises par l’ONU après la guerre des Six Jours. Depuis, la communauté internationale a refusé de reconnaître l’annexion du territoire proclamée par Israël en 1981. Néanmoins, cette question est restée largement dormante ces dernières années, aucune pression internationale ne s’exerçant contre Israël, renforcé dans sa position par le chaos syrien depuis 2011. La dictature de Damas n’a jamais tenté la moindre action militaire le long de sa frontière avec Israël.

«La région au bord d’une nouvelle crise»

Vendredi, le régime de Bachar Al-Assad a qualifié la position de Trump d’«irresponsable», fustigeant le «biais américain envers l’entité sioniste». Dans une dépêche de l’agence de presse officielle Sana, un haut diplomate syrien a assuré que son pays était toujours déterminé à reprendre le Golan, «par tous les moyens possibles».

Les alliés d’Al-Assad en Syrie, l’Iran et la Russie, ont condamné à leur tour la déclaration du président américain, tout comme la Ligue arabe et les Palestiniens. «La déclaration malheureuse du président Trump à propos du plateau du Golan met la région au bord d’une nouvelle crise, de nouvelles tensions», a déclaré le président turc Recep Tayyip Erdogan à l’ouverture d’une réunion de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) à Istanbul. Pour le Quai d'Orsay, cette reconnaissance américaine est «contraire au droit international, en particulier sur l'obligation pour les Etats de ne pas reconnaître une situation illégale»

C’est en invoquant la «sécurité» de l’Etat hébreu et la «stabilité régionale» que le président américain a justifié sa décision. Interrogé par Fox News, il a feint de ne pas voir les implications de cette manœuvre diplomatique, et son timing, sur le déroulement des élections israéliennes. «Cela ne m’a pas traversé l’esprit, je ne suis pas du tout au courant de tout ça, a-t-il déclaré. Je n’ai aucune idée [de la situation de Nétanyahou dans les sondages, ndlr], j’entends dire qu’il est OK, qu’il s’en sort très bien. […] Mais j’imagine que ceux qui sont contre lui sont aussi en faveur de ce que je viens de faire.»

Si tous les dirigeants israéliens des vingt dernières années, Nétanyahou compris, ont à un moment envisagé un retrait du Golan dans le cadre d’un accord de paix avec la Syrie, la guerre civile et l’implantation des forces spéciales iraniennes et du Hezbollah libanais dans le pays ont depuis changé les termes de la discussion.

Aujourd’hui, la souveraineté israélienne sur le Golan, où vivent environ 20.000 Israéliens et 23.000 Druzes, ne fait plus guère débat dans l’Etat hébreu. Le centriste Yaïr Lapid, rival de Nétanyahou et allié de Benny Gantz au sein de la coalition Bleu et Blanc, mène depuis plusieurs mois une campagne en faveur de la reconnaissance de la souveraineté israélienne auprès des parlementaires américains. Jeudi, Lapid parlait de la déclaration de Trump comme d’un «rêve devenu réalité».

Si cette nouvelle donne doit être en principe entérinée par le Congrès américain, la Maison Blanche avait déjà envoyé des signaux clairs d’alignement sur la position israélienne. Un rapport du département d’Etat américain publié mi-mars ne faisait déjà plus mention de territoires «occupés» pour le Golan et la Cisjordanie, y substituant l’adjectif «contrôlés». Quant aux émissaires de l’administration Trump au Proche-Orient, ils ont banni le mot «colonisation» de leur vocabulaire depuis le début de leur mandature.

Enième cadeau à Nétanyahou

Pour Ofer Zalzberg, du think-tank International Crisis Group, «il n’est pas encore tout à fait clair si les Américains vont formellement reconnaître l’annexion israélienne du Golan ou se contenter de cette déclaration de soutien». Le chercheur voit déjà deux conséquences à un tel glissement stratégique : «Cela affaiblira la capacité de Washington à s’opposer à toute annexion de territoires par la force, comme avec la Russie en Ukraine. Enfin, cela pourrait préparer le terrain pour la reconnaissance américaine d’une future annexion de la Cisjordanie, entière ou en partie, par Israël.»

En outre, cette dernière initiative de Trump va contrarier la stratégie américaine de mobilisation régionale contre l’Iran. Elle est particulièrement embarrassante pour les pays arabes désireux de faire front contre Téhéran mais qui appellent toujours formellement à l’évacuation du «Golan syrien occupé».

Comme le remarquent nombre d’analystes, ce énième cadeau à Nétanyahou, venant après le déménagement de l’ambassade américaine à Jérusalem et le torpillage de l’accord sur le nucléaire iranien, donne l’impression que Trump coche une liste de courses, dynamitant un à un les consensus internationaux.

«Qu’apportera demain ?», s’est alarmé Saeb Erekat, un vétéran palestinien des négociations, s’inquiétant d’une «déstabilisation certaine» pouvant mener à «une effusion de sang dans la région». Et ce alors que le fameux «deal du siècle» trumpien, concocté par le gendre du président Trump, Jared Kushner, et maintes fois reporté, pourrait être révélé dans les jours suivant l’élection israélienne.

Hala Kodmani , Guillaume Gendron correspondant à Tel-Aviv

 

Source : Libération.fr

 

 

 


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