La Grèce, la zone euro et la perspective d’un gouvernement SYRIZA

Pour l'instant il n'y a pas encore de décision, car ils n'arrivent pas à avoir de majorité assez importante, et si la situation perdure et que le Parlement n'arrive pas, au terme de trois tours, à désigner de président, alors l'assemblée sera dissoute et des législatives auront lieu. « C'est le peuple grec qui décidera désormais... »

Source : Lemonde.fr

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© Reuters

Interview de Yanis Varoufakis par Thomas Fazi pour ONEURO

Thomas Fazi : On dit beaucoup de choses à propos du prétendu « redressement » de la Grèce, le signe de la « réussite » de l’austérité. Comment jugez-vous ce récit et comment décririez-vous l’état réel de l’économie grecque ? (Ce serait super si vous pouviez mentionner ce que vous avez dit à Florence, à propos de la « croissance du PIB » de la Grèce qui est non-existante lorsque l’on prend en compte la déflation.)

Yanis Varoufakis : La Grèce est plongée dans une Grande Dépression et elle y reste. Sept années de chute précipitée du revenu, couplée à un investissement négatif, ont déclenché une crise humanitaire. Au cours de chacune de ces années, la Commission Européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international ont prédit que le redressement « pointait son nez ». Ce ne fut pas le cas ! Maintenant, sur la base d’un trimestre de croissance positive du PIB réel, ils célèbrent la « fin » de la récession. Mais si nous observons attentivement les chiffres, il s’avère que, même selon les chiffres officiels, la récession perdure. Voyez cela : le PIB réel a augmenté de 0,7% à un moment où les prix, en moyenne, ont chuté de 1,9%. Je rappelle à vos lecteurs que le PIB réel est égal au PIB mesuré en euros divisé par un indice des prix moyens ? Etant donné que cet indice a baissé de 1,9%, et que le ratio total (le PIB réel) n’a augmenté que de 0,7%, cela signifie que le PIB mesuré en euros à décliné ! Donc, l’augmentation du PIB réel s’est produite parce que le revenu national, en euros, à augmenté. Il a augmenté parce que le revenu total, en euros, a chuté moins vite que les prix. De façon ridicule, le pouvoir en place espère que le peuple grec célèbrera cela comme étant la « fin de la récession ». Il ne le fera pas !

TF : Concernant l’état de l’économie grecque : est-ce simplement le résultat involontaire des politiques « défectueuses » déterminées par l’idéologie ou devrait-il plutôt être considéré comme étant la conséquence désirée de telle politiques ?

YF : Je pense que c’est ni l’un ni l’autre. Ces politiques étaient les seules politiques qu’ils pouvaient inventer et qui ne nécessitaient pas d’admettre que la zone euro avait été très mal conçue et que cette crise est systémique. C’était aussi les seules politiques qui étaient cohérentes avec leur objectif essentiel, à savoir protéger les banquiers de l’expropriation par l’Union européenne ou les Etats membres. En bref, une fière nation a été forcée à opérer une dévaluation intérieure qui a causé de terribles épreuves et rendu la dette publique et privée impossible à rembourser, afin de maintenir le mensonge que la conception de la zone euro était parfaite et, ce qui est plus pertinent, cacher le fait que leur priorité numéro un était de transférer les pertes gigantesques des livres des banques privées sur les épaules des contribuables les plus faibles. Une fois cette stratégie en place, elle a été embellie par l’idéologie néolibérale…

TF : A la suite de l’appel à des élections présidentielles anticipées [en Grèce], les marchés se sont mis à paniquer. Pensez-vous que leurs craintes d’élections législatives anticipées sont justifiées. Si oui, de quoi, selon vous, ont-ils peur ?

YV : Elles sont justifiées. Ils ont peur que la double bulle que Berlin, Francfort et Bruxelles ont alimenté si minutieusement au cours de l’année dernière, sur les marchés obligataire et boursier, afin de prétendre que la Grèce se redressait, n’éclate. Mais c’est le sort des bulles : elles éclatent. Et plus elles le feront tôt meilleure sera notre chance de regarder la réalité en face et de faire quelque chose pour améliorer la situation de la majorité des gens – à la fois en Grèce et en Europe dans son ensemble.

TF : Pensez-vous qu’une victoire de SYRIZA est une option réaliste possible ? Ou les forces de l’Establishment éviteront-elles cette issue à tout prix ?

YV : Les deux. Il ne fait aucun doute que l’Establishment usera de toutes les ficelles possibles contre SYRIZA, en instillant le maximum de crainte dans les cœurs et les esprits des électeurs grecs. Mais, en même temps, il semble de plus en plus probable que cette campagne de frayeur échouera à empêcher la victoire de SYRIZA.

TF : Comment jugez-vous l’appel de M. Juncker à éviter le « mauvais résultat » dans ces élections (c.-à-d. la victoire de « forces extrêmistes ») ?

YV : Cela révèle un mépris bien ancré de la démocratie et une attitude coloniale qui se moque de la notion d’une Union qui respecte la souveraineté des citoyens des Etats membres. Ceux-ci n’ont pas de compte à rendre à la Commission et, par définition, la Commission n’a aucune idée de ce qui est un résultat électoral « correct » ou « mauvais ». M. Juncker a jeté un peu plus le discrédit sur sa fonction en allant trop loin et en creusant spectaculairement le déficit de démocratie qui est caractéristique de l’Union européenne. Son intervention a probablement été l’une des manœuvres les plus farouchement anti-européennes, au point où il a réussi tout seul à délégitimer la Commission et, par extension, l’Union.

TF : Pouvez-vous donner les grandes lignes du programme de SYRIZA (pour la Grèce et pour l’Union monétaire européenne) ?

YV : En trois courtes phrases : D’ABORD, un gouvernement SYRIZA travaillera sans relâche à s’assurer que l’Europe ait la « conversation » qu’elle a jusqu’ici refusée d’avoir au sujet de la conception défaillante de la zone euro et le fait que les plans de sauvetage étaient toxiques à la fois pour les pays de la périphérie et pour les pays centraux comme l’Allemagne. Deuxièmement, il s’efforcera de rendre l’économie sociale de la Grèce à nouveau viable au moyen d’un New Deal pour l’Europe qui lève le voile de la dépression de toute la périphérie – pas seulement de la Grèce. Troisièmement, il se battra pour réformer la Grèce, tant son secteur public que son secteur privé, améliorera la productivité et façonnera une société meilleure.

 

Yanis Varoufakis, professeur d’économie à l’Université d’Athènes, ancien conseiller de George Papandréou (de 2004 à 2006), farouche critique des plans de sauvetage d’Athènes et aujourd’hui proche de SYRIZA et d’Alexis Tsipras, vient de publier son nouveau livre :

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LE MINOTAURE PLANÉTAIRE : l’ogre américain, la désunion européenne et le chaos mondial aux Editions du Cercle.

Versions numériques (kindle et Kobo) et broché (PoD)

 

Source : Agoravox.fr

Informations complémentaires :

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