Le Conseil constitutionnel impose une réforme de la garde à vue

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Voilà une date dont on se souviendra, une nouvelle victoire pour la démocratie...

par Thierry Lévêque

PARIS (Reuters) - Le Conseil constitutionnel a déclaré contraires aux droits fondamentaux les principaux articles du Code pénal français régissant la garde à vue, procédure policière coercitive qui concerne plus de 900.000 personnes par an.

Il a ordonné une réforme globale avant le 1er juillet 2011, pour notamment favoriser l'accès des avocats au dossier et aux interrogatoires de police. Dans l'intervalle, le régime actuel restera en vigueur.

La décision va à l'encontre de l'avis du gouvernement, qui avait soutenu à l'audience le 20 juillet que ce régime actuel, de plus en plus critiqué, était légal.

Le Premier ministre, François Fillon, a dit "prendre acte" de la décision du Conseil et annoncé qu'un texte serait présenté "dans les prochaines semaines" au Conseil d'Etat.

Il s'agira d'une nouvelle mouture d'un projet déjà en préparation. "La ministre de la Justice Michèle Alliot-Marie va enrichir le projet de réforme pour tenir compte des observations du Conseil constitutionnel", a dit le porte-parole du ministère.

Le Conseil constitutionnel statuait sur une requête des organisations d'avocats dans le cadre d'une "question prioritaire de constitutionnalité", procédure nouvelle issue de la réforme de 2008 permettant de contester des lois en vigueur.

Sont en cause les éléments-clefs de la garde à vue, forme de détention policière allant jusqu'à 48 heures.

Le régime des interrogatoires, la présence de l'avocat - qui ne peut actuellement voir son client que 30 minutes au début de la garde à vue - les règles d'accès au dossier, les droits des suspects sont déclarés non conformes aux droits fondamentaux.

Sont toutefois déclarés réguliers les régimes de garde à vue dérogatoires, plus coercitifs et pouvant aller jusqu'à quatre jours, pour les faits de terrorisme, trafic de drogue et criminalité ou délinquance organisée. Il n'y aura donc pas de réforme sur ce type de faits.

DÉPENSES SUPPLÉMENTAIRES

Le Conseil constitutionnel juge un changement nécessaire en soulignant que les interrogatoires en garde à vue sont devenus le fondement essentiel de la quasi-totalité des procès pénaux et que le nombre des officiers de police judiciaire a doublé par rapport à 1993 pour atteindre 53.000.

Il rappelle que le nombre de gardes à vue est passé depuis cette date de 319.880 à 792.093 en 2009, chiffre qui dépasse les 900.000 en comptant les cas d'infractions routières.

L'augmentation a accompagné la politique menée depuis 2002 et assignant aux policiers des objectifs de résultats chiffrés, stratégie contestée par les syndicats, qui faisait du nombre de gardes à vue un critère de succès.

"La conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, et d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties, ne peut plus être regardée comme équilibrée", écrit le Conseil dans sa décision.

La banalisation de cette procédure policière, qui suppose fouille à nu, menottage, placement en cellule, a conduit à des affaires qui ont choqué l'opinion.

Une collégienne a ainsi été arrêtée et placée en garde à vue à Paris cette année après une bagarre à la sortie des cours.

L'ex-bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris Christian Charrière-Bournazel s'est dit "très heureux" de la décision.

"Le Conseil constitutionnel vient de rappeler ce qui est notre héritage, les droits de l'Homme, les garanties dues aux personnes dans un état démocratique", a-t-il ajouté.

Le Conseil national des barreaux souligne que la réforme imposera une augmentation du budget de "l'aide juridictionnelle", les crédits publics pour financer l'assistance des personnes démunies.

Le Parti socialiste a réclamé dans un communiqué un débat parlementaire "dès la rentrée" pour la réforme voulue. Il annonce qu'il déposera sa propre proposition de loi.

Édité par Sophie Louet

Source : Reuters

Informations complémentaires :

Le télégramme.com : Garde à vue. Jugée inconstitutionnelle
Le Progrès.fr :
Hors-la-loi, la garde à vue devra être... revue
Nord-Eclair :
La garde à vue à la française enfin déclarée inconstitutionnelle

 


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