La gauche de la gauche marche mais reste sonnée

Ils étaient 30.000 manifestants, selon les organisateurs, à défiler hier à Paris contre l’austérité. Ça n’est pas un échec cuisant, mais tout de même... Avec un exécutif à mi-mandat si massivement rejeté, une crise qui n’en finit plus de tout ravager, le potentiel de mobilisation paraissait bien plus important.

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Le lion de Bartholdi de la place Denfert-Rochereau en aurait rugi de plaisir si seulement il n’était pas fait de cuivre. Du soleil, imaginez un peu, est venu lui réchauffer les flancs, ce samedi, au départ de la manifestation parisienne contre l’austérité. Comme un signe que oui, après une première moitié de quinquennat plongée dans la grisaille hollandaise, une éclaircie était enfin possible. Et puis le carré de tête du cortège offrait une belle photo pour l’occasion. Une photo de famille enfin recomposée, une photo de cette gauche, la vraie gauche celle-là, celle qui n’est peut-être pas aux commandes du pays, mais qui au moins, elle, ne baisse pas la garde face à la finance. Cette gauche de la gauche qui ne gouverne pas, mais du coup ne capitule pas, est de sortie et rassemblée. Voilà donc Olivier Besancenot (NPA) au côté de Pierre Larrouturou (Nouvelle donne), Jacques Boutault (EELV) à quelques pas de Clémentine Autain (Ensemble) et Jean-Luc Mélenchon (PG), Pierre Laurent (PCF), Liêm Hoang-Ngoc (PS) et Christian Picquet (Gauche unitaire), tous, côte à côte, marchant fièrement.
 
Eric Coquerel, coordinateur général du PG, veut voir d’ailleurs dans ce défilé une belle « réussite » : « On a rassemblé plus ou moins tous ceux qui contestent la politique d’Hollande », se félicite-t-il. Rassembler oui, mais en contre. Comme en avril dernier déjà, il s’agissait de défiler contre l’austérité. Lors de ce précédent rassemblement, entre 25.000 et 100.000 personnes avaient battu le pavé. Et parmi eux, comme invité d’honneur, le Grec Alexis Tsipras, chef de file de Syriza. Cette fois-ci, le Collectif 3A organisateur de la manif affiche fièrement 300 signataires et 70 organisations partenaires. Pour le PG, c’est le signe « d’une convergence sans précédent ». Il est vrai qu’il y a quelques petits nouveaux dans la rue, on l’a vu : du Larrouturou par-ci, du Hoang-Ngoc par là et une poignée d’Europe écologie, comme Julien Bayou, Jacques Boutault, le maire du IIe arrondissement de Paris, ou l’économiste Jérôme Gleizes, membre de la direction nationale.
 
Sauf qu’à y regarder de plus près, les nouveaux arrivants socialistes et écologistes ne pèsent pas grand-chose au sein de leurs propres formations. L’ex-eurodéputé et membre du Bureau national du PS, Liêm Hoang-Ngoc ne manque pas de cœur, il multiplie les initiatives intéressantes et ses analyses économiques sont souvent d'une grande justesse. Cependant, il n’a pas réussi à convaincre ses camarades « frondeurs » de « Vive la gauche » de participer au raout anti-austérité. Côté écolo, même constat. La « convergence » jugée « sans précédent », est en fait (encore ?) d’une grande timidité.
 
L’absence de projet commun
 
Avec 30.000 manifestants selon les organisateurs, cette marche ne constitue pas un cuisant échec. Mais tout de même, avec un président si massivement rejeté, un Premier ministre qui, par ses excursions libérales, électrise toute une partie de son propre camp, une crise qui n’en finit plus de tout ravager sur son passage, le potentiel de mobilisation paraissait bien plus important.
 
Le peuple de gauche est trop meurtri, expliqueront certains. Il est trop tôt pour mobiliser, avanceront d’autres. Et puis le Front de gauche ne peut être l’alternative, même Mélenchon n’y croit plus. La preuve : il préfère miser sur le Mouvement pour une VIe République, ajouteront les plus observateurs. Et d’ailleurs, toutes ces formations sauront-elles agréger leurs forces pour les scrutins à venir en 2015 ou bien leur unité n’est-elle que de façade, demanderont les plus impatients qui savent que ce genre de dissensions a le don de miner la mobilisation ?
 
Il n'y a sans doute pas une mais des explications. En attendant, le résultat est là : ce rendez-vous, qui n’est peut-être qu’une étape vers la reconstruction et la reconquête, a tout du fourre-tout : opposition au prochain budget, au gouvernement tout entier, aux politiques libérales en général, demande d’une alternative sociale, écologique et démocratique à la politique actuelle — sans que l’on sache vraiment de quoi il retourne — ou encore hommage à Rémy Fraisse, ce jeune militant écolo décédé des suites d’un tir de grenade par des gendarmes, etc. Certains lancent des « A bas l’austérité », d’autres des « On ne pardonne pas, on n’oublie pas », à l’approche des CRS, en référence au mort de Sivens. Seul le Parti ouvrier indépendant, rigueur troskiste oblige, suivra sa logique avec des percutants « Hollande, Valls, agents du patronat ! »
 
Les slogans et les affiches anti-Hollande ou Valls seront tout de même assez rares. Un manifestant, grimé d’un masque des Anonymous, portera durant toute la manif une pancarte avec écrit dessus : « Hollande, Valls, casseurs de social. » Et les « reconstructeurs de social » alors ? Ils sont là, dans la rue, plein d’espoir peut-être, mais encore peu nombreux et marchant sans trop savoir vers où, comme sonnés par les deux ans et demi qui viennent de s’écouler.

 

Source : Marianne.net

Information complémentaire :

Crashdebug.fr : Tous saignés comme les Grecs... (FGTB)

 


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