Surprise ! Mon Ecran Radar s'ouvre à des contributions extérieures. Promis, juré, craché c'est bien plus l'envie d'offrir un espace Freestyle à d'autres journalistes/bloggeurs/Xperts qui motive cette décision qu'un mauvais prétexte pour ne pas vous livrer mon post hebdomadaire (Il arrive ce billet, il faut juste que je trouve le temps...et le bon sujet ;-) On commence donc ce nouvel exercice "open source" avec ma consoeur Solveig Godeluck, grande spécialiste de l'internet et des télécoms, qui signe ci-dessous une interview passionnante de Renaud Chareyre auteur de "Google Spleen", chez Interactive Labs. Cet essai sans concessions s'emploie à démonter la légende "Don't be Evil" servie par Google pour mettre à jour le véritable objet de LA FIRME : le Business avec un grand B...avec en prime le risque d'un super-monopole "digne d'une économie planifiée".
INTERVIEW
Pas du tout. Google a mis en place un système d’enchères pour acheter des mots-clés. En principe, plus vous paierez cher, plus vous serez visible. Mais personne ne connaît le prix payé par ses concurrents. Et le fait d’être le mieux-disant ne garantit de toute façon ni le meilleur emplacement, ni l’affichage. Car selon le contrat qui s’applique aux clients Adwords, Google se réserve toutes les marges de manoeuvre pour organiser le « ciblage » des annonces publicitaires, et donc la répartition de son audience entre les sites. Google se doit de donner de la satisfaction à chacun de ses annonceurs, en leur faisant trouver des prospects, et cela quelle que soit la qualité de leurs propositions. D’où la mise en place d’un microciblage des liens sponsorisés, que Google décide d’afficher, ou pas, sur l’écran de chaque internaute. Les résultats de recherche sont affinés en fonction d’une analyse comportementale à l’échelle de chaque utilisateurs. En donnant des gages à tout le monde, ce système est conçu pour induire une montée générale des mises sur Adwords. A mes yeux, il est loin de favoriser la compétitivité. Il est même digne d’une économie planifiée !
Bien sûr. J’ai testé Yahoo et Microsoft, mais j’ai observé les mêmes dérives. Sur certains mots-clés, Microsoft me recommande d’enchérir à 25 euros par clic : cela devient absurde !
Google Earth, Google News... Beaucoup d’outils Google sont très séduisants. Le problème, c’est que ces programmes ingénieux sont financés par Adwords. Or c’est un système fondé sur l’annulation des facteurs de compétitivité des opérateurs. La stratégie de Google consiste à multiplier les projets qui font rêver afin de détourner l’attention de sujets que met en danger le fonctionnement d’Adwords : la juste rémunération de la compétitivité, le jeu de la concurrence, le respect de la vie privée.
Je suis prudent car je ne connais pas le fonds de l’affaire. Mais je constate que le business de Google consiste à contrôler et à organiser l’information sur Internet à des fins publicitaires. Dans un pays comme la Chine, avec un vrai historique de régulation de l’information, Google travaille sur le même terrain que le gouvernement. Pas sûr que les deux démarches soient compatibles. Le piratage des boîtes Gmail n’était qu’un prétexte à mon sens. Et la défense de la liberté d’opinion a bon dos : tout de même, Google n’a pas attendu quatre ans en Chine avant de se poser la question des droits de l’Homme !