Les nouvelles règles de solvabilité coûteront très cher aux banques

Mea culpa, le traité de Bâle III en fait protégera les états quant au refinancement des dettes des banques, ce qui est une très bonne chose. Les banques vont donc devoir se tourner vers des eaux certainement moins calmes pour se refinancer...

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Il ne pouvait y avoir de date plus symbolique. Deux ans, presque jour pour jour, après la chute de la banque d'affaires américaine Lehman Brothers, le 15 septembre 2008 - l'événement déclencheur de la crise financière mondiale -, les banquiers centraux et les régulateurs du monde entier sont parvenus à un accord, dimanche 12 septembre, à Bâle, en Suisse, pour renforcer le niveau de capital des banques.

Cette réforme sera extrêmement coûteuse pour le secteur bancaire, qui, à de très rares exceptions près - quelques banques suédoises -, devra se procurer le capital manquant sur les marchés financiers. Cela représente beaucoup d'argent, a fortiori dans une période tendue d'après-crise, soit, en France, selon une toute première estimation de la profession, autour de 70 milliards d'euros !

Ce durcissement de la réglementation a été exigé par le G20, soucieux de renforcer la solidité du système bancaire afin qu'en cas de nouveau choc économique, les Etats ne soient plus contraints d'injecter des fonds publics.

Le capital des banques leur permet d'absorber des pertes sur de mauvais crédits ou de mauvais investissements. Plus son capital - ses fonds propres - est élevé, plus un établissement est jugé résistant aux secousses économiques.

Suivant ce principe simple, le Comité de Bâle a élaboré des règles techniquement compliquées. Celles-ci convergent vers un objectif : relever de 2 % actuellement à 7 %, à l'horizon 2019, soit en huit ans, le ratio de solvabilité bancaire. Ce ratio rapporte les fonds propres d'un établissement à ses engagements dans l'économie (crédits etc.). Il limite les prises de risques.

Dans le détail, ce ratio devra se décomposer en deux parties : 4,5 % de fonds propres dits "durs", considérés comme du "vrai" capital, car composés d'actions et des bénéfices mis en réserve chaque année ; et 2,5 % de fonds propres de qualité équivalente, conçus comme un coussin de sécurité.

Ce ratio de 7 % devra être respecté en permanence. Si d'aventure une banque y manquait, les régulateurs pourraient limiter les dividendes versés aux actionnaires et les rémunérations des dirigeants.

Par ailleurs, pour achever de sécuriser le système, les "sages" de Bâle optent pour un second coussin de sécurité. Il devra comprendre entre 0,5 % et jusqu'à 2,5 % de fonds propres supplémentaires, au bon vouloir de chaque régulateur national. Ce second coussin devra être constitué en période de croissance, pour prévenir les phases de surchauffe économique et les excès en matière de distribution de crédits. Ainsi, le ratio de 7 % sera grossi de ce second matelas.

En gestation depuis de longs mois, cette réforme d'un ratio inchangé depuis 2004 était redoutée des banquiers.

Certes, à 7 %, le futur ratio se situe dans la fourchette basse des possibilités explorées par les régulateurs - de 6 % à 10 %. Ceux-ci ont tenu compte de la fragilité d'un secteur encore convalescent après la plus grave crise depuis 1929 et qui détient une grande partie des dettes publiques européennes.

Mais la réforme demandera un gros effort de la part de toutes les banques, européennes, américaines ou asiatiques. En Allemagne, où la Deutsche Bank a déjà annoncé, dimanche 12 septembre, la plus grande augmentation de capital de son histoire, à près de 10 milliards d'euros. Egalement en France, où pourtant, les établissements bancaires se situent dans la moyenne haute en matière de fonds propres de qualité, avec plus de 4 % de "vrai capital".

Les deux pays ont bataillé pour obtenir des assouplissements de la part du Comité de Bâle. Ils n'ont été que partiellement entendus. Et déjà, le lobby bancaire met en garde contre les "inévitables" effets néfastes qu'entraînera la nouvelle réglementation.

D'une part, disent les établissements, il faut s'attendre à des tensions sur la distribution de crédits. "C'est mécanique : pour 100 de crédits, là où on nous en demandait 2 de fonds propres en droit, et 4 en pratique, on nous en demandera 7, explique un banquier. Au cours des prochaines années, nos résultats serviront à améliorer nos ratios, pas à faire du crédit !"

Par ailleurs, les banques s'inquiètent pour leur rentabilité qui baissera elle aussi mécaniquement. Celle-ci se mesure, en effet, en rapportant les profits des établissements aux capitaux propres. Or, "les rendements bancaires avaient déjà chuté avec la crise. Notre crainte, poursuit cette source, est de voir les investisseurs en Bourse arbitrer en faveur d'autres secteurs plus rentables de l'économie".

Anne Michel

Source : Le Monde.fr

Informations complémentaires :

Reuters.com : Cr. agricole, Socgen en tête des hausses du CAC après Bâle III
Romandie.com :
Bâle III: mise en garde des banques européennes
AFP :
Fonds propres: les grandes banques devraient respecter les nouvelles normes

 


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