Affaire Cahuzac : l'enquêteur qui a lancé l'alerte devant la justice

Vous voyez, quand je vous parlais de l’action occulte du monde de la finance, au niveau le plus intime des états... Et tout est lié Cahuzac, HSBC, Falciani

cahuzac_13_11_2013.jpg
Jérôme Cahuzac à l'Assemblée nationale

Olivier Thérondel, enquêteur de la cellule Tracfin (chargée de traquer les circuits financiers) avait dénoncé sur le site Médiapart les côtés occultes du rapatriement des fonds de Jérôme Cahuzac. Il doit répondre de ces fuites aujourd’hui devant un tribunal. Lui dénonce la persécution d’un «lanceur d’alerte».

Quel était votre rôle au sein de la cellule spécialisée Tracfin, chargée d’enquêter sur les circuits financiers clandestins ?

Je suis, à l’origine, contrôleur des douanes, et je travaillais depuis 2004 au sein de la cellule Tracfin, sur toutes sortes de dossiers, financements occultes, blanchiments…

Que se passe-t-il pour vous dans cette affaire Cahuzac ?

Le 2 avril, Jérôme Cahuzac démissionne. Il indique à sa banque qu’il va rapatrier les fonds de Singapour. Or, nous, le 5 avril, nous recevons de sa banque une télédéclaration de soupçons. Je suis le premier à recevoir ces éléments. Je me renseigne sur les virements, je vois que d’autres personnes apparaissent, bref, je fais mon travail. Et la même banque envoie des compléments de déclarations au fur et à mesure des virements qui arrivent de Singapour.

Qu’arrive-t-il à ce moment-là ?

C’est à partir de là qu’on va me demander de ne plus ajouter les noms des personnes qui sont citées par la banque. Et dès que les informations arrivaient, mon directeur masquait le nom de Cahuzac. Ce qui fait que lors des saisies informatiques, à chaque fois, on recréait une fiche au nom de Cahuzac, puisque la précédente avait été maquillée ! Maquiller les noms, cela veut dire qu’on va empêcher à toute personne susceptible d’enquêter de faire son travail, comme un juge, par exemple. Moi, je trouve cela assez malsain et en tout cas, pas très légal. Par ailleurs, je constatais que les informations que j’avais récupérées, n’étaient pas «orientées». Normalement, dans les 24 heures, on procède à un suivi, on enquête sur ces informations. Là, stand-by. Dans le même temps, rien ni personne dans la presse n’indique que Cahuzac a rapatrié son argent. Sur BFM, il est interviewé mais n’en parle pas. Une chose aussi est étrange : la commission d’enquête parlementaire s’est arrêtée le 2 avril. Elle n’a donc pas pu avoir connaissance de ce retour des fonds depuis Singapour.

Comment jugez-vous l’attitude de Jérôme Cahuzac pendant cette période ?

À mon sens, il a été «réglo». Il a joint les actes à la parole, et il a fait vite, très vite.

Alors, vous alertez la presse ?

Je m’abonne à Médiapart et je décide de tenir un blog, parce que j’ai un peu honte de ce qui se passe. Et je deviens «la fouine», et puis «Trac-Fouine».

Mais la publicité que vous donnez à cette affaire risque de vous coûter cher aujourd’hui en justice ?

J’ai reçu un courrier où on m’indique que mon habilitation du service Tracfin m’a été retirée «Des faits ont été portés à ma connaissance. Ils me paraissent porter une atteinte grave au bon fonctionnement du service et être incompatibles avec les fonctions que vous y exercez», m’écrit le directeur. Depuis, j’ai été réaffecté à mon service d’origine,, les Douanes. On ne m’a pas fait de cadeau. Mon avocat n’a pas encore toutes les pièces du dossier. J’ai subi des perquisitions, des réquisitions à ma banque… J’estime avoir fait mon devoir de lanceur d’alerte et je veux que ce statut me soit reconnu. Je n’ai pas divulgué d’éléments qui puissent nuire à l’enquête. Je risque de perdre mon emploi dans la fonction publique. Mais j’irai devant la Cour européenne s’il le faut. Recueilli par Dominique Delpiroux


«Affaire en cours»

«Il s’agit d’une affaire en cours, je ne peux donc ni confirmer ni infirmer ces faits» indique Jean-Baptiste Carpentier, directeur de Tracfin. «Mais, dans les cas où nous recevons une déclaration concernant des informations déjà connues par la justice, notre rôle n’est pas d’enquêter sur les mêmes faits que les juges, cela n’aurait pas de sens. Il peut nous arriver de travailler sur ces affaires, mais c’est alors en concertation étroite avec les juges et sur des axes différents.»

Ce qui pourrait signifier qu’Olivier Thérondel n’aurait pas été averti d’une collaboration avec les juges.

 

La Dépêche du Midi via Chalouette

Source : Ladepeche.fr

Informations complémentaires :

 


Inscription à la Crashletter quotidienne

Inscrivez vous à la Crashletter pour recevoir à 17h00 tout les nouveaux articles du site.

Archives / Recherche

Sites ami(e)s