Procès LuxLeaks : des doutes sur l'indépendance de la justice luxembourgeoise...

Une belle infamie, ça aussi... 

Luxleaks 28 04 2016
Antoine Deltour, à l’origine du LuxLeaks, le 3 mars lors d’un meeting de soutien aux lanceurs d’alerte, à Paris.
Photo Marc Chaumeil

Lors de la deuxième audience, les avocats des prévenus ont mis en cause une enquête privée menée par le cabinet PricewaterhouseCooper, spécialisé dans l'optimisation fiscale et qui a servi de base à l'accusation.

La deuxième audience du procès LuxLeaks, mercredi à Luxembourg, s’est muée en une introspection du fonctionnement de la justice grand-ducale – son homologue française n’ayant guère de leçon à donner. Sujet du jour, l’audition du policier enquêteur, Roger Hayard. Le premier à avoir auditionné Antoine Deltour, lanceur d’alerte à l’origine du grand déballage fiscal : «Il s’est déclaré anticapitaliste, trouvant anormal que des multinationales paient peu d’impôts.»

Cette audition s’était déroulée dans le cadre d’une commission rogatoire internationale (CRI), exécutée en France à la demande de la justice luxembourgeoise.

Le président du tribunal, Marc Thill, fait mine de s’interroger sur la sincérité de la coopération franco-luxembourgeoise en matière de judiciaire : «La première CRI a été exécutée avec deux ans de retard, la seconde pas du tout.» Le flic ne peut que confirmer mais peine à l’expliquer : «Je ne saurais vous dire.» On peut sous-titrer : la France a fait un bras d’honneur au Luxembourg, rare pays européen punissant de cinq ans de prison toute violation du «secret des affaires».

Les avocats de la défense préfèrent au contraire titiller la justice locale, à l’agacement croissant du président Thill : «Le tribunal a des difficultés à comprendre votre question […] Vous posez des questions dont vous connaissez les réponses, en faisant pression sur le témoin [le policier Roger Hayard, ndlr]», etc.

Il est donc question de la place du cabinet d’audit PriceWaterhouseCooper, sixième employeur du pays, paraissant mener l’enquête à la place des autorités compétentes, enquête qui a servi de base à l’accusation. Dialogue de sourds entre May Napela, avocate de Raphaël Halet, autre ancien salarié de PwC, Roger Hayard et Marc Thill :

L’avocate : «PwC a fait une enquête interne poussée avant de porter plainte.

- Le flic : Probablement.

- L’avocate : Est-ce normal ?

- Le président : Dans cette affaire, cela ne me paraît pas inhabituel.

- L’avocate : Une enquête parallèle serait habituelle ?

- Le président : PwC a-t-elle fait notre travail ?»

Vaste introspection, suivie d’une autre. Il est cette fois question du curieux jeu de rôle entre Raphaël Halet, autre ancien auditeur ayant informé Edouard Perrin (le journaliste de Cash Investigation qui a révélé l’affaire), et son futur-ex employeur, PwC. Qui l’avait menacé d’une demande de 10 millions d’euros de dommages et intérêts avant de la ramener à l’euro symbolique après qu’il lui eut tout balancé (lire Libération d’hier). Autre dialogue de sourds, cette fois à l’initiative d’Olivier Chappuis, défenseur du journaliste :

«L’avocat : Cet accord transactionnel, vous vous y êtes intéressés ?

- Le président (au sommet de sa forme) : Je cherche la pertinence de la question.

- Le flic : La pièce figure au dossier.

- L’avocat : Mais à la demande de la défense, pas des magistrats ou enquêteurs.»

Cette volonté de protéger à tous crins le cabinet d’audit, spécialisé dans l’optimisation fiscale des multinationales implantées au Luxembourg, transparaît à l’évocation de la perquisition au sein de PwC en janvier 2015, près de trois ans après sa plainte initiale. Une ultime péripétie pour la route, toujours à l’initiative de MChappuis :

«L’avocat : PwC a été prévenu avant ?

- Le flic : Oui.

- L’avocat : Cela arrive souvent ?

- Le flic : Cela ne contrevient pas à la vérité.

- L’avocat : Donc, la police judiciaire du Luxembourg prévient PwC avant une perquisition, mais pas les futurs inculpés en cas pareil ?

- Le président : Vous pensez qu’il y a une différence avec la France ?

- L’avocat : Je vous parle d’une différence de traitement entre les parties au dossier !»

Ainsi s’égrène le procès, le tribunal assurant son déroulé avec superbe : «Autre question ?»

 

Source : Libération.fr

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