Arrêts maladie disponibles en quelques clics : « C'est l'exemple type de la dérive de la télémédecine » (Marianne)

5 of 5 (4 Votes)

Bonjour à toutes et à tous, un article de Marianne ce matin, sur ce site qui délivre des arrêts de travail contre des €uros sonnants et trébuchants. Je ne le passe pas en pleine page, il faudra aller sur la source.

Amitiés,

f.

Ce mardi 7 janvier, la justice a été saisie pour mettre en demeure le site internet arretmaladie.fr. Le Docteur Jérôme Marty, parmi les premiers à s'être indigné de l'existence de ce site, regrette amèrement "la popularisation de la médecine presse bouton".

C'est une plateforme accessible en deux clics, qui propose, à en croire sa page d'accueil, "Un arrêt maladie sans se déplacer, remboursable, rapide et sécurisé". Lancée ce mardi 7 janvier, le site arretmaladie.fr a aussitôt suscité l'indignation d'une bonne part des professions médicales. Le même jour, la Caisse Nationale d’Assurance Maladie a annoncé qu'elle engageait contre le site "à cette fin une action en référé" en association avec le Conseil de l’Ordre des Médecins. Analyse avec le Docteur Jérôme Marty, Président du Syndicat de l’Union Française pour une médecine libre parmi les premiers à s'être indigné de l'existence du site.

Marianne : Comment ce genre de plateformes peuvent-elles s’implanter en France ?

Jérôme Marty : C’est d’abord un problème technologique. Il existe une différence d’évolution trop importante entre les professions. A une époque, c'était la Justice qui était en avance sur le reste des métiers. Elle anticipait. Rapidement, la médecine a pris le relais et a dominé son temps. Elle s'est modernisée. Elle s'est adaptée. Elle s'est surpassée. Sauf qu’aujourd’hui, c’est le numérique qui domine le paysage. De façon inévitable, des gens trouvent les moyens de se glisser dans les brèches juridiques, comme dans le cas qui nous préoccupe. Ce site est une escroquerie. C’est l’exemple type de la dérive de la télémédecine, alors que cette dernière est parfaitement encadrée par un avenant , le numéro 6 , signé en Août 2018 , qui pose les cadres de cette nouvelle discipline.

Pour votre profession, quel problème pose la dérive de cette pratique ?

C’est contraire à toutes les conditions que nous avions posées lors des nombreuses conventions médicales qui abordaient le sujet. Cette plateforme propose un inversement de la charge de la preuve. C’est le patient qui doit diagnostiquer ses symptômes, deviner sa maladie et envisager la durée de son arrêt de travail. Et arretmaladie.fr s’en charge, sans le connaître, sans jamais l’avoir rencontré et sans jamais l’avoir consulté. Normalement, c’est tout l’inverse qui doit se passer. Pour un médecin qui pratique la télé consultation il y a des règles à suivre ! Ce n’est pas la jungle. Il faut que cette pratique intègre la suite des soins. Il faut prouver le caractère urgent de cette demande. Surtout, il doit connaître le patient. Ce n’est pas la même chose que de valider un bout de papier sur un écran ! Une consultation se fait à deux. C’est un échange entre le médecin et le patient. On construit le soin. Chaque prise en charge est individuelle et personnalisée. Ce que fait cette plateforme, c’est la popularisation de la médecine presse-bouton.

" La télé-consultation comme seule solution aux déserts médicaux est une solution de facilité. "

Dans ce cas comment différencier clairement ce genre de pratiques des cabinets de télé-consultation qui ouvrent sur le territoire pour combler les déserts médicaux ?

Je dois être honnête. La télé-consultation comme seule réponse aux déserts médicaux est une solution de facilité. D’abord, parce que ces cabinets et cette idée ne vont pas changer le fond du problème. Ceux qui n’ont pas de docteurs resteront sans médecins traitant. Mais ça arrangera certaines consultations de patients que l’on connaît déjà, ceux ayant seulement besoin d’un avis rapide que le médecin pourra donner. Mais seulement car il connaît l’entourage, ses antécédents, le contexte etc... Ensuite il ne s'agit pas de plateformes qui vont résoudre les vrais déserts médicaux en banlieue ou dans la ruralité profonde. Cette innovation va intéresser les gens pressés, qui ont une relation de consommation vis-à-vis de la médecine. Ces plateformes, comme Médavis ou LIVI, uniquement commerciales, prennent en charge des actes légers comme le renouvellement d'ordonnance. Le tout, en oubliant de préciser que ces derniers représentent quand même pour le médecin de ville ou de campagne près de 30% de son activité économique. Donc si on suit cette logique, les plateformes peuvent mettre en difficulté ces cabinets. D’autant plus que ça supprime totalement la consultation « du pas de porte » qui lorsque le patient ajoute un détail, va permettre au médecin de déceler quelque chose de plus grave.

Comment expliquer que des médecins français se retrouvent sur les plateformes de type arretmaladie.fr ?

Pour certains la multiplication de ces plateformes agrémentées par des mensonges sont tentantes. Malheureusement, dans notre pays, certains médecins sont en difficulté, des cabinets vont mal. Pour eux, c’est un moyen d’arrondir leurs fins de mois. Sans oublier que certaines assurances commencent à se précipiter sur ce marché. Axa a ainsi lancé en 2015 son service de télé-consultation médicale. Dans le cadre de la vente des complémentaires santé, les assureurs en profitent pour ajouter des services. La livraison de médicaments, par exemple, est l'occasion parfaite pour l’ouverture d’un nouveau marché avec de nombreux bénéficiaires potentiels.

Comment empêcher les médecins français d’être attiré par ces sites ?

Par l’éthique et la déontologie. Ce sont des valeurs qui ne sont plus assez présentes dans notre profession. En 2012, déjà, j’avais proposé qu’un droit d’ingérence de l’éthique soit mis en place, en lien avec le Ministère de la Santé et l’Assurance Maladie. L’Ordre des médecins n’est plus suffisant pour encadrer et définir les risques de la mutation de la médecine dans le commerce. Il faut une structure qui place l’homme et le soin dans sa dimension éthique, avant sa dimension financière.

Est-ce que la multiplication et la réussite de ce genre de plateforme comme le prouve arretmaladie.fr n’est pas la preuve d’un problème en France avec l’arrêt maladie ?

Non. Je ne le crois absolument pas. Je n’en peux plus d’entendre ce genre de discours, notamment dans la bouche du MEDEF, qui accuse les Français de se complaire dans la multiplication d’arrêts maladie pour ne pas travailler. Nous sommes dans un pays qui connaît une situation économique endémique depuis 1973, nous avons un taux de chômage élevé. Les gens sous le seuil de pauvreté sont n’ont jamais été aussi nombreux : 9,3 millions de personnes. La France est également 4ème mondiale en matière de consommation d’antidépresseurs. Pendant ce temps, on monte en épingle une donnée pour se justifier. Les arrêts maladie en France sont majoritairement justifiés. Je ne crois pas à l’exagération.

Source : Marianne.net

 

Information complémentaire :

Crashdebug.fr : Le coût des mesures « gilets jaunes » sera bien supporté par la Sécu (Libération)

 

 

 


Inscription à la Crashletter quotidienne

Inscrivez vous à la Crashletter pour recevoir à 17h00 tout les nouveaux articles du site.

Archives / Recherche

Sites ami(e)s