Selon un militaire, l'armée française savait dès 1995 que le juge Borrel a été assassiné

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Le juge Borrel a été retrouvé mort en 1997, à Djibouti, début du combat judiciaire desa veuve Elisabeth Borrel,
qui depuis veut prouver qu'il a été assassiné. AFP

Détaché en avril 1994 de ses fonctions de procureur de Lisieux pour un poste de conseiller technique à Djibouti, où il travaillait au ministère de la Justice, Bernard Borrel a été retrouvé, en partie carbonisé, en bas d'une falaise. Depuis, la justice n'a jamais tranché : s'agit-il d'un suicide ou d'un assassinat ?

Bernard Borrel a été assassiné et l'armée française le savait. C'est ce qu'aurait déclaré, devant la juge française en charge de l'affaire, Sophie Clément, un ancien militaire français, en mission à Djibouti entre 1995 et 1997, rapporte la journaliste Laure de Vulpian, de France Culture.

 

"IL A ÉTÉ TUÉ ET DES MILITAIRES ÉTAIENT AU COURANT"

A en croire Fabrice Paraschos, chauffeur au détachement autonome de transmission de l'armée française à Djibouti, "c'est-à-dire aux 'grandes oreilles' de l'armée qui écoutent, en ce qui concerne l'Afrique de l'Est, toute intrusion sur le territoire djiboutien", il n' y a pas de doute possible. "Aujourd'hui je peux donc affirmer que M. Borrel ne s'est pas suicidé. Il a été tué et des militaires étaient au courant", a-t-il déclaré devant Mme Clément, en juillet dernier.

"Un jour, j'ai entendu dire au centre qu'un homme avait été immolé par le feu par des personnes du nord du territoire à l'aide de jerricanes d'essence. C'était un Français qui avait été brûlé non loin du Goubet. C'était dans la ville d'Arta", a-t-il déclaré à la juge. Or, le corps de M. Borrel a été retrouvé non loin du Goubet, le 19 octobre 1995.

Tandis qu'il n'était pas "censé entendre les écoutes", M. Paraschos dit avoir été informé de la découverte du corps "vers 11 heures-midi". "C'était une information provenant de la surveillance des communications internes de la police djiboutienne", précise-t-il, avant d'assurer qu'"il y a forcément une trace" de l'écoute de la police djiboutienne "sauf si elle a été délibérément supprimée".

SECRET-DÉFENSE

M. Pascharos n'est pas le premier à affirmer que l'armée française était informée de la découverte du corps, mais il vient détailler les circonstances de l'obtention de cette information.

Il n'est pas le premier non plus à contredire la version des faits établie dans les premières semaines ayant suivi l'affaire par les autorités djiboutiennes. Sans mener d'autopsie, elles ont de suite défendu la version du suicide après une déception amoureuse.

Une version, à l'époque, relayée par les autorités françaises. Une version à laquelle n'a jamais cru sa veuve, Elisabeth Borrel, elle aussi magistrate, qui depuis 1996 mène un combat judiciaire pour connaître les circonstances exactes du décès de son mari.

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Depuis près de quinze ans, Mme Borrel, défendue par Me Olivier Morice, mène un intense combat judiciaire.
AFP/JACQUES DEMARTHON

Ne croyant pas à la thèse du suicide, Mme Borrel porte plainte en France pour assassinat, dès 1997. Depuis le dossier Borrel est devenu un véritable imbroglio judiciaire, aux multiples ramifications, dépassant le cadre de l'assassinat pour celui de l'affaire d'Etat.

Si l'enquête française menée à Paris par la juge Sophie Clément privilégie désormais la thèse criminelle, à Djibouti, on fait tout pour minimiser l'affaire et accéder aux pièces de l'instruction. C'est que dans ce pays, où l'armée française possède sa base militaire la plus importante à l'étranger, certaines voix ont accusé le président Omar Guelleh d'avoir commandité ce meurtre. Des témoignages, dont celui de l'ex-membre de la garde présidentielle Mohamed Saleh Alhoumekani, mettent, en effet, directement en cause le président Guelleh et son entourage.

"SI LE DOSSIER NE VA PAS JUSQU'AU BOUT, L'ÉTAT FRANÇAIS L'AURA ÉTOUFFÉ"

En 2006, Mme Borrel écrit un livre, intitulé Un juge assassiné, dans lequel elle soupçonne le régime djiboutien d'avoir commandité l'assassinat de son mari et les autorités françaises d'avoir voulu étouffer l'affaire au nom de la raison d'Etat et de la protection de ses relations avec Djibouti.

"Si le dossier ne va pas jusqu'au bout, c'est que l'Etat français l'aura étouffé", déclarait en février 2005 au Monde l'avocat de Mme Borrel, Me Olivier Morice, l'actuel avocat des familles de victimes de l'attentat de Karachi.

Après la publication de ce nouveau témoignage, qui vient accréditer sa thèse, la veuve du juge Borrel demande à nouveau que tous les documents classés secret-défense relatifs à la mort de son mari soient déclassifiés. "Le chef de l'Etat [Nicolas Sarkozy] m'avait assuré en 2007 que le secret-défense serait levé. Or rien n'a été fait. Il faut que tous les documents datés d'avril 1994 [date d'arrivée du juge à Djibouti] à 1997 soient déclassifiés", a-t-elle réagi.

Hasard du calendrier, le témoignage de M. Pascharos est rendu public alors que le président Nicolas Sarkozy doit s'entretenir, mercredi 21 décembre, à Paris avec son homologue djiboutien Ismaël Omar Guelleh, et tenter de réchauffer des relations diplomatiques, empoisonnées depuis près de quinze ans par le fantôme du juge Borrel.

 

Source : Le Monde

Informations complémentaires :


meutre du juge Borrel par moko21


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