Airbus : les zones d’ombre d’une vente miraculeuse

Voilà, entre autres, ce dont je ne voulais pas vous parler hier. Car en plus de ce que décrit l’article, un ancien pilote s’est exprimé sur I-Télé, où il indiquait que probablement une partie de ces avions seraient fabriqués dans l’usine chinoise d’Airbus, ce qui incluait aussi des « transferts de technologies » avec ces derniers...

Vous en déduirez ce que vous voudrez ; (

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En ces temps difficile où, contrairement aux emmerdes, les bonnes nouvelles, même dans le secteur aéronautique, ne volent pas en escadrilles, l’annonce par François Hollande en personne de la vente de 234 Airbus à la compagnie indonésienne Lion Air a fait l’effet d’une éclaircie bienvenue dans un ciel d’orage.

Certes, le président de la République avait déclaré, et tout récemment encore, lors de son voyage en Inde, qu’il ne se voyait pas en VRP de l’industrie française – entendez qu’il se situait à un autre niveau. Et puis, dira-t-on, n’était-il pas saugrenu de célébrer à l’Élysée la signature d’une transaction commerciale entre un avionneur européen et un homme d’affaires asiatique où l’État n’est apparemment pour rien ? Mais quel homme politique, et surtout lorsqu’il traverse une mauvaise passe comme c’est le cas de celui-ci, résisterait à la tentation d’un joli coup de communication, quitte à s’attribuer des mérites qui ne sont pas les siens ?

À y regarder de plus près, sans nier la réalité et moins encore l’intérêt de ce qui apparaît comme un succès commercial, il y aurait quelques bémols à apporter au grand concert d’auto-félicitations qui s’est donné l’autre jour rue du Faubourg Saint-Honoré.

Tout d’abord, il convient de se rappeler qu’Airbus n’est pas une entreprise française mais une firme multinationale où le partenaire français a toute sa part mais rien que sa part. Ce qui revient à dire que ce sont environ six milliards d’euros sur les dix-huit annoncés qui profiteront à l’industrie nationale. De même, c’est par erreur – non intentionnelle, on veut le croire – que François Hollande a déclaré que ce marché permettrait la création de 5000 emplois assurés pour dix ans alors qu’il assurera seulement sur le même laps de temps la charge de travail de 5000 emplois déjà existants, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.

Deuxième observation : rien ne nous est dit sur l’étendue des rabais consentis par le vendeur à l’acheteur, ni sur les délais dans lesquels Airbus sera à même de livrer les 234 appareils, étant entendu que le carnet de commandes de l’avionneur – et c’est tant mieux – est déjà plein pour les huit années à venir. Où en seront les deux partenaires de l’accord annoncé à son de trompe d’ici huit à dix ans ? L’un sera-t-il à même de respecter le calendrier convenu, l’autre de payer au fur et à mesure des livraisons ?

Or, c’est ici que le bât risque de blesser. Si Lion Air, lancée en juin 2002 avec quelques milliers de dollars et un unique avion, originellement russe, par Rusdi Kirana, un ancien vendeur de machines à écrire, et son frère, un agent de voyages, affiche aujourd’hui une prospérité insolente et des ambitions à la mesure de la croissance espérée du tigre indonésien, certains points demeurent passablement obscurs. Si M. Kirana reconnaît que son entreprise figure sur la liste des compagnies interdites de vol aux États-Unis et sur le territoire de l’Union européenne, il affirme ne pas en savoir les raisons. Plus bizarre et plus inquiétant, il justifie par le fait que son frère et lui-même détiennent la totalité du capital la non-publication des comptes de Lion Air. « Si nous perdions de l’argent, ajoute-t-il, pourquoi toutes les grandes banques et la Coface accepteraient-elles de nous financer ? » L’argument est faible : on a pu constater ces dernières années que les grandes banques, pour ne parler que d’elles, étaient parfaitement capables de se lancer dans des aventures insensées et de cautionner des spéculations désastreuses.

Bref, saluons la bonne nouvelle dont François Hollande vient de se faire le messager. Mais n’oublions pas qu’une hirondelle ne fait pas le printemps. Et un pigeon encore moins.

 
Dominique Jamet, le 20 mars 2013
 
 
Source : Bvoltaire.fr
 
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