Encore un rapport pour rogner nos dimanches « Travailler le dimanche c’est pas une vie ».

Vous vous rendez compte... En fait, c’est un acquis qui date de 1906 que l’on est en train d’attaquer (je vous conseille de lire le texte de l'époque). Pour que l'on en arrive à un tel point, cela vous donnera une idée de l'inégalité des forces en présence...

C'est pour cela qu'il est important que chacun se mobilise individuellement pour ses acquis, voire adhère à un syndicat pour faire entendre sa voix (seulement 7% des salariés français syndiqués, je le rappelle).

Il faut savoir que c'est ce qui donne leur force aux salariés allemands qui, eux, sont massivement syndiqués.

Bref, ce n'est pas le moment de se disperser... car j'ai l'impression qu'il va y avoir du sport... : (((

Merci à Gérard Filoche pour son analyse approfondie du texte, et je dis, et le répète, il est membre du Parti socialiste.  !

Comme quoi... Vous voyez, on ne nous a, sciemment, pas présenté le bon profil en 2012...

Amicalement,

F.
 

Le rapport de Jean-Paul Bailly est un pas de plus, pour réduire de façon à la fois alambiquée (PACC, PACT) et brutale (12 jours) le droit au repos dominical et faire un pas de plus dans la déstructuration du principe d’un repos collectif et socialisé dont on a tous besoin.

Ce n’est plus un jour de repos mais un « jour différent »

-– Ce ne sera plus 5 dimanches mais 12 dimanches d’ouverture (comme par hasard en reconnaissant que c’est « sans volontariat »).

-– Le bricolage va devenir un secteur ouvert de plus, pour donner satisfaction aux patrons fraudeurs (ça devient une habitude de céder aux patrons fraudeurs : après les pigeons, les poussins, les bonnets de couleur, les abeilles, les bricoleurs… Il n’y a que les syndicalistes dont on refuse l’amnistie).

-– Il préfigure – après un détour de tracassin administratif ou les PUCE seront remplacées par des PACC ou des PACT (sic) – l’extension de la liste des dérogations à l’ameublement, l’électroménager en 2015…

-– Ce ne sera toujours pas la loi qui fixera les rémunérations de la majorité des exploités du dimanche mais dans la majorité des cas le bon vouloir des patrons.

-– Une fois de plus, de façon mensongère, le rapport réaffirme que, hors les 12 dimanches autorisés partout, pour tous, « le volontariat doit être la clé de voûte du travail le dimanche » (alors que le volontariat n’existe pas en droit du travail)…

Il n’existe pas de « volontariat » en droit du travail

C’est toujours le patron qui décide. Aucun salarié ne travaille le dimanche parce qu’il le veut, mais parce que le patron le veut. Tout salarié est subordonné. Il n’y a pas un seul salarié de ce pays qui souhaite travailler le dimanche de son plein gré…  C’est la femme pauvre et précaire qui finit par travailler le dimanche. Ou l’étudiant désargenté. Leurs salaires sont trop bas, ils n’ont pas le choix. […] S’ils avaient le choix, ils ne travailleraient pas le dimanche, comme le patron qui va jouer au golf.

Le rapport Bailly repose sur un tour de passe-passe : le repos du dimanche « reste un point d’ancrage fondamental dans la vie sociale et familiale des Français. Pourtant, au cours des dix dernières années, la part des salariés qui travaillent le dimanche n’a fait qu’augmenter. Ce paradoxe apparent illustre l’ambiguïté qui traverse les individus eux-mêmes… »

Mais ce n’est pas à cause de « l’ambiguïté des individus », c’est la faute aux déréglementations juridiques qui ont permis au patronat du commerce peu à peu de rogner ce « point d’ancrage fondamental ».

Et Bailly le reconnaît : « personne (sic) ne souhaite que le dimanche devienne un jour banalisé. Pour tous, le dimanche est un marqueur historique, culturel et identitaire qui constitue un repère dans la semaine ».  « Il s’agit là d’une question de synchronisation du temps consacré au loisir : la pratique associative, sportive, culturelle ou religieuse, ainsi que les activités familiales ou amicales, nécessitent que le temps de repos de ceux qui souhaitent y participer soit coordonné. »

Alors il faut faire respecter la loi de 1906 !

Les étudiants qui travaillent le dimanche y sont contraints, et ça ne dure pas pour eux. Cela durera pour les femmes pauvres et précaires. C’est un vandalisme social que de briser le seul jour commun de rencontre social, familial, collectif. Le progrès serait non pas de supprimer le dimanche mais d’instaurer DEUX JOURS DE REPOS CONSÉCUTIFS légaux en ces temps de crise sociale et de chômage de masse.

Le travail du dimanche semble déjà habituel pour 13,2 % de salariés, cela a progressé de plus de 30 % dans ces dix dernières années à cause des dérogations, c’est trop ! Jusqu’à 28 % travaillent de façon occasionnelle le dimanche, c’est trop !

Oui ! Il faut redresser la barre, rétablir le droit et son effectivité. Pourquoi Bailly tortille-t-il un nouveau rapport usine à gaz ?

Halte aux casseurs du dimanche, halte aux fraudeurs, halte au marketing du Medef anti repos hebdomadaire ! (« on aura nos dimanches » chante Jean-Jacques Goldman)

Seuls les travaux NÉCESSAIRES et IMPÉRATIFS doivent faire l’objet de dérogations

-– activités de production industrielle et les services ne pouvant être interrompus (sécurité, protection des biens et des personnes, services sanitaires, transports) ;

-– activités de culture, loisirs, sports et vie associative ;

-– activités destinées à la satisfaction des besoins alimentaires journaliers et immédiats de la population : hôtels-cafés-restaurants, établissements qui fabriquent des produits destinés à la consommation immédiate (boulangerie par exemple), et le dimanche matin jusqu’à 13 heures, les établissements dont la vente de denrées alimentaires est l’activité principale (supérettes, supermarchés).

Ceci dit, Bailly note que dans ces secteurs, le travail le dimanche est possible, sans contreparties sociales : il devrait alors proposer qu’il y ait des contreparties sociales par la loi ( par le bon vouloir des patrons, il n’y en a pas !). Mais Bailly s’en garde.

Tout salaire le dimanche devrait être majoré et accompagné d’un repos compensateur !

Bailly souligne les autres dérogations :

-– les activités au sein des zones touristiques (telles que définies par le code du travail) ;

-– les activités au sein des périmètres urbains de consommation exceptionnelle (PUCE) (loi Maillé) ;

-– les activités faisant l’objet de dérogations sectorielles ou individuelles.

Celles-ci sont en effet multipliées, incohérentes et surabondantes. Tout Paris ou toute la nationale 7 seront des « zones touristiques » à la longue. Elles devraient être réduites au strict nécessaire : trois à cinq dimanches par an avant les fêtes, comme auparavant, afin de protéger les personnels victimes de ces abus.

Les « zones touristiques » sont étendues hors raison : ce n’est pas pareil l’entrée du Musée et les fringues des rues avoisinantes. Les « PUCE » sont la plupart du temps la légitimation des coups de force et infractions antérieures. Les dérogations accordées provoquent un « effet domino » qui étend progressivement les ouvertures et rogne au fur et à mesure le repos du dimanche.

Mais on ne perçoit pas le progrès proposé par Bailly d’une loi instaurant, en lieu et place des PUCE et zones touristiques, des « Périmètres d’Animation Concertés Commerciaux (PACC) ou Touristiques (PACT) »

Sur 700.000 commerces, 22.000 ont des dérogations, c’est trop ! Et des milliers fraudent, c’est trop aussi.

Les « dérogations » doivent être plus strictes selon le principe de nécessité, les moyens de contrôle doivent être renforcés ainsi que la rapidité des procédures et des sanctions pour que l’amende soit plus coûteuse que les gains liés à l’ouverture illégale.

Il existe trois régimes de « contreparties »

-– absence d’obligations légales de majorer les salaires, ce qui laisse le patron faire ce qu’il veut en « échange » de la privation de repos du dimanche qu’il impose à ses salariés ;

-– obligation légale de contreparties ( PUCE, zones à dérogations, etc.) mais dont le niveau (aléatoire) est fixé par les patrons ;

-– obligation légale de doubler la rémunération et repos compensateur équivalent en temps, ce qui n’existe que pour les « cinq dimanches » autorisés.

Bailly constate ces inégalités de traitement, et notamment que les enseignes d’articles de sport, d’électroménager, de jouets, doublent la rémunération, tandis que les enseignes de bricolage (qui font tant de bruit et auxquelles il cède)  ne la majorent que de 50 %… Les zones touristiques, elles, ne bénéficient d’aucune contre partie sociale : pourquoi ?…

« Le « statu quo » est impossible » dit Bailly !

Alors restaurons le principe du repos du dimanche sauf NÉCESSITÉ IMPÉRATIVE. Et doublement du salaire et repos compensateur pour tous ceux qui ne peuvent en bénéficier

Les sondages de l’institut Montaigne (cités par Bailly), effectués après des offensives des patrons du bricolage dans une presse favorable ne peuvent être pris pour base de l’opinion de Français. On pourra vérifier que depuis 20 ans ces sondages fluctuent mais qu’ils ont une constante : quand il s’agit de travailler EUX-MÊMES, une écrasante majorité le refuse !

Le « souhait » de travailler le dimanche, n’est pas un « souhait » : il est un besoin d’augmenter son salaire qui est trop bas

Bailly est totalement contradictoire : il reconnaît que « les organisations syndicales émettent souvent un doute, quelles que soient les précautions prises, sur la réalité du volontariat, arguant d’une part que la « volonté » de travailler le dimanche est en réalité liée au fait qu’il s’agit de la seule manière d’obtenir une augmentation salariale dans certains secteurs et, d’autre part, que dans la réalité de certaines entreprises, les pressions sont fortes et que des discriminations peuvent exister à l’encontre de ceux qui refusent de travailler le dimanche, que ce soit au moment de l’embauche ou dans le déroulement des carrières ».

Puis il conclut que « si le dimanche est un jour de choix alors le volontariat doit être la clé de voûte du système permettant aux commerces de déroger au repos dominical, ce qui n’est pas forcément le cas aujourd’hui »

Or ça n’est pas le cas et cela ne sera jamais le cas, car un contrat de travail, on l’a dit, on le répète,  se caractérise comme un « lien de subordination juridique permanent ». Et même, comme à la FNAC, s’il y a une « fiche de souhait » du salarié, c’est le patron qui décide, pas le salarié.

« L’opt out » britannique est pour le moins le contre exemple par excellence, c’est le droit de violer la loi en faisant semblant de croire que c’est par la volonté du salarié…

Quand Bailly affirme que «  les commerçants traditionnels doivent se préparer progressivement et tendanciellement à avoir des heures d’ouverture plus larges », il cède aux lobbies et annonce lui aussi, la déréglementation, ce sera la « mort du petit commerce de proximité » car toute déréglementation favorise les chaînes, la DARES a calculé que cela ferait environ 30.000 emplois en moins.

Ce qui sera acheté le dimanche ne le sera pas le lundi. Un emploi du dimanche fera un  chômeur le lundi. Les porte-monnaie ne sont pas extensibles

Ce qui sera ouvert dans les grandes chaînes de distribution sera ensuite fermé dans tous les petits commerces. Après un effet d’annonce et d’aubaine, le solde sera négatif : les petits magasins seront fermés pour n’avoir pu tenir le rythme de la concurrence et les chaînes à leur tour réduiront leurs effectifs dans des magazins clairsemés le dimanche.

« La fermeture des commerces aujourd’hui ouverts entraînerait à l’inverse une destruction immédiate d’emplois », dit Bailly !  Pas sûr !  Lesquels ? Pour ce qui est des commerces ouverts illégalement ils bénéficient d’une distorsion de la concurrence (bricolage – qui pourtant paient mal leurs salariés : 50 % de plus), et s’ils fermaient d’autres commerces de proximité s’en trouveraient bien mieux… en semaine (pourquoi donc les quincailliers disparaissent-ils tous ?)

Selon Bailly toujours « l’obligation de compensation salariale et de volontariat n’est pas applicable aux entreprises de moins de onze salariés ». Mais d’abord, il ne propose déjà pas qu’elle soit applicable partout, ensuite, dans les moins de 11 salariés, il y a 3,5 millions de salariés !

Le commerce et ses activités directement induites, c’est plus de 4 millions de personnes ! Il s’agit d’un choix de société. Remplacer la civilisation du loisir par celle du Caddie ?

Or, comme dit une de ces femmes pauvres et précaires, qui sont et seront les premières concernées, dans les PACC ou PACT, ex PUCE, les nouvelles dérogations et dans les 12 travaux (d’Hercule – les 7 du maire ou les 5 du patron) du dimanche :  « travailler le dimanche c’est pas une vie ».

 

Gérard Filoche, lundi 2 décembre 2013

 Gérard Filoche lundi 2 décembre 2013Gérard Filoche lundi 2 décembre 2013

 

Source : Filoche.net

Information complémentaire :

Crashdebug.fr : Le dernier entretien de Maurice Allais (2009)

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