Fonds océaniques : usine de recyclage du carbone ?

Article innovant de Futura sciences sur  l’étude des fonds marins et le Gabbro, comme vous l'apprendrez : Est-ce que le salut de la Terre se situe à -1400 mètres sous la mer ?

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Le mont sous-marin Atlantis est l'objet de nombreuses recherches scientifiques. © DR

Les bactéries contenues dans les profondeurs de la terre, sous les océans, pourraient jouer un grand rôle dans la fixation du carbone et des hydrocarbures et participeraient alors à la gestion de la pollution atmosphérique.

Les océans n’ont pas fini d’étonner les scientifiques et le grand public. Alors que le recensement des espèces marines s’est achevé le mois dernier avec la découverte de 6.000 nouvelles espèces, et que certaines d’entre elles sont très étranges pour nos yeux d’animaux terrestres (voir la galerie photo de l'étonnante vie sous-marine), une nouvelle expédition sous-marine apporte de nouvelles informations d’un milieu encore plus lointain : la croûte terrestre située sous les océans.

La croûte océanique est une partie de l’enveloppe terrestre la plus superficielle, la lithosphère. Moins épaisse que la croûte continentale, elle est tout de même constituée de trois couches successives posées sur le manteau : une couche assez mince de sédiments, du basalte résultant du magma solidifié rapidement et enfin une couche provenant du magma refroidi lentement, le gabbro.

La croûte océanique dévoile son gabbro

Celui-ci est habituellement situé à plus de 3 kilomètres sous terre. Peu accessible, le gabbro n’est donc que peu étudié, son exploration demandant beaucoup d’efforts et d’argent. Cependant, des événements sismiques au mont sous-marin Atlantis, situé au beau milieu de l'océan Atlantique, ont provoqué la remontée en surface de gabbro plus facile d’accès. La densité cellulaire, la diversité phylogénétique et la diversité métabolique de la microflore endolithique du gabbro ont alors pu être étudiées, notamment grâce à la récolte d’une carotte jusqu’à 1.400 mètres de profondeur.

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Les différentes couches de la Terre. 1. Croûte (océanique et continentale) ; 2. Manteau ; 3. Noyau ; 3a. Noyau externe ; 3b. Noyau interne ; 4. Lithosphère ; 5. Asthénosphère; 6. Noyau externe liquide ; 7. Noyau interne solide. © DR

Enthousiaste, Martin Fisk, professeur au collège des sciences océaniques et atmosphériques à l’Oregon State University, explique que « c’est un écosystème que presque personne n’a encore exploré. » Les scientifiques pensaient d’ailleurs pour la plupart ne pas trouver beaucoup de vie. Si l’analyse par microscope a permis de le confirmer, la diversité des microorganismes présents dans la lithosphère océanique est, elle aussi, très relative.

La vie présente dans le gabbro

La comparaison des séquences d’ADN retrouvées dans les échantillons avec celles des banques de données a montré la présence de seulement trois types de protéobactéries (alpha, bêta et gamma-protéobactéries), menant à un indice de diversité faible (indice de Shannon de 1,37 et habituellement situé entre 1,5 et 3,5). Les bactéries rencontrées ne sont d’ailleurs pas spécifiques de la croûte océanique puisqu’elles sont aussi retrouvées dans d’autres milieux.

« Nous nous attendions à quelques formes bactériennes, mais la longue liste des fonctions biologiques présentes si profondément sous terre est surprenante » souligne Martin Fisk. En effet, l’analyse des gènes métaboliques contenus par ces bactéries mène à des conclusions beaucoup plus palpitantes. Ont été observés des gènes codant pour des protéines de dégradation des hydrocarbures, de fixation du carbone et de l’azote, de l’oxydation de l’ammonium, de la réduction du nitrate, de la dégradation des contaminants organiques, de la réduction ou de la résistance aux métaux.

Ces résultats publiés dans Plos One indiquent que le rôle de la microflore subocéanique dans le cycle du carbone sur Terre pourrait être impressionnant, puisque 70 % de la planète est recouverte d’une croûte océanique. Les bactéries qui y vivent auraient donc « le potentiel d’influencer significativement la biogéochimie des océans et de l’atmosphère » et de lutter contre la pollution ? Encore faut-il réussir à quantifier ces affirmations, ce qui sera vraisemblablement réalisé au cours de prochains travaux.

Les auteurs vont même plus loin en indiquant que la présence de gènes impliqués dans le cycle du méthane laisse supposer que « le sol martien pourrait contenir des procaryotes consommateurs de méthane », l'atmosphère de la Planète rouge contenant également ce gaz… Là encore, du travail reste à fournir pour le prouver !

 

Source :             Futura-Science