Le diable n'a plus la cote, Goldman Sachs aujourd’hui

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Ce texte est un « article presslib’ » (*)

Les chiffres financiers de Goldman Sachs ont été publiés tout à l’heure. Les bénéfices du second trimestre 2010 sont en baisse de 82 % par rapport à l’année dernière. Les raisons avancées sont : 1) le règlement du contentieux avec la SEC (Securities & Exchange Commission), le régulateur des marchés américains, dont le coût s’élève à 550 millions de dollars, 2) la taxe sur les bonus au Royaume-Uni dont le montant est de 600 millions de dollars, 3) des pertes dans les opérations de trading.

Le règlement consécutif à l’accusation de fraude se ventile, je le rappelle, entre les 300 millions de dollars d’amende pour avoir caché à ses clients que le choix des crédits subprime inclus dans la CDO (Collateralized–Debt Obligation) ABACUS 2007-AC1 avait été fait par un tiers qui pariait sur le défaut du titre et qui avait donc intérêt à ce que la probabilité que ces crédits soient remboursés soit la plus faible possible, et les 250 millions versés aux deux parties lésées : Royal Bank of Scotland et la banque allemande IKB.

À propos de cette amende et de cette restitution, ainsi que la taxe sur les bonus au Royaume-Uni, Goldman Sachs commente de manière touchante que ces sommes ne donnent « substantiellement » pas droit à déduction d’impôt. Les larmes vous en viennent aux yeux.

Les pertes dans les opérations de trading sont essentiellement dues au fait que Goldman Sachs avait parié sur une faible volatilité du marché boursier au second trimestre. Or, un « krach éclair » a eu lieu le 6 mai et la volatilité du marché boursier américain reste élevée depuis.

La plainte pour fraude de la SEC mettait en évidence le cynisme avec lequel Goldman Sachs avait refilé à ses clients la patate chaude des produits toxiques adossés à des crédits hypothécaires subprime. Parallèlement, les journalistes d’investigation ont mis en évidence la manière dont la firme a multiplié les paris sur la chute des titres liés à l’immobilier résidentiel américain, au point que l’opinion commune aujourd’hui est que les grandes banques d’investissement de Wall Street ainsi que les hedge funds, ont délibérément aggravé la sévérité de la crise en vue d’un gain. Les sénateurs américains qui interrogèrent certains représentants de Goldman Sachs le 27 avril, ne purent réprimer de nombreuses allusions acerbes à ce sujet.

Le plus amusant est la manière dont Goldman Sachs tient compte de ces accusations de mépris absolu envers ses clients dans la justification de ses pertes de trading au cours du second trimestre en disant en substance : « Nous avons bien été obligés ! C’est un sacrifice que nous avons dû consentir en raison de l’amour que nous portons à nos clients ! ». Je cite David Viniar, le Chief Financial Officer de Goldman Sachs : « Nous étions court volatilité [PJ : nous avions parié que la volatilité serait faible] pour répondre aux besoins de nos clients… », et encore : nos clients voulaient se couvrir contre un accroissement de la volatilité et « nous nous sommes positionnés dans la direction opposée parce que – vous le savez – nous tenons compte de nos clients en toute circonstance ». Si j’ai pu réprimer mes sanglots tout à l’heure quand j’ai mentionné que les amendes pour fraude infligées à Goldman Sachs ne donneraient pas droit à déduction d’impôt, là, excusez-moi, l’émotion m’envahit : je dois m’interrompre, pardonnez-moi !

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

 


Source : Blog de Paul Jorion


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