Le Dr Frankenstein de Goldman Sachs

Comme vous le constaterez, le personnage diabolique de l'histoire est encore un Français, par contre Goldman Sachs ce sont des anges...(Informations complémentaires). Quelle belle histoire... Il a seulement fait le job pour lequel il était payé, c'est Goldman Sachs qui a demandé et validé de tels montages.... Après c'est facile de payer une amende forfaitaire et de nier toute responsabilité... Ils vont faire pareil pour tous nos pays quand ils auront tout planté ?

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Fabrice Tourre

Le procès de l’ex-trader de Goldman Sachs, Fabrice Tourre, s’est ouvert lundi à New York. Les débats devraient durer deux à trois semaines

La voix est dénuée de la moindre trace d’inquiétude. Le ton est poli et enjoué. Lors d’une conversation téléphonique en septembre 2011, Fabrice Tourre est d’une entière courtoisie. «Un entretien ? Impossible. Mes avocats m’interdisent de parler.»

L’ex-trader de Goldman Sachs, poursuivi par la Securities and Exchange Commission (SEC), la tutelle de Wall Street, pour fraude et dont le procès s’est ouvert hier à New York, aime pourtant vanter ses exploits, réels ou imaginaires. Le Français ne signait-il pas ses courriels «Fabulous Fab» ? Dans un mail désormais célèbre, l’intéressé racontait à sa petite amie, en janvier 2007, «avoir créé des monstruosités» qu’il ne maîtrisait plus. Tel le Dr Frankenstein du roman de Mary Shelley, la créature lui avait échappé. «L’édifice entier risque de s’effondrer à tout moment…», écrivait-il dans ce courriel. En septembre 2008, Lehman Brothers faisait faillite…

Agé de 34 ans, cet homme de petite taille au visage avenant est le seul à être poursuivi par la justice américaine pour son rôle dans le scandale de la vente de ces produits toxiques assis sur des dérivés de crédits hypothécaires (les «subprime»), baptisés Abacus. En juillet 2010, contre l’abandon de toutes charges, Goldman Sachs a, en effet, payé une amende équivalente à 400 millions d’euros à la SEC, sans reconnaître la moindre faute. Selon l’accusation, l’opérateur est l’architecte d’une vaste tromperie, consistant à vendre à des clients des crédits en tranches dont Goldman se débarrassait en douce. Il plaide non coupable.

Le 27 avril 2010, Fabrice Tourre avait témoigné devant la sous-commission d’enquête du Sénat des Etats-Unis sur la responsabilité des banques dans la crise financière de 2008, née de l’explosion de la bulle des «subprime». Usant et abusant de jargon technique, le beau parleur avait refusé de s’excuser et nié les faits qui lui étaient reprochés avec aplomb. «Il était arrogant et même super-arrogant, nous déclarera par la suite le sénateur Ted Kaufman. Il était du genre : vous n’avez pas le droit de me poser ces questions et j’en sais plus que vous sur ce dossier.»

Le Rastignac de Goldman Sachs sort tout droit de l’Ecole centrale, l’une des plus prestigieuses de France, dont raffolent les salles de marchés. Après une jeunesse passée dans la banlieue ouest de Paris, du Plessis-Robinson (Hauts-de-Seine) à Sceaux, dans des quartiers résidentiels un brin aisés, entre un père cadre et une mère podologue, Fabrice Tourre enchaîne les célèbres lycées Henri-IV et Louis-le-Grand, avant d’intégrer Centrale à 19 ans. Le jeune homme a tout du premier de la classe, sage comme une image, visiblement bien élevé…

Après une année à la Stanford Business School en Californie, l’une des meilleures écoles de commerce des Etats-Unis, l’aspirant banquier au cursus exemplaire décroche un entretien d’embauche chez Goldman Sachs. Le candidat doit se plier au petit jeu d’une vingtaine d’interviews rondement menées par des associés et des directeurs. On l’interroge sans relâche. Au bout du processus, les hiérarques de l’établissement n’ont vraiment rien trouvé qui leur déplaise chez le Français.

A leurs yeux, le jeune loup a tout pour lui : intelligence, autorité naturelle, soif de réussite professionnelle, bosse des mathématiques, maîtrise de la langue financière. Fabrice n’a pas besoin de beaucoup de sommeil. Disert et charmant, un peu nerveux (mais qui ne le serait pas ?), il cache mal un fort sentiment de supériorité intellectuelle, ce qui est un bon point pour son futur employeur. C’est un tennisman chevronné, hyper-concentré, qui s’adonne avec bonheur au jogging, donc prêt aux longs efforts. Fabrice Tourre est leur homme, cela ne fait aucun doute.

Au siège de New York, le nouveau venu est affecté à la division des crédits hypothécaires, le «mortgage desk», au sein d’une section composée de six opérateurs et dirigée par Jonathan Egol. Des grosses têtes qui ont en commun la passion de l’analyse financière, des algorithmes et des équations. Le Français y trouve immédiatement sa place. Egol et Tourre forment l’un de ces binômes typiques de Goldman Sachs. Les deux personnalités se complètent. Le premier, introverti, est l’homme des concepts ; le second, extraverti, est un vendeur né. En 2005, les deux compères mettent au point un produit financier assis sur un portefeuille de créances comprenant essentiellement des «subprime», affublé du nom de code latin Abacus. Le travail qui consiste à vendre pour le compte de son employeur des produits dérivés complexes aux acronymes barbares est certes fastidieux. Le salaire de base n’est pas terrible, mais la rémunération au chiffre par la prime de fin d’année, le fameux bonus, est rondelette. Fabrice Tourre se sent bien à New York, ombilic de la planète financière. Centrale et l’Université de Stanford sont à des années-lumière. Le groupe Bouygues, où il a effectué un stage de deux mois avant de partir étudier aux Etats-Unis, aussi. Le passé est loin derrière lui. Le Frenchie est arrivé. Il a 22 ans.

Grâce à la croissance économique, à la course au gigantisme, mais surtout à la politique exubérante d’argent bon marché instituée par la banque centrale américaine entre 1987 et 2006, le secteur financier américain est devenu une extraordinaire machine à fabriquer des profits. Et au cœur de cet essor sans précédent se trouve l’explosion des produits dérivés de crédit, en particulier ceux reposant sur un marché immobilier qui croît jusqu’à la folie.

Epuisante responsabilité, jalonnée de nuits écourtées, de week-ends sacrifiés, de trop rares distractions. Promu au rang de directeur exécutif, Fabrice Tourre est transféré en novembre 2008 à la City. Sa mission, à l’ombre de la cathédrale Saint-Paul : adapter Abacus au marché européen. Malgré la charge de travail écrasante, le goldmanien est aux anges, aux côtés de sa petite amie, une Française rencontrée au siège new-yorkais du groupe. Mais le bonheur sera de courte durée. Après les révélations du New York Times en décembre 2009 sur le subterfuge Abacus, il se voit retirer sa licence de trader dans la City.

Placé en congé sans solde, l’ex-golden boy débute un doctorat d’économie à l’université de Chicago. Le fort en thème fait également de l’humanitaire au Rwanda. Après avoir quitté la banque au début de 2013, «Fab» rêve de nouveaux combats, de nouvelles revanches. Avec ce sourire, angélique ou carnassier, selon la proie.

 

Source : Letemps.ch

Informations complémentaires :

 


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