Pourquoi l’Argentine risque le défaut de paiement

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Visite au musée de la dette à Buenos Aires. | ASSOCIATED PRESS/NATACHA PISARENKO

C'est une déflagration juridique qui a secoué l'Argentine, lundi 16 juin. La Cour suprême des Etats-Unis a en effet refusé de se saisir du recours déposé par le pays : sa condamnation à rembourser 1,33 milliard de dollars (près de 1 milliard d'euros) à des fonds spéculatifs américains, NML Capital et Aurelius Capital Management, est maintenue.

  • Pourquoi les « fonds vautours » ont-ils fondu sur l'Argentine ?

Après la faillite de l'Argentine en 2001, le pays avait fini par trouver un accord avec une partie de ses créanciers privés du pays, entre 2005 et 2010. Au total, 90 milliards de dollars de dettes avaient été restructurés, permettant à l'Argentine d'alléger son fardeau financier en étalant ses remboursements dans le temps.

Mais les fonds dits « vautours » contestaient cet accord, et exigeaient le remboursement intégral de leur dette, majoré des intérêts. Ils avaient obtenu gain de cause auprès d'une Cour d'appel de New York en 2013 : Buenos Aires avait été condamné à payer. La décision de la Cour suprême des Etats-Unis confirme cette condamnation. Les voies de recours sont donc épuisées.

  • Quelles sont les conséquences pour le pays ?

Pour l'Argentine, pays émergent dont les économistes soulignent la vulnérabilité dans le contexte économique mondial morose, le coup porté est rude. D'autant qu'il est double.

Non seulement l'Etat argentin se voit contraint de payer sa dette aux « fonds vautours », mais il se trouve brutalement exposé à d'autres réclamations, de la part d'autres investisseurs privés. Encouragés par la victoire judiciaire de ces fonds spéculatifs américains, une partie des créanciers qui avaient accepté les accords de renégociation des années 2000 (et une baisse de valeur de 70 % de leur dette) pourraient être finalement tentés de s'en désolidariser, pour récupérer leur mise.

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    Dette : l’Argentine acculée par la justice américaine

    Buenos Aires contraint de payer une partie de ses créanciers, une affaire sans précédent qui pourrait menacer les pays en difficultés financières. L'Argentine est en effet dans une impasse après le refus de la cour suprême des Etats-Unis de se saisir d'un ultime recours sur sa dette. Le pays se voit obligé de rembourser plus d'1,3 milliard de dollars à des fonds spéculatifs qualifiés de 'vautours' par la présidente Cristina Fernandez. Celle-ci n'entend payer que les créanciers qui ont accepté de renégocier la dette : 'Je veux m'adresser aux millions d'Argentins qui écoutent, mais aussi aux 92 % des créanciers qui croient en l'Argentine. Je veux leur dire que l'Argentine remplira ses obligations, l'Argentine ne fera pas défaut sur sa dette restructurée.' L'ensemble du processus est toutefois entièrement bloqué jusqu'à ce que les deux fonds récalcitrants soient remboursés avec intérêts. La présidente estime son pays 'victime d'extorsion' par ces fonds qui refusent de renégocier, et ce,depuis le catastrophique défaut de paiement partiel de la dette souveraine de 100 milliards de dollars en 2001-2002.

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Fin 2013, BS Initiative, un centre de réflexion créé par de jeunes économistes, avait calculé que les investisseurs pourraient exiger près de 43 milliards de dollars à l'Argentine. Une somme que le pays serait contraint d'aller chercher sur les marchés financiers, dont elle se passe depuis 2001.

La crise, de fait, a limité ses marges de manœuvre en rognant ses excédents courants. Pour couronner le tout, dans sa décision de lundi, la Cour suprême contraint l'Argentine à dévoiler la liste de ses actifs financiers afin de faire exécuter le jugement… Une mise à nu patrimoniale que le président des Etats-Unis lui-même, Barack Obama, avait tenté d'empêcher, en déclarant, en soutien à la présidente du pays, Cristina Kirchner, qu'une telle demande constituerait « une violation substantielle de la souveraineté des pays » étrangers.

  • Que peut faire l'Etat argentin ?

Mme Kirchner a tenté de rassurer, lundi soir : « L'Argentine ne va pas se déclarer en défaut de paiement, a-t-elle dit lors d'une allocution télévisée. Nous avons montré notre volonté de négocier. » « Je ne suis pas énervée, je suis inquiète, a-t-elle poursuivi. Notre obligation est de payer nos créanciers, mais en même temps, de ne pas nous laisser rançonner. » Dans son argumentaire auprès de la Haute Cour américaine, l'Argentine avait pourtant mis en garde contre « un risque sérieux et imminent de défaut de paiement », avec des remous pour le pays, mais aussi au-delà, sur les marchés financiers, en cas de rejet de son appel.

  • Le cas argentin peut-il faire jurisprudence ?

Le gouvernement argentin a estimé, lundi, que les « fonds vautours » mettaient en danger « tout le système financier international ». De son côté, l'analyste de la banque Natixis, Carlos Quenan, spécialiste de l'Amérique latine, avait pronostiqué des « conséquences [potentiellement] dramatiques, et pas seulement pour Buenos Aires », au cas où la condamnation de l'Argentine serait confirmée par la Cour suprême.

Selon les experts, cette décision pourrait, de fait, encourager, à l'avenir, d'autres investisseurs privés à refuser tout effacement de leurs dettes. Au risque de compromettre des plans de restructuration financière pourtant jugés vitaux pour les pays en grave difficulté financière. Ce fut par exemple le cas de la Grèce en 2012.

 

Source(s) : Lemonde.fr via ...

Information complémentaires :

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