Jacques Sapir, l'Euro et ses travers 2/2

Notre blogueur associé Laurent Pinsolle nous livre une chronique en deux parties de l'ouvrage de Jacques Sapir « Faut-il sortir de l'Euro ? ». Après avoir étudié les limites du débat français sur l'euro et les raisons de la crise, l'économiste propose des solutions pour un meilleur fonctionnement de la monnaie unique.

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(Quelques rouleaux d'euros - SIERAKOWSKI/ISOPIX/SIPA)
 
Pour Jacques Sapir, avec l’euro, c’est comme « si l’Allemagne obtenait un accès libre aux marchés de ses voisins, elle leur offrait la possibilité de s’endetter à bon compte… pour acheter des produits allemands ». La crise actuelle a boulversé ce compromis puisque les voisins de l’Allemagne ont vu leurs taux d’intérêt s’envoler, alors que « l’Allemagne, elle, bénéficie toujours de l’accès aux marchés de ses voisins ». Bref, il y a une rupture asymétrique des conditions du contrat initial.
 
Pour lui, « il y a bien une dimension pathologique, une dimension folle dans ce projet. C’est ce que l’on retrouve à chaque fois que l’on est confronté à la théorie néoclassique et à ses fantasmes glaçants d’homogénéité des agents et des situations (…). Parce que l’on croit détenir un savoir d’une essence supérieure, on veut à tout prix que la réalité s’y conforme ». Certains ont voulu montrer que l’euro allait créer les conditions de son fonctionnement (Aglietta, Orléan).
 
Pour lui, l’euro était vicié depuis le début car il nécessite une forte solidarité, mais « vouloir constituer ce sentiment d’appartenance collective par ce système et par ses crises probables revenait à mettre la charrue avant les bœufs ». Le saut quantique nécessaire (un décuplement a minima des sommes actuellement versées à l’Union Européenne), est totalement hors de question pour les pays qui seraient les créditeurs de ce système, et en premier lieu l’Allemagne.

Le mur de la réalité

Jacques Sapir montre qu’au contraire, l’euro a accentué la divergence des pays européens au lieu de permettre la convergence nécessaire, sur l’inflation, mais aussi la croissance, qui outre le fait de diverger au sein de la zone euro, baisse plus qu’ailleurs ! Il fait également un sort au mythe de l’euro protecteur, soulignant qu’il ne protège ni notre croissance ni de la spéculation… Je peux ajouter que la divergence d’une zone monétaire a été montrée par Paul Krugman.
 
Il souligne également le rôle de la politique néolibérale promue par l’Europe   dans la crise que nous avons traversée. Cette déréglementation financière a créé les courroies de transmission de la crise venue des Etats-Unis à l’Europe et a également provoqué les énormes bulles immobilières espagnole et irlandaise. Il souligne le paradoxe de cette libéralisation extrême qui a abouti à rendre les Etats complètement dépendants de ces marchés à qui on a retirés toute entrave.
 
Enfin, il souligne qu’une monnaie unique pose de gros problèmes pour les échanges commerciaux. Il suffit en effet d’étudier l’évolution des balances commerciales depuis 10 ans pour constater que cette évolution n’était pas durable. Sapir dénonce également « l’impasse tragique de l’austérité et de la déflation », en soulignant que la récession induite, outre le fait d’être cumulative à l’échelle du continent, alourdit plus encore le poids de la dette, comme on le voit en Grèce.

L'impasse actuelle

Jacques Sapir revient sur quelques sommets pour en démonter les décisions qui ne font que renforcer l’impasse dans laquelle nous sommes. Il souligne que l’Allemagne est tout sauf un modèle, entre son krach démographique, sa très faible croissance depuis dix ans et le fait que sa réussite commerciale repose sur le fait que les autres pays ne suivent pas sa politique… Il s’oppose fermement à la camisole budgétaire   que Nicolas Sarkozy, puis François Hollande, ont acceptée.

Il ne croit pas aux euros obligations, soulignant qu’en l’état, la note globale serait mauvaise et tendrait plutôt à renchérir les coûts d’emprunts de l’Allemagne et la France sans soulager suffisamment l’Espagne et l’Italie... Il souligne également que les « plans de sauvetage » de la Grèce  sont bien plus coûteux qu’estimés, chiffrant à 345 milliards d’euros les besoins du pays de 2012 à 2019, une fois et demi son PIB, et conclut qu’une sortie serait moins chère.

Pour lui, le coût d’une aide aux banques frappées par le défaut de la Grèce serait largement inférieur, entre 110 et 160 milliards. Mais surtout, une sortie de l’euro, une dévaluation et un défaut permettraient à la Grèce de relancer son économie et de réduire le niveau du chômage. Il plaide pour une transformation de l’euro en une monnaie commune (Ndlr : c'est pas déjà le cas ???), une politique de réindustrialisation, allant de pair avec des mesures protectionnistes et enfin des mesures de justice sociale.

Jacques Sapir conclut son livre en prenant les exemples de l’Argentine, la Malaisie et la Russie pour montrer qu’il y a une issue à l’impasse actuelle et souligne que l’euro est dans sa crise terminale. Malheureusement, sa capacité de résilience est assez incroyable, même si l’issue semble déjà écrite.

Jacques Sapir, « Faut-il sortir de l’euro ? », édition Seuil sur Amazon.fr (Prix indicatif 14€,35)

959764-1135509.jpgRetrouvez d'autres articles de Laurent Pinsolle sur son blog.

 

 

 

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Source : Marianne2.fr

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