La place de l’industrie manufacturière française réduite de 50% depuis 1970

Usines 27 04 2016
Photo Patrick Lux / AFP 

Une étude publiable de l’Institut national de la statistique et des études économiques, montre que l’industrie manufacturière ne créait plus que 11,2% de la valeur produite en France en 2014 contre 22,3% en 1970. Mais les causes réelles de ce déclin sont occultées par l’INSEE.

Selon une étude de l’INSEE de ce 26 avril 2016, la valeur ajoutée de la branche de l’industrie manufacturière en France s’élevait à 213,8 milliards d’euros en 2014. Depuis 1970, elle aurait été multipliée par 8,6 contre une multiplication par 17,2 pour l’ensemble de l’économie française. Ces chiffres étant donnés en euros courants, il est impossible de mesurer la progression réelle de la richesse créée durant 45 ans, faute de pouvoir défalquer l’inflation. Il reste que le poids économique de l’industrie manufacturière dans l’économie du pays aurait été divisé par deux, passant de 22,3% de la valeur ajoutée en 1970 à 11,2% en 2014, selon cette étude. Cela en dit long sur les gâchis causés par plus de quatre décennies de délocalisations industrielles que les statisticiens de l’INSEE n’examinent pas.
 
Selon l’INSEE, ce recul relatif de l’industrie manufacturière sur plus de quatre décennies « s’explique principalement par un « effet prix » et, dans une moindre mesure, par un « effet volume». Selon l’institut, « les prix de la valeur ajoutée ont progressé en effet plus modérément dans l’industrie manufacturière que dans l’ensemble de l’économie : respectivement + 3,2% et + 4,4% en moyenne annuelle entre 1970 et 2014». L’étude ajoute que « la baisse des prix relatifs de l’industrie manufacturière a été permise par des gains de productivité plus importants dans cette branche que dans le reste de l’économie : de 1970 à 2014, la productivité apparente du travail s’est accrue de 3,2% en moyenne dans l’industrie manufacturière contre +1,7% dans l’ensemble de l’économie ». On imagine ici qu’il s’agit d’un gain de productivité annuel moyen car l’INSEE ne le précise pas.
 
En 1970, la part des services marchands hors commerce représentait 31,7% de la valeur ajoutée pour cumuler à 45,4% en 2014, selon cette étude qui ajoute que la part du « commerce s’est légèrement réduite : de 12,5% à 10,3% ». L’étude nous dit ensuite que « de 2000 à 2007, la diminution de la part de l’industrie manufacturière dans la valeur ajoutée globale est particulièrement nette. Elle résulte presque uniquement de celle des prix relatifs. La réduction des gains de productivité a été moins prononcée dans l’industrie manufacturière que dans le reste de l’économie avec l’enrichissement de la croissance en emplois dans les services. En revanche, de 2007 à 2014, l’industrie manufacturière est particulièrement affectée par la crise. La contraction de sa valeur ajoutée en volume et la faible progression de celle du reste de l’économie accentuent légèrement « l’effet volume ». A l’inverse, les gains de productivité baissent plus nettement dans l’industrie manufacturière qu’ailleurs, de sorte que l’effet prix s’atténue beaucoup ».
 
Ce long charabia technocratique en guise d’analyse tourne autour du pot au lieu d’éclairer le lecteur. De manière délibérée ou par méconnaissance des réalités, les statisticiens de l’INSEE omettent d’évoquer des décisions comme « l’accord multifibre » entre l’Union européenne et les pays tiers qui baisse dès la fin des années 1970 les tarifs douaniers sur de nombreux produits textiles importés et qui va progressivement détruire cette industrie dans notre pays. Arrive ensuite l’accord de l’OMC en décembre 1994 à Marrakech, avec ses baisses sensibles de tarifs douaniers sur toutes sortes de produits manufacturés provenant surtout de pays à bas coûts de main-d’œuvre. Arrive encore au début des années 2000 - avant même l’élargissement de l’Europe à dix nouveaux pays - la négociation de l’accord « Tout sauf les armes » qui donne à 49 pays à bas coûts de main-d’œuvre la possibilité d’exporter en Europe et à droits nuls toutes sortes de produits, sauf des armes.
 
La conséquence la plus épouvantable de cet accord négocié au nom de l’Europe par Pascal Lamy, commissaire en charge du Commerce, s’est produite le 24 avril 2013 : l’effondrement d’une usine textile, détruite par les vibrations des machines installées sur plusieurs étages pour produire nuit et jour des vêtements achetées par des marques occidentales en quête de grosses marges. Cet effondrement fit 1135 morts et des centaines de blessés dans la banlieue de Dacca au Bangladesh. Ce fut la révélation planétaire de la face hideuse de la mondialisation capitaliste.
 
A l’INSEE, on préfère un langage soft pour prendre en compte cette réalité au moment de faire le bilan des pertes de l’industrie manufacturière française entre 1970 et 2014. Du coup, on se contente de dire que « dans le contexte de mondialisation des échanges internationaux, les importations de produits manufacturés ont fortement progressé. Cette croissance est due aussi à la concurrence étrangère. En outre, reflet du phénomène de délocalisation, une partie des importations manufacturières concerne des biens fabriqués à l’étranger par des entreprises françaises et vendus en France. L’impact négatif de la hausse des importations sur la production domestique suggère une substitution entre les biens importés et les biens produits en France», nous dit-on fort prudemment. Dans cette partie du texte, les auteurs de l’étude réalisée par l’INSEE semblent découvrir la lune. Dans le reste de l’étude, ils sont plutôt dans la posture de l’idiot qui regarde le doigt quand ce dernier montre la lune.
 
Ajoutons, au moment où vient de se tenir la séance de l’ONU précédant la ratification de l’accord de Paris sur le climat, que le bilan carbone des délocalisations industrielles des quatre décennies passées a été particulièrement catastrophique quand on cumule les conséquences de la casse industrielle dans les pays développées, du montage des usines dans les pays pauvres et des transports de marchandises sur de très longues distances. Sans même parler du bilan des usines électriques fonctionnant au charbon en Chine et dans beaucoup d’autres pays.  Hé oh l’INSEE, il est temps de regarder la réalité en face !
 

Source : l'Humanité.fr

Information complémentaire :

Crashdebug.fr : L’éclatante faillite du nouveau credo, par Maurice Allais (1999)

 

 

 


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