Utilisateurs d'Android, Facebook mémorise… votre historique d’appels et de SMS

Facebook Sms 27 03 2018
Facebook a dû s'expliquer sur la conservation des historiques téléphoniques. - Nasir Kachroo / NurPhoto

En téléchargeant vos archives Facebook, vous allez peut-être découvrir une partie de votre historique d’appels et de SMS. Cette intrusion dans votre vie privée dépend de la nature et de la version du téléphone que vous utilisez. Explications.

Il est l'homonyme d'un personnage de la série Beverly Hills 90210, mais il est bien plus futé que le Dylan McKay des années 90. Cet étudiant en informatique néo-zélandais a remarqué un élément des documents d'archives Facebook que personne n'avait vu jusqu'à présent. Chaque utilisateur peut en effet demander au réseau social de lui envoyer ses archives, très intéressantes pour vous rendre compte de tout ce qu'il sait de vous… Mais ce qu'y a découvert Dylan McKay était toujours passé inaperçu, et cela fait froid dans le dos.

En parcourant la page "Contacts" collecté à son sujet par le réseau social, le jeune homme a en effet réalisé que Facebook détenait l’ensemble de l’historique de ses appels et SMS entre 2015 et 2017. La durée des communications, leur nature (appels, SMS ou MMS) et le nom des contacts concernés se trouvent ainsi dans le fichier des données récoltées. Et si Dylan reconnaît avoir utilisé l’application de messagerie Messenger sur son téléphone, il jure pourtant ne pas avoir autorisé celle-ci à importer son historique d’appels.

En plein scandale Facebook/Cambridge Analytica, cette découverte a rencontré un écho quasi-immédiat sur Twitter. Aujourd’hui encore, Dylan McKay retweete les témoignages d’autres utilisateurs de la plateforme abasourdis par cette violation de leur intimité. Comme lui, ces personnes ont toutes trouvé le détail de leurs communications dans le fichier d’archives demandé à Facebook, qui parfois remonteraient bien avant 2015.

Les autorisations laxistes d'Android

Point commun de tous ces témoignages, et non des moindres : ils émanent tous de propriétaires d'un smartphone Android. Les utilisateurs d’iPhones semblent, eux, à l’abri de ce phénomène.

Pour en avoir le cœur net, l'auteure de cet article a aussi téléchargé son archive Facebook : propriétaire d’un Android, j'ai aussi constaté la présence de données retraçant l’ensemble de mes appels de mai 2015 jusqu'au mois d’août 2016 ! (coucou Maman).

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L'explication de la différence entre iPhone et Android, et même entre utilisateurs d'Android sur les périodes concernées par cet espionnage, réside dans un détail technique : la version d'Android utilisée. Entre 2015 et 2017, quand Facebook a gardé son historique téléphonique, Dylan McKay possédait un Android version 5.1 :

Or, comme l’a relevé le site spécialisé FrAndroid, cette version du logiciel ne gère pas les autorisations données aux applications avec une grande finesse… Ainsi, dans ses différentes moutures jusqu'à sa version 5.1 (incluse), si vous donniez à Facebook ou à Messenger la possibilité de lire vos contacts, celle-ci les autorisait aussi implicitement à se connecter et à lire l’ensemble de votre historique d’appels. La fonctionnalité était même inscrite dans les conditions d'accès de l'application, comme le montre cette capture d'écran du site makeuseof remontant à 2014 :

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SMS : "Lire vos messages (SMS ou MMS)" Téléphone : "Ecrire le journal d'appel. Appeler directement des numéros
de téléphone. Lire le journal d'appel".

Apple et l’Itunes Store n’auraient, eux, jamais permis cet accès par défaut. Et ce n’est qu’en octobre 2017 qu’Android et Google Play (la plateforme associée) ont fini par supprimer l’accès par défaut de Facebook et Messenger au journal d’appel des utilisateurs. Désormais, les applications doivent explicitement demander l’autorisation. Mécaniquement, leur présence dans les archives des possesseurs d’Android s’est donc réduite depuis lors.

Des informations pour affiner l'algorithme de Facebook

Facebook a fini par réagir à cette polémique ce dimanche 25 mars, dans un communiqué publié sur l'un de ses blogs, assumant la conservation de ces historiques (qu'elle vous encourage à accepter) : “La journalisation de l'historique des appels et des textes fait partie d'une fonctionnalité d'activation pour les utilisateurs de Messenger ou de Facebook Lite sur Android. Cela vous permet de trouver et de rester en contact avec les personnes qui vous tiennent à cœur et de vous offrir une meilleure expérience sur Facebook”. En clair, ces informations permettent au réseau d’affiner son algorithme de suggestion d’amis et de fil d’actualité. Si vous aussi, vous appelez beaucoup votre mère mais qu’elle n’est pas amie avec vous sur Facebook, il y a ainsi des chances qu’elle vous soit suggérée dans les “personnes que vous pourriez connaître". Si vous échangez régulièrement des SMS avec votre meilleur ami, l’algorithme essaiera de le mettre en valeur dans votre fil d’actualité. Le tout, afin que vous restiez plus longtemps sur Facebook.

Que la faute revienne à Google/Android (qui n’a pas permis un consentement explicite à ses utilisateurs par le passé) ou au réseau social, un point est particulièrement dérangeant : cette surveillance du journal d’appel paraît totalement disproportionnée par rapport à l’utilisation qu’en a faite Facebook. Pourquoi conserver aussi longtemps les numéros, la durée et le nombre d’appels avec votre grand-mère Lucette qui n’a peut-être jamais touché un ordinateur de sa vie ? De ce côté-là, la plateforme n’apporte pas de réponse.

Dans son communiqué, Facebook se contente de garantir l’utilisation légitime de ces informations pour améliorer l’expérience de l’utilisateur, tout en jurant : “Vos informations sont stockées en toute sécurité et nous ne vendons pas ces informations à des tiers.” Et de préciser que “cette fonctionnalité ne collecte pas le contenu de vos messages texte ou appels”. Au vu des découvertes qui s'accumulent sur le réseau social, cette dernière précision aurait plutôt tendance à nous alerter qu'à nous rassurer…

 

Source : Marianne.net

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