Emprunts toxiques : plus de 6 milliards de pénalités potentielles pour les collectivités locales

On en profite pour vous repasser l'interview de Jérome Kerviel sur le sujet, cette vidéo que tant de personnes voudraient voir effacée... (dommage...)

Le dossier des emprunts toxiques est encore loin d'être clos. Même si la situation se normalise (très) lentement.

Les collectivités locales avaient jusqu'à minuit jeudi 30 avril pour déposer une demande d'aide auprès du Fonds de soutien mis en place par l'Etat. Passé ce délai, elles ne pourront plus bénéficier d'une aide financière extérieure pour se débarrasser de leurs emprunts toxiques. Ces crédits très risqués à taux variables, contractés à la légère dans les années 2000 par des collectivités peu scrupuleuses ou dépassées par les événements, imposent des intérêts qui peuvent s'envoler en fonction de critères… surprenants comme par exemple la parité euro - franc suisse.

Près de 300 dossiers avaient déjà été déposés avant avril par les collectivités pour recevoir l'aide financière de l'Etat. Le Fonds de soutien dispose en effet de 3 milliards d'euros. Cet argent servira à financer, pour chaque dossier, jusqu'à 75% des indemnités prévues par les banques détenant les prêts toxiques en cas de remboursement anticipé. Un peu à la manière d'un particulier qui doit payer des pénalités sur son crédit immobilier lorsqu'il le rembourse en avance, les collectivités doivent payer des indemnités si elles veulent solder leurs prêts.

Contacté par Challenges, le cabinet du secrétaire d'Etat chargé du Budget Christian Eckert ne souhaite pas communiquer à ce stade sur les demandes d'aide. Plusieurs centaines de dossiers supplémentaires devaient néanmoins être déposés avant hier soir. 850 collectivités locales ont droit au dispositif. Les dossiers seront ensuite étudiés par le Fonds puis les collectivités recevront une proposition d'aide en fonction de leur situation. Une seule condition : elles devront alors accepter de ne pas engager de poursuites judiciaires auprès des banques prêteuses. Un nouveau bras de fer se profile donc vers la fin de l'année 2015.

Encore 5,4 milliards de prêts toxiques

Car la majeure partie de ces emprunts toxiques sont aujourd'hui détenus par la SFIL (la société de financement local), qui a hérité des crédits à haut risque de Dexia pour les collectivités locales. Une entité détenue à 75% par l'Etat et à 20% par la CDC.

Quoi qu'il en soit, les collectivités restent libres de négocier directement avec la SFIL sans demander le secours du Fonds de soutien. D'après les données récupérées par Challenges, depuis mars 2013, 792 emprunteurs ont reçu une proposition de la SFIL pour un encours d'emprunts toxiques de 6,25 milliards d'euros. Sur ces 792 propositions, on compte 295 opérations dites de "désensibilisation" (autrement dit le remplacement d'un prêt risqué par un prêt classique) conclues avec 266 clients pour un encours sensible de 2 milliards d'euros. Enfin, 189 collectivités ont réussi à se dégager totalement aujourd'hui de ces prêts toxiques, dont 113 communes, 32 groupements de communes, 11 départements, une région et 29 établissements publics de santé. Au final, à la fin de l'année, sur la base des opérations déjà conclues en 2015, la SFIL ne devrait plus détenir que 5,4 milliards d'euros d'encours de prêts toxiques, contre 8,5 milliards fin 2012.

La situation est ainsi en voie de normalisation. C'est ce que confirme Finance Active dans son observatoire 2015 de la dette locale publié ce jeudi. A fin décembre 2014, les emprunts les plus toxiques (hors charte, 6 ou F*) ne pèsent plus que 2,6% de la dette des collectivités locales, contre 5,8% début 2010.

emprunt_toxique_encart1.jpg

Le taux d'intérêt moyen de ses prêts à risque au 31 décembre était de 7,02% avec une durée de vie restante de 16,6 ans en moyenne, alors que les intérêts moyens pour la dette locale dans sa globalité se situent à 2,95% avec une durée de vie résiduelle de 14,6 années.

13952219.JPG

La situation est toutefois loin d'être réglée. Les pénalités potentielles sont encore très lourdes. Sur les seuls prêts toxiques liés au taux de change du franc suisse, qui représentent une bonne part de ces produits structurés à haut risque, les pénalités dues pour un remboursement anticipé pèsent 6 milliards d'euros. Soit pratiquement l'équivalent de l'encours des prêts toxiques détenus par la SFIL ! Ce calcul a été fait par Finance Active avec un taux de change de 1 franc suisse pour 1 euro. Mais la facture pourrait s'alourdir dans les mois qui viennent si la monnaie unique s'affaiblit davantage. Ce qui n'est pas impossible avec la politique monétaire de la BCE. Autre donnée marquante, toujours d'après Finance Active et avec cette même parité, pour rembourser 100 euros de capital restant dû d'un emprunt toxique, les collectivités doivent verser pas moins de 250 euros en moyenne dans le cadre d'un remboursement anticipé.   

Il y a quelques jours, Challenges dévoilait en exclusivité le classement des collectivités locales les plus shootées aux emprunts toxiques en 2012. Cette photographie de l'époque a le mérite de montrer à quel point le recours à ces emprunts était généralisé et qui en a le plus abusé. Depuis, certaines collectivités ont réussi à se dépêtrer de cette situation délicate, comme le conseil général de Seine-Saint-Denis ou la commune d'Argenteuil. Reste que, plus de dix ans après les premiers contrats signés, les emprunts toxiques empoisonnent toujours les collectivités territoriales et continuent d'alourdir la facture pour les contribuables.

Les tableaux de l'endettement toxique établis par Challenges (2012):

*la charte de Gissler classe les emprunts sur une échelle de risque et de complexité de 1A à 5E. Au-delà de 3E, on parle déjà d'emprunts toxiques.

 

Source(s) : Challenges.fr via Maître Confucius

Informations complémentaires :
 
 

Inscription à la Crashletter quotidienne

Inscrivez vous à la Crashletter pour recevoir à 17h00 tout les nouveaux articles du site.

Archives / Recherche

Sites ami(e)s