Jusqu’à présent, le gouvernement se foutait bien de l’opacité entourant le mandat de négociation des émissaires européens sur le traité transatlantique. Pis, il paraissait l'approuver. Mais Matthias Fekl, le remplaçant du phobique Thomas Thévenoud au secrétariat au Commerce extérieur, vient d’exiger que le secret soit levé. Ni plus ni moins que ce que réclament depuis des mois les opposants au traité…
Une petite bombe. C’est à l’occasion de son audition par la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale, hier, que Matthias Fekl, le tout nouveau secrétaire d’Etat au Commerce extérieur, a décidé de jouer les artificiers. Prenant la parole dès le début de la séance pour exposer « les quelques axes stratégiques d’action » qu’il entend mettre en œuvre dans ses nouveaux habits de secrétaire d’Etat, Matthias Fekl a annoncé, devant un parterre de députés, que « l’une de [ses] toutes premières décisions a été d’écrire à la Commission européenne, au nom de la France, de faire toute la transparence sur les mandats de négociations » devant conduire au fameux et controversé traité transatlantique. « Il ne peut plus y avoir de mandat secret de négociation », a-t-il même expliqué avant de s’engager à faire des points réguliers sur les avancées des discussions devant ladite commission. Ça n'a peut-être l'air de rien, mais voilà une annonce de taille. D'autant plus qu'elle émane paradoxalement d'un Matthias Fekl passé par le programme des « Young leaders » de la French-american foundation...
Marianne le réclame depuis des mois ainsi que de nombreux responsables politiques et associatifs. Surtout, cette déclaration vient contredire la ligne défendue depuis le début par l'exécutif sur cette question. Cette fameuse ligne que l'on pourrait résumer de la sorte : « Certes, le manque de transparence est gênant démocratiquement mais n’embêtons pas trop la Commission européenne quand même… » Le chef de l’Etat lui-même est renvoyé dans les roses, lui qui avait justifié une nécessaire opacité, lors d’une conférence de presse commune avec le président américain Barack Obama, en février 2014 : « Nous avons tout à gagner à aller vite. Sinon, nous savons bien qu'il y aura une accumulation de peurs, de menaces, de crispations » (sic).
Quoi qu'il en soit, avant même cette sortie (bien inspirée) de Matthias Fekl, il y a d'abord eu le travail du groupe Gauche démocrate et républicaine (GDR) à l’Assemblée nationale, qui avait tenté de faire voter une proposition de résolution européenne. Celle-ci réclamait justement cette transparence. Cette proposition de résolution européenne n°1876, débattue le 22 mai 2014, demandait que la représentation nationale s’accorde sur un texte pour exiger de la Commission que le Parlement français « soit dûment associé au suivi des négociations à travers une information régulière ». Et que les citoyens européens aient un accès direct aux « documents de travail et de négociations ». En clair, ce qu'aurait donc demandé notre secrétaire d’Etat au Commerce extérieur dans sa missive.
Au niveau du Parlement européen, c'est guère mieux. Selon une information de nos confrères d'Euractiv, celui-ci s’apprêtait début septembre à rejeter une motion réclamant la transparence sur le TAFTA. La raison ? La motion qui « exige un accès immédiat au dossier complet, pendant toute la durée des négociations » émanait... du Front national. Résultat : même si le contenu du texte ne comportait aucune position politique inspirée des « classiques » FN — sur l'immigration ou l'islam par exemple — nos confrères expliquaient que les « coordinateurs » allaient « s'opposer à la motion » car « aucun n'avait intérêt à donner une tribune » aux frontistes..
Les déclarations de Matthias Fekl seront-elles suivies d'effet ? A voir. Le tout nouveau secrétaire d’Etat vient en tout cas d’annoncer une véritable « inflexion » du gouvernement à l'égard de ces négociations commerciales avec les Etats-Unis. Changement de cap qui pourrait bien donner des idées aux députés qui réclament depuis des mois des « inflexions » eux aussi… sur la ligne économique cette fois.