Budget 2021 : pour retrouver la croissance, le gouvernement s’enlise dans ses certitudes néolibérales (Marianne.net)

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Toujours la même politique de l'offre (vouée à l'échec, enfin pas pour tout le monde....) en subventionnant les entreprises alors qu'il faudrait faire une politique de la demande, en soutenant les salaires pour que les gens consomment et que cela cré des emplois.

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Lemaire Covid

Par Mathias Thépot

Confronté à une explosion de la dette publique et à une récession historique, le gouvernement compte appliquer ses recettes classiques dans les mois à venir : politique de l’offre via des baisses d’impôts et poursuite des réformes. Une impasse.

L’économie française va connaître une récession historique de 10 % en 2020 à cause de la crise du coronavirus. Un net recul qui a aggravé la situation des finances publiques, déjà pleinement sollicitées par les dizaines de milliards d’euros débloqués au printemps pour soutenir la trésorerie des entreprises et le pouvoir d’achat des ménages via le chômage partiel. Le déficit public a ainsi bondi de 3% en 2019 à 10,2% du PIB en 2020, et devrait s’établir à 6,7% en 2021. La dette publique passe, quant à elle, de 98,1% à 117,5% en 2020 pour se stabiliser à 116,2% l’année prochaine, a annoncé lundi le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire, lors de la présentation du projet de loi de finances 2021.

Une situation effrayante – on l'imagine – pour les Hauts fonctionnaires du rigoriste ministère, toujours inquiets que l’État français ne perde toute crédibilité pour emprunter sur les marchés financiers s’il ne tient pas l’équilibre de ses comptes publics.  Mais qu'ils se rassurent : lors de la présentation de sa feuille de route budgétaire pour 2021, Bruno Le Maire a affiché sa volonté de réduire progressivement la dette. Pour ce faire, sa stratégie repose sur trois piliers : "la maîtrise des finances publiques", la poursuite des "réformes de structures", et – le plus important – "le retour de la croissance".

Le rebond de la croissance surestimé

Pas sûr, toutefois, que cette stratégie fonctionne. Sur le retour de la croissance d’abord, l’exécutif s’embourbe dans la méthode Coué. Il vise un retour à la normale du PIB en 2022, et dès 2021, table sur un net rebond de la croissance de 8%. Un chiffre très ambitieux, qui a été épinglé par le Haut conseil des finances publiques, chargé de juger du réalisme des prévisions macroéconomiques du gouvernement. Dans un avis publié le 28 septembre, il cite les enquêtes de conjoncture et les indicateurs du climat des affaires qui signalent "un redressement inachevé de l’activité". Mais aussi "les indices de production industrielle dans les principaux pays de l’OCDE" qui "restent nettement en deçà de leur niveau d’avant-crise et signalent en juillet un ralentissement du rattrapage économique".

D’après le Haut conseil, le gouvernement ne prend en fait pas suffisamment en compte dans ses prévisions de rebond l’impact négatif du choc économique du printemps dernier. "L’ampleur du choc subi par l’économie française devrait avoir un impact durable sur l’appareil productif. L’impact de la crise sur l’investissement, et donc le capital matériel et immatériel qui concourt aux capacités de production de l’économie, ainsi que sur le capital humain, devrait en effet diminuer le PIB potentiel par rapport à sa tendance d’avant-crise, et donc la capacité de rebond de l’économie française". On sait notamment que certains secteurs français très exportateurs qui dépendent de la mobilité à l’international, tels le tourisme et l’aéronautique, auront beaucoup de mal à se redresser dans les prochains mois. Or, "le projet de loi de finances pour 2021 suppose un rattrapage substantiel, quoique partiel, des exportations sur certains secteurs directement affectés par la crise sanitaire (matériel de transport et tourisme)", regrette le Haut conseil des finances publiques.

Ne pas miser sur la demande

Par ailleurs, les prévisions de croissance du gouvernement mésestimeraient l’évolution de la situation sanitaire qui pourrait replonger l’économie dans une récession profonde : "à moyen terme, toutes les incertitudes sur la possibilité de développement d’un vaccin sûr et efficace et la rapidité de son éventuelle dispensation aux populations, dont dépendent l’ampleur et la rapidité du retour à la normale de l’activité et de la demande des ménages, n’ont pas été levées", rappelle le Haut conseil.

Pour compenser l'atonie à prévoir de l'appareil productif, le gouvernement aurait pu soutenir davantage la demande, afin de stimuler l'économie par la consommation. Une stratégie souvent adoptée depuis l'après-guerre, à droite comme à gauche, lorsqu'il s'agissait de redynamiser une économie en crise. Hélas, dans le plan de relance du gouvernement de 100 milliards d'euros, dont environ 32 milliards sont inscrits au budget 2021, la politique de l’offre se taille la part du lion. Un biais totalement assumé. "Nous ne referons pas les erreurs de 1975 et de 1981", a justifié Bruno Le Maire. Deux plans de relance d'inspiration keynésienne en réponse aux deux chocs pétroliers des années 1970. S’il est peu surprenant qu’il s’en prenne à la relance Mauroy de 1981 (hausse du smic, des allocations familiales et du minimum vieillesse, 39 heures payées 40), historiquement honnie par la droite, Bruno Le Maire tourne aussi le dos à feu son mentor Jacques Chirac qui, en 1975, lançait une série de mesures faisant la part belle aux investissements publics, à la baisse de la TVA, et aux soutiens à la demande (familles nombreuses et aux personnes âgées). Ce plan avait permis un rebond de la croissance à 4,4 % du PIB en 1976.

Maîtriser les finances publiques tout en baissant les impôts...

Mais l'adaptation du pouvoir politique à la crise de 1975 a laissé place à une inflexibilité idéologique en 2020. Désormais, à peine a-t-on tenté de relancer l'économie que l'on affiche déjà dans le discours la nécessité de maîtriser les finances publiques. En réalité, à lire entre les lignes, il y a surtout à prévoir un coup de rabot pour 2022 dans les dépenses publiques. Car en parallèle, les recettes fiscales se réduisent comme peau de chagrin. Pour preuve la baisse de 20 milliards d’euros d’impôts de production sur les deux prochaines années, la poursuite de la baisse du taux d’impôt sur les sociétés à 25 %, ou la suppression de la taxe d’habitation. "Nous faisons le choix de poursuivre la baisse des impôts car nous voulons mettre de la cohérence dans notre politique. Depuis le début du quinquennat, nous avons baissé les impôts d'environ 45 milliards d'euros. Une première en France depuis 20 ans ! Et nous continuerons à le faire !", clame haut et fort Bruno Le Maire.

Du point de vue de l’efficacité économique, cette stratégie fait grincer des dents. "Baisser les impôts de production au moment où le chômage va culminer à 12 %, ce n'est pas faire le choix de l'efficacité d'une relance conjoncturelle. C'est avoir une confiance aveugle dans les politiques structurelles et de l'offre", déplore dans Les Echos l’économiste de l’OFCE Xavier Timbeau. Il fustige d'ailleurs la fébrilité dépensière de l’État dans son plan de relance, dont les montants tarderont à être injectés dans l’économie. "On ne sait même pas si nous allons pouvoir dépenser 30 milliards d'euros du plan de relance l'an prochain. Alors que nous aurions besoin d'au moins 70 milliards de relance dès 2021. Ce plan, c'est une sorte de suicide".

Poursuivre les réformes

Enfin, Bruno Le Maire aimerait que les efforts de la population se poursuivent. Et si cela ne tenait qu’à lui, les réformes reprendraient leur cours fissa. "Les réformes de structures, c’est pour moi l’ADN de ce quinquennat", se réjouit-il. Il précise : "nous allons poursuivre la réforme d'Action logement", la vache à lait d'économies budgétaires de Bercy, qui lui a ponctionné 1,3 milliard d’euros pour 2021. En outre, "à titre personnel, je pense que la réforme des retraites est nécessaire pour la prospérité du pays, l’équilibre de ses comptes sociaux et réduire le poids de la dette dans notre pays", estime Bruno Le Maire. Pas de quoi susciter un regain de confiance des ménages dans l'économie qui craindront de perdre à nouveau leurs acquis sociaux. Regain de confiance pourtant primordial pour que l'économie reparte.

Bruno Le Maire ne s'est toutefois pas prononcé sur la réforme de l’assurance chômage – autre patate chaude – reportée au 1er janvier, et sur laquelle le gouvernement et les partenaires sociaux doivent se retrouver le 30 septembre pour une nouvelle session de discussions. Du reste, le ministre des Finances a le mérite de l’honnêteté dans son discours. Réformes structurelles, baisses d’impôts, maîtrise des finances publiques : nulle tentative de s’en sortir par une pirouette, la politique économique du gouvernement est résolument néolibérale.

Source : Marianne.net

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