L'initiative de Berlin sur les ventes à découvert divise l'UE

Angela Merkel prend des mesures protectionistes qui ne sont valables que sur le sol allemand, et qui ont le mérite de semer la cacophonie en Europe... Chacun pour soi !

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Image credit : Reuters

par Luke Baker

BRUXELLES (Reuters) - Au moment même où les Européens commençaient à montrer des signes d'unité, l'Allemagne a jeté un pavé dans la mare en annonçant de manière unilatérale un durcissement de sa réglementation financière.

L'interdiction des ventes à découvert à nu sur certains titres annoncée mardi soir par Berlin a non seulement surpris les marchés mais également la plupart des partenaires européens de Berlin.

Censée endiguer la volatilité sur les marchés, elle a contribué à accroître les incertitudes et l'euro est tombé à un nouveau plus bas de quatre ans face au dollar.

Le cavalier seul de l'Allemagne pourrait avoir d'importantes conséquences pour la zone euro et la monnaie européenne, en remettant en question les efforts entrepris pour améliorer la coordination et la cohésion des politiques des Vingt-Sept.

"Cela montre une fois de plus que les Allemands n'ont toujours pas compris que les marchés n'étaient pas le problème. Les marchés ont raison de s'interroger sur la viabilité de la zone euro dans sa forme actuelle", commente Simon Tilford, économiste en chef au Centre for European Reform, un groupe de réflexion situé à Londres.

La décision allemande est d'autant plus surprenante qu'elle n'a pas été évoquée lors de la réunion des ministres des Finances de l'Union européenne qui se tenait mardi.

Les ministres ont pourtant évoqué les moyens de mieux réguler les fonds spéculatifs ainsi que la coordination des politiques pour enrayer la crise de la dette souveraine: une discussion sur l'interdiction des ventes à découvert n'aurait donc pas été hors de propos.

L'AMF DÉPLORE LE MANQUE DE COORDINATION

Au lieu de cela, la Commission européenne et les différents responsables européens ont dû se livrer à un numéro d'équilibriste en soutenant la décision allemande tout en expliquant qu'il aurait été préférable d'établir une coordination avec les autres Etats membres.

"La Commission comprend pourquoi, dans certains cas, quand il y a une spirale baissière, il peut être sensé, effectivement, de suspendre temporairement les ventes à découvert à nu", a déclaré la porte-parole de la Commission Chantal Hughes.

"Nous pensons que l'initiative aurait été d'autant plus efficace si elle avait été coordonnée à l'échelle européenne", a-t-elle ajouté.

La France, qui plaide pour une meilleure gouvernance économique au sein de la zone euro, n'a pas caché sa surprise.

"Il me semble qu'il faudrait quand même solliciter l'avis des Etats considérés et concernés par la mesure", a déclaré la ministre de l'Economie Christine Lagarde, sans utiliser les précautions de langage habituelles.

"Donc on n'a pas envisagé de le faire (...) On n'envisage pas de prendre de mesures", a-t-elle ajouté.

L'Autorité des marchés financiers, le gendarme français de la Bourse, a de son côté regretté le manque de coordination européenne.

"L'euro est une devise incontournable, elle n'est pas en danger. Elle n'est en danger qu'à partir du moment où il n'y a pas de gouvernance ordonnée", a déclaré dans une interview à Reuters Jean-Pierre Jouyet, le président de l'AMF.

"Donc tout ce qui est désordre contribue plus à affaiblir qu'à renforcer l'euro", a-t-il ajouté.

INTERDICTION FACILE À CONTOURNER

L'Allemagne a motivé sa décision par la nécessité de réduire la volatilité sur les marchés de la dette européens et de faire cesser ce qu'elle considère comme des attaques spéculatives contre l'euro.

 "Je réduirai la chose à l'essentiel : l'euro est le fondement de la croissance et de la prospérité, en même temps que le marché commun, également pour l'Allemagne. L'euro est en danger", a déclaré la chancelière Angela Merkel devant le Bundestag.

L'interdiction décidée par Berlin a cependant contribué à faire tomber l'euro sous le seuil de 1,23 dollar. La devise européenne est toutefois remontée dans l'après-midi.

Des professionnels du secteur financier estiment par ailleurs que la mesure sera relativement facile à contourner. Aux yeux des experts, une telle interdiction ne pourrait être réellement efficace que si elle était appliquée en même temps par tous les pays de l'UE, ce qui paraît aujourd'hui peu probable.

La décision de Berlin semble au contraire avoir amplifié les incertitudes et les problèmes de communication qui avaient été à l'origine même de l'aggravation de la crise de la dette grecque.

"Ce qui est particulier à l'Allemagne, c'est cette propension à faire des annonces unilatérales sur des mesures qui seraient applicables seulement si elles étaient mises en œuvre collectivement", estime Simon Tilford.

"C'est plutôt populiste", ajoute-t-il.

Gwénaelle Barzic pour le service français, édité par Marc Angrand


Source :
Reuters

Informations complémentaires :

Le Figaro : Comment Berlin relance la panique sur les marchés
Reuters :
ENCADRE L'Allemagne durcit les règles des ventes à découvert
Boursier.com :
Angela réveille les démons

 

 

 


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