Politique Friction : Pour une France de production Par Bruno Bertez

Etat Urgence 11 02 2016

Je vous invite à lire attentivement l’interview de Jean Michel Quatrepoint.

 Jean Michel est l’un des rares grands journalistes à savoir de quoi il parle lorsqu’il parle d’industrie. C’est une mémoire vivante de l’industrie. C’est un journaliste d’excellence qui a ses conceptions, sa culture et son expérience.

J’en partage l’essentiel et, en particulier, la priorité donnée à la production de richesses, la nécessité de raisonner en termes de filières souveraines et, bien entendu, cela, c’est moi qui le caricature, la volonté de remettre la finance à sa place : une place serve.

La finance est un moyen, un reflet, ce n’est pas à elle d’imposer l’ordre du monde. Le fait que la finance se soit autonomisée, qu’elle ait réussi à s’établir en un fétiche pour lequel on sacrifie tout est un produit de l’époque ; c’est un produit d’une époque où les signes ont supplanté le réel, où la glose a remplacé le savoir, où l’intelligence a cessé d’être un outil pour transformer le monde, mais est devenue une arme au service de la reproduction d’élites qui ont failli à leur mission. Failli à leur mission et à leur dette vis à vis de la société. Car ils doivent tout à cette France qu’ils détruisent.

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L’époque est perverse; elle mystifie. Elle fait passer la valeur monétaire ou financière des choses pour des richesses. Elle fait passer les ombres du cours de Bourse pour de l’enrichissement. Avant, on créait un produit, on l’élaborait, on le produisait efficacement et on en tirait un profit, profit qui, capitalisé, permettait la formation d’un capital. Comme nous le disait Marcel Dassault un jour, « avec un bon produit, on fait de l’argent, avec de l’argent, on ne fait jamais un bon produit ». Notre époque valorise la finance et le renversement qu’elle opère. Les patrons et dirigeants sont rémunérés en fonction de ce que l’on appelle « la création de valeur », qui n’est rien d’autre que l’inflation des prix boursiers. Elle fait passer la recherche effrénée des optimums de court terme pour des stratégies de gestion, alors que dans la plupart des cas, elle n’est que désengagement et retraite médiocres.

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Avant, quand on arrivait devant un « mur », on étudiait les moyens de le franchir ; maintenant, quand on arrive devant un « mur », on étudie les moyens de le vendre au mieux. Et dieu sait s’il y a vendre en France, alors que tous les pouvoirs qui se sont succédés ont découragé la véritable accumulation du capital productif. Ils ont fait en sorte que les successions ne soient plus assurées, que les banques aient intérêt à la casse ou à la braderie

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On préfère, dans ce pays, que ce soient les étrangers qui accumulent plutôt que les Français. On préfère que ce soient eux qui commandent et qui imposent plutôt que des compatriotes. Le joug du capital étranger, tout en étant plus dur, est jugé préférable. La question du déclin de l’industrie française a à voir avec l’ordre social, avec la naissance d’une société de bourgeoisie comprador qui s’enrichit de brader et de servir l’étranger, d’une bourgeoisie qui n’est grande que parce qu’elle licencie et délocalise sa fortune ; elle a à voir avec les inégalités et la destruction du tissu social.

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Cette question du déclin de l’industrie française est centrale dans les problématiques suivantes :

  • - souveraineté nationale
  • - emplois productifs
  • - ordre social, importance des classes moyennes, ascenseur social, dignité
  • - solde des échanges extérieurs
  • - consensus sur un modèle et des valeurs communes
  • - recettes budgétaires, dépenses de répartition
  • - avenir des retraites
  • - les mentalités.

Les services ne remplacent pas les emplois productifs de biens échangeables sur un marché international, ils ne remplacent pas les emplois de qualité, bien payés et d’avenir.

Les parkings à chômeurs sont indignes, coûteux et dégradants. L’institutionnalisation de la redistribution est institutionnalisation de la dépendance.

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Une société fondée sur la production est une autre société que la société fondée sur les services, la répartition de la misère, la solidarité. Elle est porteuse d’un autre consensus. Les valeurs productivistes sont des valeurs nobles, elles élèvent ceux qui les pratiquent. Elles créent de vraies solidarités, fondées sur la coopération, pas des solidarités bidon socialistes. Une société fondée sur la production reste proche du réel, elle a les pieds sur terre. Il suffit, pour mesurer la différence, de faire la comparaison avec la société allemande. D’une certaine façon, la production structure une société, là où sa disparition la détruit, la massifie.

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Je voudrais également lancer une autre piste de réflexion sur la finance, sur l’ENA, etc. ; je mets le tout dans le même sac car je m’attache non aux contenus des savoirs, mais à leur forme. Celui qui vient de l’industrie repose sur des connaissances, des expériences, des confrontations qui viennent du bas, de la matière. L’intelligence au sens premier, l’industrie au sens ancien, sont vivifiés par la transformation du réel. Ces savoirs sont produits par le domaine où ils ont été acquis. Ce sont des savoirs authentiques, concrets. On remonte de l’expérience à la mise en forme abstraite. S’agissant de la finance ou de l’ENA, ce sont des projections venues du haut, projections plus ou moins adéquates, plus ou moins opportunes, toujours approximatives, car issues de modèles théoriques. Ceux qui viennent de la finance projettent des schémas qu’on leur transmet et qui se transmettent plus par le prestige que par l’efficacité. Ce sont des formules magiques qui donnent des résultats, soit parce que l’autorité qui y est attachée les impose, soit parce que ce sont des « self-fulfilling prophecies ». Mais les erreurs sont considérables, coûteuses, le gaspillage règne en maître. C’est un aspect que je ne développe pas ici, mais ces grands prêtres, le financier, l’ENANISTE, ne peuvent vivre que dans des systèmes de tiers payants : c’est parce que ce sont d’autres qui paient leur casse. C’est un système qui marche sur la tête, dans lequel « qui casse est payé » !

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Je vous invite également à réfléchir sur la justesse de mon dérivé d’ENA, l’ENANISTE, que je reprends en hommage à mon ami défunt Georges Elgozy. Georges était ravi de l’association avec onaniste, elle lui semblait très profonde dans la mesure où celui qui vit dans le péché d’Onan perd le contact avec la réalité, vit dans un monde de fantasmes et de manipulation (!) de signes qui assurent sa triste jouissance stérile.

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Le financier, l’ENANISTE, vivent dans les mondes qui sont des reflets, des modèles, des formes, des patterns, des gestalt. Ils ont en possession de sacs vides, qu’ils remplissent de contenus réels qui leur échappent, et cela, c’est radical. C’est une critique radicale, irrémédiable. Ils réussissent, non parce qu’ils y ont « droit », mais parce qu’ils y ont « titres ». Le titre, le parchemin, font fonction magiques. Ce sont les nouveaux nobles, touchés par la grâce d’on ne sait pas trop quoi, ils savent tout sur tout puisqu’ils jonglent avec les formes, les structures du savoir, du langage, de la belle parole, de la rhétorique, de la Com. En fait, ils forment une classe. De ceci témoigne leur conscience de classe, d’une part, et leur solidarité (de copinage, de caste), d’autre part. J’aurais tendance, au vu des derniers développements, à faire glisser le vocabulaire et à appeler tout cela de son vrai nom : une clique.

Bien entendu, ce que je dis n’est pas un plaidoyer pour l’obscurantisme, c’est un plaidoyer contre le nouvel obscurantisme, celui qui est réel, celui qui sévit, celui qui nous conduit à l’abaissement, mais qui se pare des formes et de la musique du savoir sans en connaître les paroles.

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Source : Leblogalupus.com

Informations complémentaires :

 
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