Comment le coronavirus chamboule le trafic de drogue (Le Parisien.fr)

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Bonjour à toutes et à tous, je vous passe le billet parce que c’est exactement ce que je vous disais en filigrane dans cet article, quand les stocks seront vides, quid des dealers qui font vivre leur famille, comment va réagir cette économie souterraine, comment vont réagir les consommateurs ? On sait à quel point les cités sont sensibles. Si leur modèle économique s’écroule, ça risque d’être préoccupant, et il n’y pas que le cannabis, pensez à tout ces gens qui sont accroc à l’héroïne ou au crack, voire à la cocaïne. Je vous rassure, l’alcool et le tabac sont toujours en vente libre… Donc pas de révolution pour tout de suite...

Traffic 16 04 2020
Même si le marché de la drogue tourne au ralenti, la police multiplie les contrôles et les verbalisations dans certains
quartiers. (Illustration) PHOTOPQR/LA PROVENCE/Gilles Bader

Alors que la pénurie fait monter les prix, le marché parallèle se reconfigure en raison du confinement. Avec, en toile de fond, un risque non négligeable de tensions au regard du poids économique de ces trafics.

Si les entrepreneurs de l'économie réelle appellent de leurs vœux un déconfinement rapide, leurs homologues de l'économie parallèle sont tout aussi pressés d'en terminer avec une situation qui impacte de plein fouet leur business. Fermeture des frontières et déplacements réduits génèrent pour les trafiquants un énorme manque à gagner auquel ils doivent s'adapter. Du grossiste international au petit revendeur, c'est ainsi toute la chaîne du trafic de drogue qui est touchée durant l'épidémie de coronavirus.

Dès le 27 mars, une note de l'OFAST, l'Office anti-stupéfiants, pointait ainsi « un durcissement généralisé des conditions qui affecte la quasi-totalité des trafics sur le territoire national». Au niveau local, le travail des revendeurs, les charbonneurs, dans le jargon, est devenu plus risqué, constatent les policiers. Alors que les prix sont allés jusqu'à tripler pour le cannabis, les vendeurs changent de mode opératoire. Le volume des transactions par WhatsApp ou Snapchat s'est accru, « les plateformes téléphoniques fonctionnant en mode dégradé. » Quand ils le peuvent, les livreurs optent pour un rendez-vous dans un lieu public, « sur des parkings de supermarché ou à l'intérieur des magasins ». C'est que, quand les rues sont désertées, le deal n'est jamais aussi visible.

Ainsi, ce lundi de Pâques, dans le quartier de Planoise, à Besançon (Doubs), la très grande majorité des habitants de cette cité de 18.000 habitants respectaient le confinement. En plein après-midi, on n'en croise qu'une poignée cheminant à pied. Et cet unique « charbonneur » juché sur un vélo, qui vient s'enquérir d'une éventuelle commande lorsque l'on stationne un peu trop longuement. Mais « ils sont méfiants comme jamais, constate un riverain. On les voit même parfois faire leurs affaires en roulant à côté des voitures ».

« Même nos tontons sont off ! »

Pour l'heure, la majorité des points de deal ayant pignon sur rue avant le confinement sont, au moins en apparence, en sommeil. Sur le parking qui fait face à l'un des plus courus, ce sont les CRS qui ont pris leurs quartiers cet après-midi-là. « C'est calme, très calme ces derniers jours, résume l'un d'eux. Le stup, on en fait très peu. Voyez avec nos collègues locaux. » Ici comme ailleurs, en vertu des directives nationales, la plupart des investigations ont justement été mises au point mort. Les équipes de police judiciaire sont réduites à leur plus simple expression, et leur activité avec.

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Les forces de l'ordre ont pour ordre d’éviter de mener des perquisitions pour les saisies de moindre
importance (Illustration). /LP/Matthieu de Martignac 

« On n'a pas monté un seul dispositif depuis un mois », reconnaît ce policier spécialisé de la région centre. « On fait zéro initiative, admet l'un de ses collègues en poste dans un commissariat de Seine-Saint-Denis. Les consignes sont d'éviter les perquisitions pour les saisies de moindre importance. » En conséquence : « Tout est à l'arrêt, poursuit le même policier. Même nos tontons ( NDLR : indics ) sont off ! »

A Lyon, les dealers sont de retour

Les consommateurs habitués des « grandes surfaces » de cité le sont aussi, en attendant des jours meilleurs. Si les « produits » sont rares et chers, ceux qui en possédaient en stock suffisant sont en position de force. Ainsi, dans le quartier de la Guillotière, à Lyon (Rhône), où le marché « sauvage » de la place Gabriel Péri avait disparu au début du confinement, les dealers sont de retour. Plus téméraires que jamais. « Ils sont installés le long du tramway ou adossés aux boutiques qui ont fermé », décrit Cécile, une habitante membre de l'association de riverains « La Guillotière en colère. »

« Ils sont même de plus en plus entreprenants, constate-t-elle, et n'hésitent pas à aborder les passants pour leur proposer du shit en pleine rue et aux yeux de tous. » Une situation qui n'a pas échappé aux autorités. La police multiplie contrôles et verbalisations, entraînant « un jeu du chat et de la souris », comme l'observe de sa fenêtre Jean-Marc, un autre habitant du quartier. « Ça les amuse. Ils crient même : A tout à l'heure à la police ! »

« A tout à l'heure », c'est aussi ce que pourraient lancer les grossistes à leurs clients si la discrétion n'était pas leur meilleur allié. Eux s'emploient à lutter contre « une pénurie » dont l'OFAST considère qu'« elle s'est étendue quasiment à l'ensemble des régions » […] « même dans certaines cités très actives. » Plusieurs observateurs jugent que le trafic international se trouve à une période charnière. Les dernières saisies concernent des livraisons envoyées avant le confinement, et de nouvelles routes sont désormais à exploiter.

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Des tensions entre trafiquants ont été notées depuis le début du confinement. (Illustration)./LP/ A. Journois 

En temps normal, selon l'OFAST, la consommation mensuelle moyenne en France est de 35 tonnes de cannabis, et deux tonnes de cocaïne. En majorité importés. Or, avec l'arrêt du transport aérien, par exemple, les « mules » en provenance de Guyane sont elles aussi au chômage technique. Les go-fasts, système habituellement utilisé par les trafiquants locaux, marquent également le pas. Demeurent le transport par conteneurs et le fret routier. Ce dernier « pourrait devenir un vecteur privilégié pour les trafics de stupéfiants, anticipe l'OFAST. En particulier si les services allègent les contrôles sur les marchandises au profit d'autres missions prioritaires dans le contexte du Covid-19. »

Pour l'OFAST, ce sont « les acteurs dominants du secteur » qui vont en profiter. « Disposant à la fois d'un contact direct avec les fournisseurs étrangers et d'une capacité de stockage, ils sont aujourd'hui en position de force pour asseoir leur emprise vis-à-vis des autres acteurs. » Ce sont eux qui privilégiaient déjà le fret routier, et utiliseront à plein ce moyen de transport, lequel leur permet de « prendre l'ascendant sur les équipes qui fonctionnent par rotation de transporteurs individuels depuis Barcelone. »

« Ça pourrait devenir chaud dans certaines cités »

En parallèle, une hausse des importations directes pourrait également être enregistrée. « On surveille notamment le recours à des bateaux de pêche entre l'Espagne et la côte Atlantique », décrit un enquêteur en poste en Nouvelle-Aquitaine. Avec la conviction que « si quelques livraisons ont été réalisées par ce biais, cela reste à la marge car la mer est aussi très surveillée et il y a moins de bateaux en ce moment. »

En toile de fond se pose une unique question : « Une fois les stocks écoulés, combien de temps les trafiquants pourront-ils tenir ? », interroge cet enquêteur spécialisé, qui estime pour l'instant « le risque d'explosion sociale contenu. » La situation reste toutefois tendue, surtout pour les « petits. » « Il n'y a pas un soir où un contrôle ne dégénère pas, assure ce policier en poste à Perpignan. Il y a dix jours encore, le véhicule de nos collègues de la brigade canine a été percuté. C'est une évidence que ces refus d'obtempérer sont liés aux stupéfiants. »

Ailleurs, des tensions entre trafiquants ont été notées, y compris dans des secteurs plutôt calmes traditionnellement. À Montargis (Loiret), par exemple, deux groupes se sont affrontés récemment avec des armes de poing. « Si l'approvisionnement ne repartait pas, et que le confinement dure plus longtemps, ça pourrait devenir chaud dans certaines cités », reconnaît cet enquêteur francilien. « Un mois, ce sera encore long… », comptabilise l'un de ses collègues.

Source : Le Parisien.fr via Contributeur anonyme

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