« Angles morts inacceptables », « cacophonie » et « manquements » : le rapport au vitriol de la commission d’enquête sur l’incendie de Lubrizol (Marianne.net)

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Que s'est-il passé à Rouen lors de l'incendie de l'usine Lubrizol, qui va payer ? Qu'en est-il de la santé des riverains ? L'État a-t- il été à la hauteur ? Eh bien, je pense que vous avez les réponses. Mais voici un nouveau rapport du Sénat sur la catastrophe de Lubrizol, et le moins que l'on puisse dire c'est que le gouvernement en prend là aussi pour son grade.

Que Cest Il Passe A Lubrizol
© PHILIPPE LOPEZ

Par Samuel Vivant

Huit mois après l'incendie de l'usine Lubrizol dans la nuit du 25 au 26 septembre 2019, un rapport de la commission d'enquête du Sénat publié ce jeudi 4 juin dénonce "des angles morts inacceptables" dans la prévention des risques industriels en France.

« Risques industriels : prévenir et prévoir pour ne plus subir », voilà le titre évocateur du rapport publié ce jeudi 4 juin par la commission d’enquête du Sénat. Dans un document cinglant, les sénateurs épinglent l’État et sa gestion de la catastrophe de l’usine Lubrizol à Rouen. Dénonçant notamment une « cacophonie de la parole publique » et « des manquements dans la gestion des conséquences sanitaires de l’accident », le rapport, long de 286 pages, en partie dévoilé par Le Monde et l'AFP, confirme le sentiment d’abandon et de confusion des Rouennais après l’incendie survenu dans la nuit du 25 au 26 septembre 2019.

Une communication hasardeuse

La commission, présidée par Hervé Maurey (Eure, Union centriste) et encadrée par deux rapporteurs, Christine Bonfanti-Dossat (Les Républicains, LR, Lot-et-Garonne) et Nicole Bonnefoy (Parti socialiste, PS, Charente), pointe du doigt une communication de crise aux allures de « cacophonie » de la part des ministres, auxquelles le rapport reproche à chacun d’avoir « joué sa partition » jusqu’à « accroître l’incompréhension ». Une critique qui épingle notamment Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, et la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, tous deux auditionnés, autour de prises de paroles « contradictoires » concernant « l’absence de toxicité aiguë ». « À trop vouloir rassurer à tout prix », la communication du gouvernement « a montré ses limites », résume la commission.

Mais si le gouvernement n’a pas su communiquer des informations claires, c’est aussi parce qu’il a pêché à les obtenir. La commission d’enquête du Sénat s’étonne que l’incendie d’un site classé Seveso, et donc à haut risque, n’ait pas donné lieu à l’accès à des informations essentielles. « Il est invraisemblable que les industriels eux-mêmes et les services de l’État chargés de contrôler les installations potentiellement dangereuses n’aient pas une connaissance précise, en temps réel, des produits qu’ils utilisent et entreposent », relève le rapport. Ce n’est en effet qu’après plusieurs jours que le gouvernement apprenait que l’incendie emportait avec lui 9500 tonnes de produits potentiellement dangereux et non pas 5000, comme annoncé précédemment.

Pas de fumée sans feu

Pour la commission d’enquête, la gestion calamiteuse de la crise souligne en amont un « manque criant de la culture de la sécurité et du risque industriel ». En cause, la politique de prévention des risques industriels, qui selon le rapport, met en lumière « des angles morts importants et inacceptables ». Toujours selon le document, Lubrizol aurait fait l’objet de contrôles et de mises en demeure de la part des services de l’État. Des recommandations et des prescriptions « pas suivies d’effet » et ce, « sans que personne ne semble s’en inquiéter ». La faute à un faible nombre de sanctions et analysé par la commission comme « une forme d’indulgence des pouvoirs publics vis-à-vis des industries ». Une indulgence qui prend aussi la forme d’un manque de moyen pour les sénateurs, qui regrettent que « les crédits budgétaires alloués par l'État à la prévention des risques technologiques diminuent tendanciellement depuis plusieurs années ». Une critique écorchant au passage Elizabeth Borne, la ministre de la Transition écologique et solidaire, et son ambition d’augmenter de 50% les contrôles d’ici 2022, jugé « peu réaliste » selon le rapport.

Si aucun mort n'est à déplorer, le suivi sanitaire de l’accident demeure, aux yeux des sénateurs, « tardif et incomplet » et inquiète sur les conséquences insidieuses de l’incident. « Il est impossible de se prononcer de manière définitive sur l'impact sanitaire de l'incendie Lubrizol, au vu des seules données récoltées dans le cadre de la surveillance environnementale, ces dernières étant totalement ou partiellement inexploitables, diagnostique la commission avant de poursuivre, à court terme, malgré un bilan globalement rassurant, demeurent un risque d'exposition au benzène pour les populations situées sur le site de l'usine Lubrizol le jour et le lendemain de l'incendie ainsi qu'une incertitude importante concernant les dioxines et furanes ».

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Source : Marianne.net

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