La guerre d’Irak de 2003 et la guerre de Syrie actuelle ont radicalisé les frères Kouachi, soupçonnés d’avoir attaqué la rédaction de Charlie Hebdo la semaine passée.
L’information vient du Monde (1) : « Si, entre 2003 et 2005, les départs en Irak s’échelonnent, [Chérif Kouachi et ses camarades s’organisent comme ils peuvent] pour ne pas éveiller les soupçons. Pour justifier leur départ, ils affirment souvent vouloir « perfectionner leur arabe ». Certaines familles s’inquiètent de leur absence. Mais, preuve que la menace qu’ils représentent pour la France n’est pas encore considérée comme très importante, les signalements émanant des familles ne suscitent pas le même empressement que celui qu’ils causeraient aujourd’hui. Une fois parvenus à Damas, en Syrie, ils sont accueillis dans des écoles coraniques salafistes où certains diront plus tard qu’on leur a « bourré la tête ». Très vite, ils passent la frontière syro-irakienne. Chérif Kouachi n’a jamais quitté le sol français : il est interpellé, à Paris, en janvier 2005. »
Chérif ne part pas parce qu’il est mis en prison.
… Où il se radicalise : « Lors de l’année et demie qu’il passe en prison, de janvier 2005 à octobre 2006, à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis (Essonne), Chérif Kouachi fait la connaissance de celui qui deviendra son nouveau mentor : Djamel Beghal. »
En 2011, le frère de Chérif, Saïd, se rend au Yémen pour y pratiquer un Islam fondamentaliste. Le Monde (2) précise : « Selon les éléments donnés par les Yéménites aux Américains, [Saïd Kouachi] serait, notamment, passé par la petite ville de Shihr, port de pêche ouvert sur la mer d’Arabie et réputé pour ses centres d’enseignement du salafisme, un courant sunnite qui prône un retour à l’islam des origines. »
Par la suite, des proches de Chérif rejoignent la Syrie, rapporte l’AFP (3) : « Des proches de Chérif Kouachi, l’un des tueurs de Charlie Hebdo, sont des "terroristes jihadistes" qui sont "actuellement au Yémen et en Syrie", places fortes du jihadisme, a annoncé le parquet. »
L’impressionnante maîtrise des tueurs, leur précision de tir et leur sang froid témoignent en outre d’une réelle expérience du combat, comme le souligne le journaliste Jean-Michel Vernochet. (4) La formation n’est pas uniquement théorique.
C’est donc bien l’appel d’air créé par la guerre en Irak de 2003 et en Syrie actuellement, qui participe à créer un climat de violence amenant ces jeunes issus de l’immigration à se radicaliser. Or, les spécialistes savent que la rébellion en Syrie est financée notamment par le Qatar (5), allié de l’OTAN, par les États-Unis (6) et par… la France, de l’aveu même de François Hollande lors d’un entretien accordé au Monde (7).
Nous ne savons pas si la France a armé directement le groupe que les proches de Shérif ont rejoint. Cependant, de même qu’un citoyen lambda ne sait pas si ses impôts ont financé cette route, il sait que nos impôts financent les routes. La France a donc bien armé un mouvement radical, violent et fanatique qui constitue l’environnement proche des frères Kouachi.
Fallait-il défiler aux côtés de François “je-soutiens-les-rebelles-en-Syrie” Hollande, dimanche ?
Yves Ducourneau, le 13 janvier 2015
PS : Hollande revendique avoir livré des armes à la « rébellion syrienne démocratique » (6). Or, cette rébellion n’existe pas, ou plus exactement se terre aujourd’hui dans ses appartements. Le terrain est aux mains des djihadistes, et uniquement, quand il n’est pas contrôlé par l’armée régulière syrienne, naturellement. Le témoignage (9) de l’historien Pierre Piccinin, qui s’est rendu plusieurs fois en Syrie, est sans équivoque sur ce point : « La révolution syrienne a connu une évolution très importante depuis 7-8 mois. L’Armée syrienne libre s’est quasiment évaporée. On est actuellement face à des vagues islamistes, du brigandage de certains groupes qui rançonnent les territoires qu’ils contrôlent. Je pense qu’il est devenu très dangereux pour des Occidentaux d’encore se rendre en Syrie. La révolution est en pleine déliquescence et tourne à autre chose. » C’est bien l’opposition radicale que la France arme.
(1) “La fratrie Kouachi, de la petite délinquance au djihad”, par Emeline Cazi, Jacques Follorou, Matthieu Suc et Elise Vincent, Le Monde, le 08/01/2015
(2) “Les séjours de Saïd Kouachi au Yémen”, par Jacques Follorou, le 09/01/2015
(3) “Des proches de Chérif Kouachi sont des jihadistes partis en Syrie et au Yémen”, par AFP, Nouvel Obs, le 10/01/2015
(4) “Interview de Peter Dale Scott”, Thinkerview, 23/06/2013, à 44’
(5) “L’opposition syrienne a reçu 82 millions de dollars des États-Unis”, par IRIB, le 12/08/2012
(6) “François Hollande confirme avoir livré des armes aux rebelles en Syrie”, par lemonde.fr, le 20/08/2014
(7) “Désintox – Emission spéciale Charlie Hebdo”, par Jean-Michel Vernochet, le 08/01/2015
(8) “Chaine allemande DW : l’Etat islamique est approvisionné depuis la Turquie, membre de l’OTAN”, par Tony Cartalucci, IlfattoQuotidiano.fr, le 28/11/2014
(9) “Pierre Piccinin : "on a subi de fausses exécutions"”, Belga et Le Vif, le 09/09/2013
Source : Agoravox.fr
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