Beaucoup chercheront sans doute à minimiser le phénomène, préférant parler d’«inflation négative» plutôt que de «déflation». Mais la baisse du niveau général des prix, cette phobie des économistes, est bel et bien là. Selon l’Insee, les prix à la consommation sont en recul de 0,4% sur un an. Explications.

La France est-elle tombée en déflation ?

Pour les économistes, le sujet est sans doute l’un des plus anxiogènes qui soit. Les circonvolutions sémantiques précèdent toujours l’utilisation du mot «déflation». Et pour cause : la déflation est une «maladie» économique orpheline. Difficile de stopper ce cercle vicieux dans lequel les ménages et les entreprises repoussent à demain l’achat du bien, dont le prix baisse mécaniquement dans la foulée. Au risque de souffler sur les braises de la crise, et donc d’accélérer le rythme déflationniste. Aujourd’hui, la France rejoint donc l’Espagne, la Grèce ou encore le Portugal dans le cercle des pays de la zone euro tombés en déflation. Certes, beaucoup objecteront qu’il est encore prématuré pour parler de déflation. Mais qu’ils soient keynésiens ou libéraux, les économistes se rejoignent sur un point : un prix porte en lui une information, celle du rapport entre son offre et sa demande. Et si les prix baissent, ce n’est pas tant grâce au progrès technique que du fait d’un excès d’offre par rapport à une demande chétive. Pour écouler les productions, il faut donc baisser les prix.

 
 

Comment en est-on arrivé là ?

Pour nombre d’économistes, la responsabilité est à chercher du côté des politiques budgétaires. Sans vraiment tenir compte des disparités entre pays, la zone euro s’est infligé une cure d’austérité sans précédent, espérant ainsi enrayer la spirale de la crise économique. Mais cette synchronisation des disettes se révèle sans effet.

Sans la moindre perspective de croissance interne, la plupart des pays de la zone euro ont donc joué la carte de la déflation salariale, espérant ainsi piquer des parts de marché aux pays voisins. Mais quand tout le monde joue cette unique carte simultanément, les résultats sont quasi nuls. A moins de faire de la surenchère. Et c’est précisément cette logique qui a prédominé.

Comment en sortir ?

En mettant un terme à cette logique de mise en compétition des pays de la zone euro. Et c’est justement ce que cherche à faire la BCE : baisser la valeur de l’euro vis-à-vis du dollar et rendre ainsi globalement plus compétitifs les produits made in Europe. Ce qui suppose une chose : que les Etats-Unis acceptent une telle thérapie. Mais ce n’est pas gagné.

Par Vittorio De Filippis

 

Source : Liberation.fr