Lui, président de la République - Gérard Filoche : « Hollande a donné satisfaction à ceux qui n'ont pas voté pour lui »

Bonjour, ce matin l’actualité est riche. Je vais donc faire mon possible pour vous en donner un petit aperçu…,

Tout d’abord, je pense qu’il faut remettre les choses à leur place. On pourrait faire du « Hollande- Bashing » primaire, mais je pense qu’il vaut mieux discuter sur le fond. Je ne suis pas forcément totalement en phase avec Gérard Filoche (notamment sur l’Europe), mais ce que je constate, c’est que presque tous les syndicats ont déserté leurs poste de « défenseurs » (et on croit savoir pourquoi).

M. Filoche utilise, lui, sa notoriété, pour alerter les autres Français de ce qui se trame en coulisse. Sa probité n’est plus à prouver, aussi quand un des seuls membres du PS (qui n’ait pas déserté ses valeurs) s’exprime aussi franchement, il est à mon avis intéressant de l’écouter... ; )))

gerard_filoche_02_05_2013.jpg
Gérard Filoche estime que la politique économique du gouvernement est insuffisante © Eric Cabani / AFP

Membre du bureau national du PS, Gérard Filoche considère que les choix politiques de François Hollande ne correspondent pas aux attentes des Français.

Propos recueillis par Hugo Domenach

Le Point.fr : Après un an de présidence, quel jugement portez-vous sur François Hollande et son gouvernement ?

Gérard Filoche : C'est un soulagement d'avoir mis fin à la malfaisance de Nicolas Sarkozy qui a essayé d'imiter Margaret Thatcher et Ronald Reagan. Lorsque Hollande a gagné en mai 2012, les attentes étaient très grandes et les blessures nombreuses à guérir. Pourtant, lors des six premiers mois, le gouvernement a tracé une ligne de crête entre sa politique et les attentes populaires. Il a opté pour répondre aux exigences du rapport Gallois [le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi, NDLR] en offrant 20 milliards de crédits d'impôts au Medef. Ces 20 milliards ont été donnés au patronat, pas aux hôpitaux, aux services publics de l'État et aux aides sociales. Cet argent manque pour guérir les blessures de l'État. On ne peut pas satisfaire ses amis et ses ennemis en même temps.

Il a également donné satisfaction aux Pigeons, ces entrepreneurs rapaces, puis a reculé sur la loi sur l'amnistie syndicale, votée par le Sénat. Lors de cette phase qui a donné satisfaction au patronat, aux nantis, à la finance, on a laissé sur le carreau les priorités sociales, les 5 millions de chômeurs, et les 8,6 millions de pauvres. Par la suite, on est entré dans une deuxième phase avec l'aggravation du chômage où l'on est passé de l'interrogation et l'attente à l'impatience, voire la colère. François Hollande a donné satisfaction à ceux qui n'ont pas voté pour lui. Il a été élu par 63 % des ouvriers et 69 % des salariés, pas par Mme Parisot. Il est happé par la crise et a perdu la confiance des électeurs.

La politique du gouvernement actuel est-elle en rupture avec celle du précédent ?

Nicolas Sarkozy a fait perdre 110 milliards de recettes par an à la France, il a ruiné le pays. L'essentiel de la dette vient de là et il n'a goinfré que les riches. Quand Jean-Marc Ayrault demande 5 milliards d'économies aux ministères, il essaye juste de corriger un peu le désastre laissé par la politique précédente. Mais ça ne suffit pas. On assiste à une petite rigueur, une petite austérité et on nous demande d'être contents alors qu'on met un peu de mercurochrome sur beaucoup de bobos. Il faut plus de moyens. Il n'y a pas de véritable rupture et les gens le ressentent même si ce n'est pas tout à fait pareil qu'avant. Mais la réponse ne correspond pas aux véritables attentes donc les gens ne s'en rendent pas compte.

Le 24 décembre, Pierre Moscovici a donné 2,585 milliards d'euros à une entreprise en difficulté. Il ne s'agissait pas de Mittal, ni de Petroplus, ni de Molex ou de Goodyear. Le gouvernement est venu en aide à Dexia. Le gouvernement Sarkozy n'aurait pas agi autrement. Il s'agit d'une faute grave de laisser fermer Mittal alors qu'on sauve une entreprise pourrie avec des avoirs toxiques et des dirigeants qui se sont servis dans les budgets. Ils doivent être jugés. Qu'ils fassent faillite et que le gouvernement rachète et nationalise comme ils ont fait en Espagne. La France est riche. Quand j'entends Michel Sapin expliquer que la France est en faillite, je m'étrangle.

Quel rapport entretient le gouvernement avec le Parti socialiste ?

Sur tous les dossiers, ça râle. Et ce n'est pas la gauche du PS, c'est la majorité. Il s'agit de maires, de conseillers généraux qui se plaignent et qui veulent leur part du gâteau. Mais d'un autre côté, il y a une tentative de museler le parti. Sur l'Europe, j'ai préparé un texte avec une motion minoritaire, mais on m'a interdit de le déposer. J'étais dans la commission qui a préparé le texte sur Angela Merkel. Nous, on voulait aller plus loin, la traiter de Thatcher et de libérale, alors que Jean-Christophe Cambadélis n'allait pas jusque-là. Il l'a édulcoré. Pourtant, après ça, on se fait traiter de germanophobes. Sarkozy avait dit : "La France n'a pas commis de génocide." Ça, c'était germanophobe. Au Portugal, il y a eu des centaines de milliers de personnes dans la rue contre la politique d'austérité. En France, on n'en a pas parlé, mais si ça continue, à la moindre occasion, on verra des millions de gens dans la rue.

Ce gouvernement, c'est mon gouvernement. Ma gauche, mon président et mon Premier ministre. Quand je manifeste et que je parle, je ne me place pas contre lui. J'essaye de l'influencer. Mais depuis quelques mois, je fais le tour de France et je perçois une vraie colère de la part des militants socialistes. Pour répondre à l'affaire Cahuzac, un choc de moralité et de transparence a été proposé. Les gens étaient choqués et on ne leur a répondu que là dessus alors que ce n'était pas l'essentiel. L'essentiel, c'est le choc social. On ne peut pas prôner l'austérité et, derrière, s'en mettre plein les poches. Il s'agit d'un choc entre la fraude et la misère, entre ceux qui souffrent, les petits salaires, les chômeurs, et le Cac 40.

Quelle réponse le gouvernement devrait-il apporter à ce scandale ?

Ce n'est pas possible de dire qu'il y a 590 milliards d'avoirs français dans les paradis fiscaux, qu'il y a entre 60 et 80 milliards de fraude fiscale, et de demander aux gens de faire des efforts. Lorsque Bernard Cazeneuve parle d'économiser 1,5 milliard dans les dépenses de l'État en 2014, il se fout de nous. Qu'il aille chercher les milliards là ou ils sont. Quand on nous parle d'ajouter 50 inspecteurs des impôts qui vont lutter contre la fraude fiscale, c'est n'importe quoi. 160 journalistes arrivent à enquêter sur les paradis fiscaux alors que l'État n'est pas capable de le faire [il parle de l'affaire Offshore leaks, NDLR]. C'est quand même incroyable que le ministre du Budget demande leurs sources aux journalistes. Si on n'y arrive pas, c'est qu'il n'y a pas assez de fonctionnaires et donc qu'il n'y a pas de volonté politique. J'accuse le gouvernement. On crée des déserts hospitaliers en plein Paris en fermant l'hôtel Dieu alors que si on recrutait 2 000 inspecteurs des impôts, ça rapporterait plus.

Hollande est-il l'homme de la situation ?

Oui, je l'ai regardé diriger le bureau national du Parti socialiste pendant dix ans. Il était au-dessus des autres. Il est à la hauteur de la situation et je ne dis pas ça pour faire le fayot. Il a bossé, il mérite sa place. Il ne fait pas preuve d'un déficit d'autorité, mais de mauvais choix politiques.

 

Source : Lepoint.fr

Informations complémentaires :


Inscription à la Crashletter quotidienne

Inscrivez vous à la Crashletter pour recevoir à 17h00 tout les nouveaux articles du site.

Archives / Recherche

Sites ami(e)s