Fin de l'anonymat, contrôle des réseaux sociaux : quand l'affaire Griveaux réveille les tentations liberticides du pouvoir (Marianne)

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  Ça pue, et Barbier qui cite la Chine comme exemple. Enfin ils montrent leurs vrais visages. C'est sûr que eux ils ne risquent pas de sortir une info, donc ils n'ont pas besoin d'anonymat. Heureusement, ils n'y connaissent absolument RIEN... Mais c'est ce qui les rend particulièrment dangereux comme Boris Johnson en Angleterre, ils décident de lois liberticides et inapplicables techniquement, et après démerdez-vous.

Censure 19 02 2020
Richard Ferrand a jugé dans le JDD que "l'anonymat est une honte", symbole de la volonté de plusieurs macronistes
de restreindre les libertés sur Internet après l'affaire Griveaux. - Philippe LOPEZ / AFP

Plusieurs figures du pouvoir et des éditorialistes affidés ont profité du scandale provoqué par la démission du candidat LREM à la mairie de Paris pour prôner des restrictions supplémentaires aux libertés publiques sur Internet. Sans que les mesures réclamées aient un lien avec le fond de l'affaire.

Le "centrisme autoritaire", récemment autopsié par Marianne dans un dossier, a encore frappé : au nom de la préservation de la démocratie, les partisans du gouvernement d'Emmanuel Macron ont pris l'occasion de la sordide affaire Benjamin Griveaux pour avancer des propositions… de recul tous azimuts des libertés publiques. Le pire ? Dans la plupart des cas, ces réactions, qui ont émané de membres de l'exécutif, de députés ou d'éditorialistes favorables au pouvoir, n'avaient qu'un rapport lointain avec les faits qui ont amené le candidat macroniste à la mairie de Paris à se retirer de l'élection. Passage en revue.

Fin de l'anonymat sur Internet : la fausse martingale

La proposition est devenu un automatisme chez ceux qui accablent "les réseaux sociaux" - sources de tous les maux - sans toutefois disposer d'une quelconque expertise en la matière : il faudrait mettre fin à l'anonymat sur Internet, réputé libérer les pires pulsions en chacun de nous.

C'est ainsi que Richard Ferrand, président de l'Assemblée nationale, a estimé dans le Journal du dimanche : "L'anonymat est une honte. Le premier des courages est de signer, d'assumer ce que l'on dit". L'éditorialiste Alain Duhamel a renchéri sur LCP, en jugeant qu'il fallait "se battre contre l'anonymat", comparant la situation sur les réseaux sociaux à l'Occupation dans les années 1940.

Sans le savoir, ces commentaires ne s'attaquent pas à l'anonymat, qui n'existe que de façon très marginale sur Internet : sur la plupart des plateformes, c'est derrière un pseudo que certains préfèrent cacher leur identité civile, pour des motifs personnels ou professionnels. Cependant, en cas de harcèlement ou d'insultes, il est tout à fait possible d'être identifié et retrouvé grâce aux informations personnelles fournies (numéro de téléphone, adresse mail). Mettre fin au pseudonymat priverait de nombreuses personnes du droit de pouvoir dialoguer librement sur les réseaux sociaux ; pire, cela permettrait au harcèlement d'être plus ciblé, violent, voire dangereux. L'interdiction des pseudos aurait-elle empêché la diffusion des vidéos de Benjamin Griveaux ? Pas le moins du monde : l'auteur de l'article, Piotr Pavlenski, a signé son acte, ainsi que les deux principaux diffuseurs de la nouvelle sur les réseaux sociaux, Laurent Alexandre et Joachim Son-Forget.

Loi Avia : les régimes autoritaires comme modèle

L'initiative exhale d'inquiétants parfums orwelliens. Au nom de la "lutte contre la haine", les députés macronistes semblent prêts à restreindre considérablement la liberté d'expression en ligne. La loi portée par Laetitia Avia propose en effet de confier aux plateformes de réseaux sociaux le soin de censurer en moins de 24 heures les propos jugés "haineux" sous peine de payer de lourdes amendes, et raccourcit ce délai à une heure pour les contenus signalés par la police. Le contrôle de la légalité de ce qui se dit sur Internet échapperait donc complètement à… la justice et aux juges, remplacés par la main des multinationales du numérique, qu'on devine tatillonne.

"Notre détermination [est] d'autant plus renforcée" par l'affaire Griveaux, a annoncé Laëtitia Avia, encouragée par la Licra, qui a tancé les parlementaires ayant "encore des pudeurs de gazelle à l'idée de fermer ce robinet de boue" que seraient les réseaux sociaux.

La perspective enchante l'éditorialiste Christophe Barbier, qui a osé sur France 5 prendre comme modèle… la Chine communiste. Moquant "la tiédeur et la pusillanimité des politiques" qui s'inquiètent pour la liberté d'expression, le journaliste s'est étonné : "Les Chinois arrivent à bloquer tous les mots qui parlent de démocratie, pourquoi nous on n'arrive pas à bloquer tous les mots qui franchissent la loi ?"

La consigne est claire. Elle passe à côté d'un petit détail : les mésaventures de Benjamin Griveaux ont démarré à partir de la mise en ligne de vidéos et de photos… sur un site Internet créé au Canada, et non un réseau social.

Introuvables "fake news"

La sortie de Gilles Le Gendre, a un peu plus confirmé l'impression de ces derniers mois : les partisans du président Macron ont une forte tendance à utiliser le terme de "fake news" pour désigner des faits qui leur déplaisent, davantage que pour brocarder des informations erronées. Le chef des députés LREM a ainsi appelé sur LCI à "mettre un cadre juridique afin de lutter contre les fake news en période électorale", en réaction à l'affaire Griveaux… qui s'appuie pourtant sur des éléments bien réels, aussi scabreux soient-ils. De quoi réveiller les inquiétudes suscitées par la loi contre les fake news, qui confie à une autorité d'Etat, le CSA, le soin de contrôler les plateformes Internet et de suspendre les sites d'information colporteurs de "fausses nouvelles" (sur quels critères ?) en période électorale.

Expulsion en Russie : la convergence avec le RN ?

Renvoyer manu militari un réfugié dans son pays d'origine, même s'il y est menacé physiquement ? On parierait que l'idée émane d'un cadre du Rassemblement national, mais c'est bien le député LREM Bruno Questel qui l'a émise sur LCI au sujet de Piotr Pavlenski : "Il est réfugié politique, il se comporte comme un salopard, a tranché le parlementaire. S'il y a une première chose à faire, c'est de le mettre dans un avion direction la Russie !"

N'en déplaise à l'élu de l'Eure, il paraît difficile de faire varier les règles du statut de réfugié en fonction de la sympathie qu'inspire au pouvoir tel ou tel bénéficiaire. En la matière, les règles sont claires : Piotr Pavlenski n'a pas fait allégeance à la Russie ni fraudé les règles, il ne représente visiblement pas une "menace grave pour la sûreté de l'Etat"... et la condamnation pénale qu'il risque pour la diffusion des vidéos est de deux ans d'emprisonnement, soit huit ans de moins que la peine nécessaire pour justifier une expulsion. Impossible donc de "foutre dehors" l'activiste en l'état actuel des lois. Mais peut-être les députés LREM veulent-ils les rendre plus restrictives ?

Statut de réfugié : un "renvoi au goulag" improbableLe 18.02.2020 à 16h46

A en croire plusiers experts en matière d'asile politique consultés par Marianne, un retour forcé de Pavlenski vers son pays natal est plus qu'incertain. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OPFRA) peut décider la cessation de l'asile si celui qui en bénéficie constitue une "menace grave pour la 'société'", conformément à l'article L711-6 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour évaluer cette menace, est évidemment pris en compte le risque terroriste mais aussi la condamnation à une peine de dix ans ferme. Comme on l'a vu, ce n'est pas le cas de Piotr Pavlenski. Le Russe cumule pourtant différents délits présumés : l'incendie d'une succursale de la Banque de France, une agression à l'arme blanche au Nouvel an, et l'atteinte à la vie privée de Benjamin Griveaux. Même dans le cas où Pavlenski se verrait déchu de son statut de réfugié, il ne pourrait pas être renvoyé en Russie s'il y est en danger, comme le prévoit la jurisprudence et notamment un avis de la Cour de justice de l'Union européenne rendu le 14 mai 2019. Dans ce cas de figure très hypothétique, Pavlenski ne serait plus réfugié mais... sans-papier demeurant en France.

 
 

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Source : Marianne.net

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