Lutte 2.0 : comment les cheminots veulent gagner la bataille de l'opinion publique

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Comme vous l'avez compris au-delà de la SNCF c'est un choix de modèle de société... Et les réseaux sociaux ou les blogs, ce sont les seuls trucs que ne contrôle pas le gouvernement, ou les médias de masses... Aussi, rappelez-vous qu'à la base Internet est hautement démocratique, et permet à tout le monde de s'exprimer... La preuve... ; )

Cheminots Greve 04 04 2018
Selon un sondage Ifop, 46% des Français trouvent le mouvement de grève dans le ferroviaire “justifié”. Une
hausse de quatre points en 15 jours. - JEFF PACHOUD / AFP

Malgré les difficultés que subiront les usagers, les syndicats de cheminots veulent convaincre la population de la dimension collective du combat. En face, le gouvernement dénonce une grève que "personne ne peut comprendre". Sur les réseaux sociaux, les premiers sont pour l'heure beaucoup plus efficaces que les seconds.

Quel que soit le camp, la conquête de l’opinion est une priorité. Souvent, c’est elle qui détermine le vainqueur du bras de fer. En 1995, alors que le Premier ministre Alain Juppé promet une réforme des régimes spéciaux de la SNCF, il est obligé de reculer face à une forte mobilisation des cheminots soutenue par deux Français sur trois. Pour remporter la bataille sociale, il faut donc mener - dans le même temps - une offensive de com' pour rallier la population à sa cause. Les organisations de cheminots l’ont bien compris. Ère des réseaux sociaux oblige, les syndicats et ses partenaires ont transformé la forme de leurs discours pour arriver à leurs fins. Jusqu’à voir, cette semaine, le hashtag “Je soutiens la grève des cheminots” au plus haut des sujets discutés sur Twitter. Faisant de la lutte une “tendance”.

“Face aux arguments fallacieux du gouvernement, il nous fallait mener une campagne ambitieuse”, explique à Marianne Gérald Briant, élu communiste mais aussi chargé de la communication du parti sur les réseaux sociaux. Le 22 mars, à l’occasion de la mobilisation nationale de la fonction publique et des cheminots, le Parti communiste lance la campagne “Mon train j’y tiens”. Le slogan sera repris en masse par les internautes, sous la forme d’un hashtag, évidemment.

L'autre mot-clé très utilisé est #TeamSNCF, un hashtag "volé" à la SNCF qui, hors grève, avait l'habitude de l'utiliser pour communiquer sur ses services et tenter de se rendre sympathique et accessible. Pas de chance pour Guillaume Pépy, certains cheminots grévistes rompus à l’usage des réseaux sociaux s’en sont donc emparés dernièrement. A tel point qu’il est devenu une sorte de point d’information numérique sur les actions des cheminots lors de la dernière mobilisation. Amélie, plus connue sous le pseudo de @amelie_picardie sur Twitter, est cheffe de bord. Le 22 mars, elle était dans la rue pour manifester. Et ce 3 et 4 avril, elle ne travaillera pas. “J’utilise ce mot-clé pour faire preuve de pédagogie, pour expliquer notre action et nos revendications et, parfois, calmer les personnes les plus virulentes”, confie-t-elle à Marianne. Pour elle, les clichés et les idées reçues sont les ennemis numéro 1 du personnel de la SNCF. “Avec les annonces du gouvernement, les attaques ont été plus dures”, constate-t-elle. Alors, il a fallu ruser pour “montrer l’envers du décors”.

Parler d’un “choix de société” plutôt que d’un “statut”

Car derrière l'outil, il y a surtout une stratégie : sortir d'un sujet très cheminots-centré et montrer qu'il concerne tout le monde. Selon Gérald Briant, le gouvernement a décidé “dès le départ” de prendre le parti d’un discours “dur” à l’encontre des cheminots “comme s’ils étaient la cause de tous les tourments de l’entreprise”. Avec, comme principal argument, leur statut “obsolète” et “coûteux” pour la SNCF. Une diabolisation des agents qui n’avait qu’un but selon lui : “jouer sur l’aversion des Français pour les privilèges”, de quelque nature qu’il soit. Il fallait alors jouer le contre-pied, choisir son “terrain de jeu” et “ses thèmes de débat”. Cette campagne a été la première pierre de cette stratégie.

“Sans statut, le train français est en danger. Il fallait alors remettre le train et ce qu’il représente au centre du jeu. Faire cesser ce cheminot bashing pour faire réfléchir la population sur la question du train comme service public.” Pour cela, quel meilleur outil que les réseaux sociaux ? Le seul espace capable de rivaliser avec les médias traditionnels”, pour l’élu parisien.

 

 

Un pari qu’assume François Grasa, secrétaire général de la fédération FO des cheminots. “La stratégie du gouvernement était de réduire le sujet aux ‘avantages’ de travailleurs, déplore-t-il pour Marianne. Alors qu’il s’agit d’un sujet de société qui engage chaque citoyen. Ainsi, plutôt que d’entrer dans le procès fait en égoïsme, les différents syndicats ont décidé de déplacer le curseur. En ouvrant les rails à la concurrence à partir de 2021 comme l’exige l’Union européenne, donc en soumettant le secteur ferroviaire aux lois du marché et de la productivité, c’est un service public que l’on va abîmer. Alors, en soutenant les cheminots, c’est d’une certaine façon tout le service public que l’on défend à son échelle. Un raccourci tiré par les cheveux, leur rétorque-t-on ? Qu’importe, pour François Grasa, c’est un argument qui “prend” dans l’opinion. “Les Français voient bien que le service public est attaqué de toute part. Pas un jour ne passe sans que les infirmiers, les surveillants de prison, les agents administratifs, ne fassent part de leurs difficultés face au manque de moyens et d’effectifs, rapporte le syndicaliste. La cause des cheminots doit devenir l’étendard de luttes annexes.”

“Ils tentent de dresser les personnes les unes contre les autres alors que, nous, nous usons d’une communication inclusive. Tout le monde peut s’identifier à la cause des cheminots”

C’est pourquoi, sur les réseaux sociaux, les slogans de soutien aux cheminots sont désormais assortis à d’autres causes, même si peu de chose les relie. La Confédération nationale du logement (CNL) par exemple, a édité un tract Mon train j’y tiens, mon HLM aussi”. Le syndicat “Solidaires” communique lui sur une “zone à défendre (ZAD) autour des services publics”, rattachant ainsi le sort des écoles ou des hôpitaux à celui des cheminots, montrés comme des éclaireurs. Difficile de dire si la méthode est efficace. Mais d’après un sondage Ifop pour le Journal du Dimanche, 46% des Français trouvent le mouvement de grève dans le ferroviaire “justifié”, contre 42% il y a deux semaines. “Quelque chose se passe”, se réjouit le représentant syndical. Il faudra cependant en juger sur la durée.

Du côté de la SNCF, on cale son discours dans les pas du gouvernement pour désamorcer un tel phénomène, toujours en insistant sur le tort causé aux usagers. Ce dimanche, à l’occasion d’une interview accordée au JDD, son président Guillaume Pépy a voulu se montrer ferme. Citant une “grève pénalisante” pour des usagers “choqués” par cette mobilisation perlée que “beaucoup de gens ne comprennent pas”. “Ils tentent de dresser les personnes les unes contre les autres alors que, nous, nous usons d’une communication inclusive. Tout le monde peut s’identifier à la cause des cheminots”, soutient Gérald Briant, à deux doigts de paraphraser la petite phrase d’Olivier Besancenot : “nous sommes tous le cheminot de quelqu’un d’autre.”

 

 

Source : Marianne.net

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