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Atlantico : En quoi cette technologie de l’édition génétique est-elle révolutionnaire ?
Alexandra Henrion-Caude : Le principe de l'édition génétique est révolutionnaire car cette technologie est d’une grande simplicité à mettre en œuvre.
On réalise des manipulations génétiques depuis longtemps de différentes façons : en remplaçant des bouts d'ADN ou en remplaçant des nucléotides, c’est-à-dire des lettres, précises. Mais avec l’édition génétique, on dispose désormais d’une technologie qui rend la tâche extrêmement aisée et applicable dans n'importe quel type cellulaire.
En quoi consiste cette technologie ?
L’édition génétique consiste dans l'utilisation d'une enzyme de bactéries, dite Cas9, qui coupe l’ADN en utilisant des espèces de petites molécules qui vont le guider. Ce sont les ARN. L'ensemble du complexe formé de l'enzyme – qui est une protéine -, de l'ADN – qui est à couper – et des ARN – qui le guident pour lui dire où est-ce qu'il doit être coupé – va permettre de manipuler le génome avec une précision extrême. Le mécanisme de cette édition se fait sur des reconnaissances de répétitions en palindrome, c’est-à-dire des lettres qui restent les mêmes qu’on les lise de droite à gauche, ou de gauche à droite. Ce principe est appelé CRISPR dans notre jargon. Nous pouvons continuer à dire CTRL+X, CTRL+V, ici, par simplification.
Quelle est la différence entre cette pratique de l'édition génétique et la pratique utilisée pour développer des Organismes Génétiquement Modifiés (OGM) ?
Jusqu’à présent, les OGM – qui sont des plantes – ont été développés par une vieille technique de manipulation génétique : la transgénèse. On additionne une information – un gène - au patrimoine génétique. Mais avec cette transgénèse, on ne maîtrise pas l'endroit où le gène va s'insérer. Il va donc peut-être tomber dans une phrase qui avait une importance dont on n'avait pas idée et apporter par conséquent un nouveau stress à l’organisme modifié. Il faut comprendre que toute modification génétique se fait dans le contexte de tout un ensemble complexe d'autres informations génétiques.
Ce qui diffère entre la transgénèse et l'édition génétique, c’est son efficacité : sa simplicité, sa rapidité et son moindre coût.
L’édition génétique permet d’envisager une multitude d’applications possibles. Qu’en est-il concrètement ?
Ces applications sont restées pour l’instant dans nos laboratoires : sur des bactéries, des levures, des plantes, des vers nématodes, des mouches Drosophiles, des poissons-zèbres, des rongeurs, des singes, et déjà, de façon dramatique, des embryons humains.
Mais on ne peut pas considérer que, sous prétexte que cette technologie existe, on puisse modifier tous les organismes car on n’en maîtrise pas encore toutes les conséquences sur le génome, ni les erreurs de ciblage dont on ne connaît pas la fréquence, et encore moins toutes les conséquences du remplacement d’une population par une autre. De nouveaux bouleversements d’écosystèmes sont dans la logique d’une application à échelle industrielle.
"CTRL+X on enlève tout ce qui ne va pas, CTRL+V on remplace par du bon", c’est possible sur le principe. Mais encore faudrait-il connaître ce qui est défini comme "bon". Prenez par exemple un mot comme "tabernacle". Employez-le en France, vous n'aurez aucun problème. Employez-le au Québec, il est considéré comme une injure. Cela signifie qu'une information prise dans un contexte génétique donné a un retentissement, qui sera différent dans le contexte d’autres informations génétiques, et cela on ne le maîtrise pas du tout. Personne n’en parle d’ailleurs.
Certes, l’édition génétique permet de modifier l’ADN avec une précision remarquable et de façon simple à mettre en oeuvre. Mais même si l’on arrive à maîtriser l'information qu'on est en train de modifier, on ne maîtrisera pas en revanche l'aspect de la caisse de résonance des autres informations génétiques. On ne connaît pour l'instant que la fonctionnalité de moins de 2% des informations génétiques contenues dans l'ADN chez l’homme.
Maintenant, cette édition génétique est un outil remarquable que nous a donné la nature pour étudier en détail les gènes, les fonctions. A ce titre, elle devrait en toute logique donner de très nombreuses applications. Or, c’est partiellement une découverte française, faite notamment par Emmanuelle Charpentier, et donc tout à fait nobélisable !
Cette technologie permet notamment d’envisager effectivement des possibilités de nouvelles méthodes thérapeutiques. Avec cette édition, on a corrigé des maladies mimées chez des souris comme une maladie du foie (la tyrosinémie) ou des muscles (la myopathie de Duchenne). En revanche, je considère qu’avant d’entreprendre ces nouvelles stratégies de soin, que je nomme "post-génomiques" : il faut d’abord avoir compris le génome avant de changer ce qu'il faut à nos cellules, et aux générations futures.
Les applications de l’édition génétique relèvent donc aujourd’hui seulement du fantasme ?
On ne peut pas vraiment considérer que les applications de l’édition génétique relèvent vraiment de la science fiction dans la mesure où une équipe chinoise a déjà utilisé cette technique pour modifier la lignée germinale des embryons humains. Et a d’ailleurs pu constater les éditions non voulues, non ciblées, sans que l’on ne comprenne pourquoi.
Concernant l’utilisation des embryons à des fins de recherche, j'ai pour ma part lancé une alerte à la conscience scientifique, signée par plus de 300 chercheurs et médecins, - dont de nombreux académiciens. Nous dénoncions le fait que les embryons humains ne pouvaient pas être banalisés au rang de matériel de laboratoire.
La loi a pourtant été votée dans la nuit du 25 au 26 mai 2011. Depuis, on a la possibilité d'utiliser les embryons humains à des fins de recherche en France.
Je continue malgré tout à dire qu'on ne peut pas utiliser l'embryon humain pour des recherches dans la mesure où je sais, en tant que généticienne, qu'il y a un continuum parfait de l'information génétique qui est porté par l'embryon à l'être que je suis maintenant et à l'être que je serai quand je vais mourir. A partir de cela, comment nous permettons-nous de choisir un stade de sa vie où l’on considère l'humain comme un matériel de laboratoire acceptable? Ne sachant pas faire ce distinguo, je m'empêche de compromettre cette vie à des fins de recherche pure.
Au final, quelles sont, selon vous, les limites que rencontre la technologie de l’édition génétique ?
A partir du moment où l'on modifie et où l'on transmet une information génétique, on ne sait pas maîtriser la diffusion de cette information ni ses conséquences. Outre le problème de la caisse de résonnance évoqué plus haut, c’est donc le problème du saut de génération qui est en question. On ne maîtrise pas les tas d'informations génétiques qui sautent les générations. C’est un domaine dans lequel il reste aussi encore énormément à découvrir. Et le principe de précaution en matière de remaniement génétique devrait prévaloir.
Lorsque vous touchez à l'information génétique elle-même – c’est-à-dire au codage du vivant -, vous savez que toute modification que vous faites ne va pas être neutre. Cela nécessite donc une connaissance complète de l'impact que l'on peut avoir. Le problème c'est qu'on ne maîtrise pas les conséquences de cet impact. C'est cela qui peut être inquiétant et c'est cela qui pose des problèmes éthiques.
Que se passe-t-il donc en attendant que la génétique avance ?
Le monde de la recherche génétique est pour l'instant surexcité avec cet outil et joue avec les embryons dans certains pays. Il n'y a pas de limites fixées.
C'est bien ce que je craignais d'ailleurs : on savait bien qu'à partir du moment où on banalisait en manipulant l'embryon humain comme s'il n'était pas vivant, - comme s'il n'était pas un programme de vie initié et engagé -, on allait toucher tôt ou tard à l'espèce humaine.
Il aura fallu moins d’un mois entre le moratoire signé en mars dernier dans la revue Nature mettant en garde contre l’application de cette technique d’édition sur les embryons humains et sa mise en œuvre par une équipe chinoise en avril. Ce moratoire avertissait que tout changement génétique des embryons, touchait effectivement la lignée germinale, rendant ces modifications transmissibles par hérédité aux générations suivantes. Ils mettaient en garde contre des applications préliminaires et non éthiques de cette technique. Mais comment limiter les expériences faites sur les embryons humains puisque, de façon dramatique, elles ont été autorisées.
Je dois avouer que je suis surprise de cette schizophrénie ambiante qui salue ce fameux moratoire, mais qui pourtant trouve justifié de manipuler l'embryon humain (dont sont dérivées les cellules souches embryonnaires humaines).
On sait parfaitement qu'on manipule le génome de tas d'espèces depuis les années 1970. C'est ce qu'on a appelé la biotechnologie. On dispose aujourd’hui de techniques qui deviennent de plus en plus faciles. Voilà qui banalise de facto l'accessibilité à manipuler le génome.
Quand on franchit des lignes rouges, on tombe toujours dans un monde qui manque de cohérence. Toute la difficulté est de rester effectivement à la fois mobile et ouvert à tous ces progrès et à la fois ferme et strict sur les limites.
Ceci dit, je considère aujourd’hui l'édition génétique – aussi appelée CRISPR-Cas9 - comme une révolution dans l'ingénierie des gènes riche de formidables promesses de compréhensions, mais dont il est clairement prématuré de proposer tout champ d’application…
Source : Atlantico.fr
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